Terminal à conteneurs du Port de Douala : qui est Terminal Investment Limited SA (TIL) ?
La filiale de la compagnie maritime Italo-suisse, Mediterranean Shipping Company (MSC) a été déclarée adjudicataire provisoire de la concession du terminal à conteneurs du port de Douala-Bonabéri et devrait donc succéder, dès cette fin d’année 2019, au consortium Bolloré-APM.
Le suspens a donc été levé le 16 septembre dernier. Terminal Investment Limited SA (TIL) est le nouveau concessionnaire du terminal à conteneurs du port de Douala-Bonabéri. Selon un communiqué rendu public par le directeur général du Port Autonome de Douala (PAD), Cyrus Ngo’o, « la procédure de recrutement d’un opérateur qualifié pour la rénovation, la modernisation, l’exploitation et la maintenance du terminal à conteneurs du port de Douala-Bonabéri a abouti à la sélection de la société Terminal Investment Limited (TIL), comme adjudicataire provisoire de la concession dudit terminal ». Le DG du PAD précise par ailleurs qu’en « application de l’article 30 du règlement de consultation, les discussions de finalisation des termes de concession, ensemble et ses annexes, vont débuter sans délai, dans la perspective de l’entrée en service du nouvel exploitant dudit terminal le 1er janvier 2020 ». C’est donc TIL, la filiale de la compagnie maritime Italo-suisse, Mediterranean Shipping Company (MSC) qui devra remplacer le consortium Bolloré-APM au port de Douala.
Le communiqué du DG du PAD est tout simplement venu confirmer les fuites annoncées par la presse depuis plusieurs jours déjà, et qui indiquaient que TIL avait présenté le meilleur profil pour succéder au consortium Bolloré-APMT, qui gère le terminal à conteneurs du PAD depuis 2005. TIL faisait partir de la short-list des 5 géants mondiaux de la gestion portuaire retenus lors de la phase de présélection suite à l’appel international à manifestation d’intérêt. Les autres prétendants étant CMA Terminals, basé à Marseille ; l’émiratie Dubaï Port World ; de Hutchison Port Investments Ltd, entreprise immatriculée aux Iles Caïmans ; du Saoudien Red Sea Gateway Terminal. On se souvient que dans une interview accordée à l’hebdomadaire Jeune Afrique au mois de juillet 2019, Cyrus Ngo’o, le DG du PAD affirmait avoir engagé une procédure d’appel à manifestation d’intérêt devant aboutir à la désignation d’un concessionnaire «…capable et disposé à s’arrimer à la nouvelle vision, à la dynamique de développement et de modernisation en cours d’implémentation au Port Autonome de Douala et contribuer efficacement à la croissance économique du Cameroun».
Fondée en 2000 par le capitaine de Sorrente (Naples) Gianluigi Aponte, MSC investit, gère et développe des terminaux à conteneurs dans le monde entier. La structure s’est développée et est devenue le plus grand opérateur de terminaux à conteneurs au monde avec 7 terminaux dans 25 ports de commerce mondial. Durant les 25 premières années de son histoire, le groupe a opéré principalement des lignes vers l’Afrique de l’Est, les États-Unis et l’Australie. Sa stratégie étant d’utiliser uniquement des « navires d’occasion » pour pallier les taux de fret de l’époque, trop bas pour justifier la commande de navires neufs. Ce n’est qu’en 1994 que MSC passe la commande de deux navires de 3 300 équivalents vingt pieds (EVP), le MSC Alexa et le MSC Rafaela (respectivement prénoms de la fille et de l’épouse de Gianluigi Aponte). Ils inaugureront la ligne Extrême Orient – Europe du Nord à leur sortie de chantier en 1996.
La compagnie connait ensuite un développement exponentiel dans les années 2000 avec une augmentation continue aussi bien du nombre de navires que de leur capacité. En octobre 2014, le fils de Gianluigi Aponte, Diego Aponte devient président du groupe. En juillet 2019, le groupe met en service le plus grand porte-conteneurs du monde, MSC GULSUN, 23 756 TEU. 232 618 tonnes de port en lourd. Premier d’une série de 11 navires sisterships. La société est devenue en 2014 le deuxième plus grand armateur de porte-conteneurs du monde, devant CMA CGM.
