Vente de sable: vives tensions autour d’une taxe de 4 000 FCFA
Les transporteurs de sable fulminent contre cet impôt qui, selon eux est une arnaque. Le gouvernement reste campé sur sa position, estimant que cela participe à réguler le secteur.
Plus un mois ne passe sans suivre des remous chez certains acteurs du secteur minier, notamment la filière dédiée aux exploitations de carrières. Il y a quelques jours, les transporteurs de camions de sable, à Yaoundé et dans la périphérie, sont une fois de plus montés au créneau. Ils décrient une taxe imposée par le ministère des Mines, de l’industrie et du développement technologique (MINMIDT). D’un montant de 4 000 FCFA, elle est imposée à tout camion de sable qui quitte une carrière pour une livraison.
Les transporteurs des produits des carrières s’insurgent contre cette taxe techniquement appelée « Lettre de voiture sécurisée ». En octobre dernier, ils avaient fait part de leurs récriminations au Premier ministre Philémon Yang, en décriant une « arnaque ». « Le ministre des Mines, de l’industrie et du développement technologique a décidé qu’avant de quitter une carrière, chaque camion doit payer une somme de 4 000 FCFA comme lettre de voiture. Si un camion fait dix tours, il est obligé de payer dix fois la même somme », soutenait en effet le Syndicat national des transporteurs routiers du Cameroun.
« Cela fait beaucoup d’impôts dans la mesure où cette taxe vient s’ajouter à d’autres charges qui ne sont pas toujours évidentes à supporter. Cela plombe la santé de nos activités. Et au final, nous sommes obligés d’impacter cela sur les prix du camion de sable pour ne pas courir le risque de tourner à perte et d’abandonner l’activité », soutient Christophe Mevoua, un transporteur basé à Yaoundé.
Les membres des syndicats nationaux des transports routiers au Cameroun et les conducteurs de camions bennes, transporteurs et vendeurs de sables et graviers ne décolèrent pas. En août dernier déjà, ils dénonçaient cette « arnaque » en révélant que les sommes collectées ne sont pas reversées dans le trésor public, mais curieusement dans des comptes privés et secrets. Bien plus, ces acteurs constataient que cette escroquerie se fait sur la base de lettres de voitures sécurisées contrefaites et importées à partir de la France.
Bien plus, lesdits transporteurs dénoncent le fait que la délivrance de ce document est soumise à l’achat d’un timbre de 1 000 FCFA, alors qu’on leur avait « expliqué que le document portant lettre de voiture sécurisée devait être délivré gratuitement ». Autant de désagréments qui justifieraient, selon eux, l’augmentation des prix des camions de sable et leur courroux.
Mais, toutes ces complaintes sont bottées en touche par l’administration publique. Elle estime que les jérémiades des transporteurs de cet agrégat sont la manifestation évidente de leur refus de voir la filière mieux structurée et sortir définitivement de l’informel. Il y a près de trois mois, le secrétaire général du MINMIDT avait apporté des éclaircissements au sujet de cette taxe contestée.
Selon les explications de Fru Jonathan, ce document renseigne sur les quantités de substances non concessibles extraites ainsi que leurs provenances, ce qui permet à l’administration fiscale de se déployer auprès des acteurs du secteur. Le souci majeur du gouvernement étant d’organiser l’activité d’exploitation de ces minéraux, dits de développement (sable, pouzzolane, latérite, saphir, marbre, calcaire, pierres ornementales, tourmaline, grenat, etc.), dans l’objectif de favoriser une exploitation durable et de valoriser leur potentiel. Une position qui indique clairement que le MINMIDT n’est pas loin de lâcher prise.
Impacts insignifiants sur la vie des populations
Que fait-on de l’argent prélevé à travers les nombreuses taxes imposées sur les activités minières au Cameroun ? Les réponses sont divergentes, en fonction de la position que l’on occupe dans ce secteur. Dans le Code minier, l’on mentionne deux principaux types de redevances proportionnelles. La première est la taxe à l’extraction des substances de carrières, qui est fonction du volume des matériaux (150 FCFA par mètre cube de sable extrait, par exemple) et la taxe ad valorem, proportionnelle à la valeur des produits extraits. Elle permet ainsi d’appliquer 8% d’imposition pour l’extraction des pierres précieuses (diamant, émeraude, rubis, saphir) ou encore 3% pour les métaux précieux (or, platine…)
Quoi qu’il en soit, il s’agit d’importantes sommes d’argent qui sont collectées chaque mois par les publics. Malheureusement, les communautés et les collectivités situées dans les zones d’exploitation de ces richesses n’en tirent aucun bénéfice. Alors que la répartition des revenus, prévue par l’Etat, prévoit 10% des ressources financières collectées pour ces collectivités.
« Ce sont d’importantes sommes qui rentrent ainsi dans les caisses de l’Etat et de la commune chaque jour. Mais, on a parfois du mal, nous-mêmes, à savoir pourquoi cela n’a pas de retombées directes et efficientes sur la vie des populations », dénonce sous cape une source travaillant dans une carrière située dans l’arrondissement de Mbankomo, près de Yaoundé.
Le fait que, malgré le travail d’informations et d’encadrement des organisations de la société civile auprès des populations, celles-ci ne sont pas au faîte des activités. Les communautés concernées nagent dans le flou, balancées qu’elles sont entre les pouvoirs publics et les entreprises exploitantes de ces ressources minières. Lorsqu’elles demandent aux entreprises des œuvres sociales, celles-ci les renvoient vers l’Etat en indiquant que les taxes sont payées et que c’est à ce dernier d’assurer la redistribution.
Difficile dans ces conditions, pour les populations riveraines, de mieux défendre leurs droits. Conséquences, elles vivent dans le dénuement et ne voient aucun impact positif sur leur vie, alors qu’elles vivent près des mines et carrières qui où sont brassés des millions, voire des milliards de francs.
Pour revenir à la taxe spécifique instituée par le ministère des Mines, l’on ignore également à quoi elle sera destinée. Tout juste si l’on indique au niveau des responsables qu’elle devrait permettre à l’Etat d’augmenter ses revenus dans un secteur où l’informel était de règle. Encore en phase pilote dans quatre des dix départements de la région du Centre, elle devrait s’étendre dans le reste du pays. En attendant de voir à quoi les sommes perçues seront affectées.