Tchad : l’enjeu du taux de participation au référendum constitutionnel
Face à la rigidité des lignes de fracture entre le gouvernement de transition, une partie de l’opposition et la société civile, le nombre de votants, dans un contexte d’appels au boycott et de coalition pour le « non », est très scruté par les partis après le vote du 17 décembre 2023
Plus de 8 millions de Tchadiens étaient attendus aux urnes le 17 décembre 2023, pour se prononcer sur la nouvelle constitution du pays. Celle-ci permettra, en effet, de mettre un terme à la transition politique en cours au Tchad depuis le décès au front, en avril 2021, du Maréchal Idriss Déby Itno. Mais combien de Tchadiens régulièrement inscrits sur les listes électorales ont effectivement pris part au vote ? C’est la question lancinante que se pose toute la classe politique tchadienne et leurs partenaires, au lendemain du référendum qui a eu lieu le 17 décembre 2023 dans le pays. Même au sein de la Commission nationale chargée de l’organisation du référendum constitutionnel (Conarec), l’on se garde, pour l’instant, d’avancer quelque chiffre que ce soit.
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Mais à Ndjamena, la capitale tchadienne, apprend-on de sources variées, le scrutin référendaire du 17 décembre 2023 a d’ores et déjà été marqué par une très faible affluence devant les bureaux de vote. Une réalité à laquelle certains observateurs de la scène politique tchadienne tentent de mettre en bémol, en rappelant le caractère frondeur de Ndjamena, dont la faible participation des habitants au vote a bien pu être compensée par une participation bien plus importante des populations de l’intérieur du pays. Les conjectures autour du taux de participation au référendum du 17 décembre 2023 au Tchad sont d’autant plus compréhensibles que dès la révélation du projet de constitution, des lignes de fracture sont apparues au sein de la classe politique et de la société civile, avec pour principale pomme de discorde la forme de l’État. En effet, alors que le gouvernement de transition opte pour la poursuite de l’État unitaire dans la nouvelle constitution soumise à la sanction du peuple, une frange de l’opposition et de la société civile trouve le fédéralisme plus adapté aux réalités tchadiennes.
Deux factions en opposition
Ces frictions ont donné naissance à deux coalitions pour le « Non » et pour le « Oui », à côté des partisans du boycott, plus radicaux encore. Tout au long de la campagne débutée le 25 novembre 2023, pour une durée de 20 jours, les principaux camps auront tenté de convaincre les électeurs de rallier leurs causes respectives. «Nous optons pour la forme fédérale de l’État parce que nous trouvons que c’est la forme la mieux adaptée au Tchad, vu l’immensité du territoire et ses diversités culturelles, sociales, économiques, sociologiques, etc. Nous pensons que c’est la forme de l’État qui va favoriser une bonne administration, qui va favoriser l’essor économique de notre pays», soutient Brice Mbaïmong, Coordonnateur du Front pour le « Non » au référendum. Dans le même temps, Mahamat Zène Bada, le vice-président de la Coalition pour le « Oui », appelait les citoyens tchadiens à voter « Oui ». « Et puisque vous avez dit Oui, votez Oui ! On vous dira pourquoi ? Et dites pourquoi pas ? Votons Oui pour un Tchad uni », indique-t-il.
A côté de ces partisans du « Oui » et du « Non », d’autres divergences sont apparues autour de ce référendum, présenté par une partie de la classe politique tchadienne et des analystes comme peu crédible et même gagné d’avance par le gouvernement de transition, qui, tout seul, a eu la mainmise sur l’ensemble du processus. « Du début à la fin, c’est le ministère de l’administration qui a géré le processus. Dans les provinces, ce sont les gouverneurs, dans les départements, ce sont les préfets. Donc, c’est le gouvernement qui l’a porté seul, alors qu’en principe, il devrait être neutre », fait par exemple observer le politologue Evariste Ngarlem Tolde.
Plaidoyer pour l’annulation du processus
Pour les plus radicaux, c’est tout le processus qui doit être annulé et repris. Les tenants de cette thèse soutiennent que le référendum du 17 décembre 2023 au Tchad n’obéit pas à l’esprit et la lettre du Dialogue national inclusif de 2022, dont il est l’émanation. « Il faut reprendre le processus, parce que cela ne correspond pas au dialogue national qui prévoyait en réalité deux référendums, ou alors deux votes des électeurs. Un premier vote pour trancher sur la forme de l’État, entre la forme unitaire et la forme fédérale, et un deuxième vote pour valider ou invalider le projet de Constitution qui sera soumis sur la base de la forme de l’État retenue », soutient Yamingué Bétinbaye, analyste politique.
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Dans ce foisonnement d’avis, le taux de participation semble être devenu le principal arbitre. Car, au-delà du résultat qui reste attendu, il sera le seul indicateur susceptible de renseigner véritablement sur l’engouement réel des Tchadiens et Tchadiennes à suivre la trajectoire qu’entendent tracer les autorités actuelles du pays dès 2024. Avec probablement pour chef de file le général Mahamat Idriss Deby, 37 ans, arrivé au pouvoir après le décès du Maréchal Idriss Déby en avril 2021, et qui entend conserver le fauteuil présidentiel au cours de l’élection prévue en 2024.