Yannick Fogne : « Nous avons voulu consacrer d’importants travaux à l’inclusion financière de la Diaspora »
Le Club Dias’Invest237, l’association Diaspora Financial Solutions et une vingtaine d’autres associations de la diaspora se sont mises ensemble pour organiser la première édition du Forum International des investissements de la Diaspora au Cameroun (FIIDIC), du 25 au 29 avril prochain. L’ingénieur financier Yannick Fogne, secrétaire général de l’association Diaspora Financial Solutions et coordonnateur des ateliers Finances du forum répond à nos questions sur les objectifs et les attentes du forum en matière d’inclusion financière de la Diaspora et la contribution de cette dernière au développement du Cameroun.
L’association Cameroon Diaspora Financial Solutions co-organise avec le club Dias’Invest237 du 25 au 29 avril 2023, le Forum International des investisseurs de la diaspora au Cameroon (FIIDIC). Pourriez-vous nous décliner les grands objectifs visés par cette rencontre ?
Le Forum International des Investissements de la Diaspora au Cameroun (FIIDIC) est un rendez-vous inédit organisé par la diaspora à Yaoundé, dans le but de contribuer à la mise en place des facilités lui permettant de mieux contribuer au développement du Cameroun et militer pour une meilleure prise en compte des Camerounais de la diaspora dans les politiques publiques et administratives. Pour l’édition du FIIDIC 2023, nous avons voulu consacrer d’importants travaux à l’inclusion financière de la Diaspora, notamment à travers des ateliers finance où nous travaillerons sur les solutions IT, les solutions juridiques et règlementaires nécessaires pour capter davantage les ressource de la diaspora. Pour de multiples raisons le Cameroun ne capte que 300 milliards de FCFA de sa diaspora selon la banque mondiale, contre 1500 milliards (2.6Mds USD) pour un pays comme le Sénégal. Cela signifie que si le système financier Camerounais s’organise pour offrir les mêmes services d’épargne et d’investissement qu’on trouve au Sénégal, le pays pourra multiplier par 2 ses devises venant de la diaspora dans les prochaines années.
Pour les visiteurs, comment s’articulera cette rencontre ?
Nous avons prévu en général des stands sur l’esplanade de l’hôtel de ville pour diverses expositions, des ateliers et des tables rondes dans des salles appropriées. Mais le cœur du forum sur les questions financières sera dans les ateliers dédiés et nous invitons les entités intéressées à nous contacter pour les modalités pratiques de sponsoring et participation.
Ce forum intervient au moment où les pays africains dont le Cameroun font face au défi de la financiarisation de l’économie. En quoi la Diaspora peut-elle contribuer à inverser la tendance ?
La Diaspora joue d’abord un rôle vital de pourvoyeuse de devises gratuites pour la stabilité monétaire et la fluidité des transactions du commerce international au Cameroun. Nous entendons contribuer à multiplier ce flux à travers le forum pour réduire le retard sur les pays comparables comme le Sénégal ou le Ghana. La diaspora peut contribuer davantage si elle a la possibilité de mieux participer à la vie économique du Cameroun, c’est-à-dire si les banques leur facilitent la gestion de leurs comptes, si la BVMAC leur donne la possibilité de souscrire aux titres listés en toute sécurité depuis leurs comptes bancaires en ligne domicilié dans une banque de la place, si les promoteurs immobiliers ou le crédit foncier peuvent distribuer leurs produits (Lotissements, maisons, appartements) à travers les banques et bien d’autres. Le développement de ces produits et services servirait de base pour développer les produits dérivés comme le Real estate, le marché financier ou encore la finance alternative. Nous allons discuter avec les banques et les institutions financières comme la BDEAC sur les mécanismes et opportunités de structuration des financements d’actifs en immobilier industriel et immobilier commercial avec l’appui de la diaspora. Comme vous le savez, le financement des investissements (long terme) ne représente que 2% des encours de crédit au Cameroun et nous comptons apporter notre expertise sur ce qui se fait ailleurs. Si le secteur financier ne finance pas davantage l’investissement, le pays aura toujours du mal à se défaire des déficits commerciaux et des difficultés économiques et à terme nous ne sommes pas à l’abri d’une solution radicale comme la dévaluation si le programme du FMI n’arrive pas à redresser la situation financière du Cameroun.
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Quels sont aujourd’hui les freins à une participation plus conséquente de la diaspora camerounaise au développement du secteur financier et aux financements de notre économie ?
La diaspora Camerounaise est l’une des moins nantis sur le plan des outils développés par les pays Africains pour impliquer ou intégrer leur diaspora. Sur la question des nationalités : il existe plus de 7 régimes de nationalité, avec la ‘double nationalité sans restriction’ dans un extrême et ‘l’interdiction de la double nationalité’ dans l’autre extrême. Sans être un expert de la question, je crois que le Cameroun a adopté l’extrémité la plus brutale. Les régimes intermédiaires comme en Allemagne, permettent à la diaspora allemande de participer à la vie économique et sociale de leur pays et les restrictions sont essentiellement dans le champ politique. Le Cameroun gagnerait à s’en inspirer, mais ce n’est pas un sujet à l’ordre du jour de cette édition du FIIDIC. Sur la question purement bancaire, l’absence de la « diaspora banking » est un levier en moins pour capter les ressources de la diaspora, pourtant de nombreux pays en Afrique offrent déjà ces services et sont convenablement rétribués. Dans plusieurs pays comme au Rwanda il existe même un marché du change, où la diaspora a la possibilité de disposer des comptes en devises dans les banques locales, ce qui offre une flexibilité au cash management pour les entreprises et banques, exactement comme partout ailleurs au monde. Sur le plan administratif ou diplomatique, le Cameroun rame en sens contraire de la majorité des pays africains, car pendant que les autres suppriment les frais de Visa et le visa même, le Cameroun augmente les siens. Le budget des démarches de voyage pour les Camerounais ayant pris une autre nationalité est d’une importance susceptible de dissuader plus d’un sur les déplacements pour des fins familiales ou touristiques au Cameroun. Pourtant le pays connaît depuis plusieurs années une rareté des devises qui entrave les activités économiques.