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Bolloré jusqu’au-boutiste
Le consortium Bolloré-APM Terminals qui vient de perdre sa concession au terminal à conteneurs du port de Douala ne lâche donc prise. Après la saisine du tribunal administratif de Douala, suite à son éviction contestée de la course pour le renouvellement de cette concession, et l’appel qui s’en est suivi de la décision prise par cette juridiction de suspendre le processus d’attribution de cette concession, le groupe français de logistique a annoncé dernièrement qu’il allait engager des procédures en arbitrage dans le cadre de cette affaire auprès de la Cour d’arbitrage international à Paris. Mais il n’excluait pas l’hypothèse d’un retour sur la table des négociations. « Si nous sommes conviés à une négociation, nous irons comme nous l’avons toujours fait ». En effet, le groupe Bolloré dit se fonder sur l’existence d’un protocole d’accord avec le Cameroun prorogeant de 4 ans sa concession au port de Douala. C’est Mohamed Diop, le directeur du groupe Bolloré pour la région golfe de Guinée qui faisait cette révélation, le 3 septembre dernier au cours d’une conférence de presse à Douala. Selon ce responsable du groupe français de logistique, la convention aurait été signée à la fin de l’année 2017, au terme de six mois de négociations au sein d’un comité ad hoc présidé par l’actuel directeur général du Port autonome de Douala (PAD), Cyrus Ngo’o. Chose curieuse, ce responsable, n’a jamais communiqué sur l’existence d’un tel protocole d’accord, depuis le début du processus de renouvellement de cette concession, si tant est vrai qu’il existe et qu’il a été signé par lui.
Selon les précisions données par le groupe Bolloré, ce protocole d’accord est articulé autour de cinq points. Notamment, le versement à la partie camerounaise d’une « contribution exceptionnelle » d’un montant de 24 milliards de FCFA ; l’augmentation des actifs des nationaux dans le capital de DIT, pour les faire passer de 10 à 30 % ; le doublement par DIT de la redevance à verser au Cameroun pour la concession du terminal à conteneurs du port de Douala ; puis la réalisation des investissements supplémentaires à hauteur de 20 milliards de FCFA. Ces engagements ont-ils donc été respectés par le groupe Bolloré, rien de l’indique, et c’est peut-être là, le motif du divorce entre Bolloré et le gouvernement camerounais au port de Douala. Toujours est-il qu’en retour, la partie camerounaise, selon les dires de Mohamed Diop s’était engagée à proroger la concession de DIT sur le terminal à conteneurs pour 4 ans, afin de permettre au concessionnaire d’amortir ses investissements. Cependant, explique le groupe Bolloré, alors que l’attente est à l’implémentation de ce protocole d’accord, survient un premier coup de tonnerre. En janvier 2018, le PAD lance un appel à manifestation d’intérêt pour recruter un nouveau concessionnaire. Après une démarche qualifiée de vaine en direction du PAD, afin d’en savoir plus sur les raisons de cette supposée volte-face de la partie camerounaise, le consortium Bolloré-APM Terminals postulera à l’appel à manifestation d’intérêt. Le dossier sera déposé « le 5 mars 2018 », précise Mohamed Diop.
Le 2ème coup de tonnerre survient en janvier 2019 : Bolloré-APM Terminals est exclu de la liste des cinq candidats présélectionnés pour la concession du terminal à conteneurs du port de Douala. « Nous avons été écartés à l’étape des pré qualifications. C’est comme si on refusait à l’équipe nationale du Cameroun, championne d’Afrique des Nations de football en titre (avant la dernière CAN, NDLR), de jouer les éliminatoires pour la prochaine édition de la CAN(…) », indique Mohamed Diop. Après quoi, le consortium Bolloré-APM Terminals va saisir le tribunal administratif de Douala. Le 16 août 2019, cette juridiction décide de suspendre le processus de désignation d’un nouveau concessionnaire du terminal à conteneurs du port de Douala. Et, le 21 août 2019, le PAD a formé un pourvoi auprès de la même juridiction. Ce pourvoi, selon les responsables du PAD, suspend la décision de suspension du processus, et permet donc de le poursuivre. Mais pour Bolloré, « Notre position, c’est que le processus reste suspendu (…) Nous allons nous battre par toutes les voies légales. Nous sommes déterminés à nous battre parce que c’est une question d’image (…) Nous demandons simplement à être traités conformément au règlement qui encadre cette compétition, à être remis dans la compétition pour concourir avec les autres candidats à armes égales », confie son directeur pour la région Golfe de Guinée.