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Du côté des pouvoirs publics et de l’autorité monétaire, quels leviers faut-il activer pour renforcer cette contribution ?
Les leviers à activer par les pouvoirs publics sont surtout réglementaires et administratifs, car nous souhaitons au sortir des ateliers pouvoir établir si les banques sont autorisées à identifier un client aux moyens des nouvelles technologies que nous allons présenter, si non quelles sont les mesures à prendre pour y arriver ? Nous souhaitons aussi savoir quel encadrement nos autorités peuvent apporter pour promouvoir la diaspora banking qui se développe partout en Afrique.
Aujourd’hui le texte qui réglemente l’entrée en relation bancaire interdit en son article 17 le règlement en espèces des transactions immobilières supérieures à 3 millions de FCFA ou l’extinction des créances supérieures à 5 millions. Dans le même temps les banques s’appuient à tort ou à raison sur les articles relatifs à l’identification pour demander aux personnes résidantes à l’étranger de voyager pour venir au Cameroun ouvrir un compte ou simplement faire une mise à jour ou passer des opérations. Cette pratique qui ne vaut son pesant d’or que pour une certaine époque qui s’éloigne sera au menu de nos échanges et au sortir nous comptons avoir des clarifications, des résolutions et des recommandations fortes. Nous allons également discuter de l’établissement du statut de ‘Comptes diaspora’, qui non seulement permettrait de prendre en compte les particularités des personnes résidant à l’étranger, mais aussi pour assurer une meilleure gestion des risques et reportings dans les banques. Avec 2.6 milliards de dollars de transferts par an (banque mondiale), soit 1500 milliards de FCFA, la Diaspora sénégalaise qui bénéficie de plusieurs atouts non disponibles au Cameroun contribue de manière significative au développement de leur pays et les pouvoirs publics Camerounais gagneraient à activer ce levier pour une relance économique saine, durable et sans endettement.
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Les fintech deviennent plus présentes sur les marchés africains. Quelle place sera accordée à ces acteurs ? À quel niveau situez-vous leur participation au développement du secteur financier ?
Les Fintech sont au cœur de la transformation des services de bancassurance partout dans le monde et nous allons effectivement présenter aux banques et aux autorités monétaires dans notre atelier IT, des solutions qui permettent d’avoir une relation client à distance sécurisée. Cette sécurité qui va de l’entrée en relation avec le KYC aux services divers d’investissement et de crédit tout au long de la relation permettraient de conforter les autorités sur leurs missions de prévention et de lutte contre le blanchiment des capitaux, en vue de l’évolution de la règlementation 01/CEMAC/UMAC/CM y relative pour faciliter « l’inclusion financière » de la diaspora. Nous pensons aussi Fintech au sens des opportunités économiques, car il existe aujourd’hui une forte communauté d’entrepreneurs IT dans la Diaspora et notre objectif est de faciliter la création d’un écosystème de sous-traitance avec des entités au Cameroun. Le Groupement Inter-Patronal du Cameroun (GICAM) a accepté de nous accompagner pour ce forum et avec les banques nous définirons les contours de cette plateforme. Pour le rappeler, l’Inde est le plus grand marché d’externalisation des services IT (IT outsourcing) et de Business Process Outsourcing (BPO) au monde, avec des recettes d’exportation de 178 milliards de dollars en 2022 (www.investindia.gov.in). Le Nigeria est un des pays Africains ayant misé tôt sur le potentiel IT avec l’aide de sa diaspora et en 2022 les TICs représentaient presque 17% de leur PIB. Le Cameroun gagnerait à prendre le train et ce forum est une opportunité idoine pour définir le modèle économique propice, qui tient compte de nos réalités locales. Nous appelons tous les entrepreneurs IT de la Diaspora à être attentif, voire se rapprocher de nous pour participer à la construction de cet écosystème qui va se structurer autour de l’amélioration des compétences IT des jeunes Camerounais, du financement et l’encadrement de la collaboration en sous-traitance et joint-ventures. L’informatique reste l’une des industries que le Cameroun peut développer rapidement et avec le moins de capital ; car l’essentiel du capital se trouve dans le potentiel intellectuel de sa jeunesse et la capacité à structurer ce potentiel pour le laisser éclore, le laisser créer son propre printemps dans la pénombre d’un avenir incertain qui cohabite incestueusement avec un potentiel certain.
Quels acteurs autres attendez-vous à ce Forum et comment y participer ?
En plus du parrain Yannick Noah qui comprend très bien les opportunités de cette initiative et que nous remercions pour le soutien, nous avons déjà la participation d’une trentaine d’associations de la diaspora, à laquelle s’ajoute diverses autorités et entités locales comme l’APECCAM, le GICAM, le MINEPAT, le MINFI, le crédit Foncier du Cameroun et diverses banques à la suite d’Afriland First Bank SA. Nous invitons les membres de la diaspora et divers acteurs intéressés à nous contacter au +33 752 750 643 ou +237 670 871 327 dans les meilleurs délais au regard de la proximité de l’échéance.
Propos recueillis par Cedrick Jiongo