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SND30: l’Etat réservera 60% de sa commande à la production locale

Rendue publique le 16 novembre 2020, la Stratégie nationale de Développement 2020-2030, qui opérationnalise la deuxième phase de la Vision d’émergence du Cameroun à l’horizon 2035, vise à mettre en place les conditions favorables à la croissance économique et l’accumulation de la richesse nationale à travers des modifications structurelles indispensables pour l’industrialisation du pays. EcoMatin présente et analyse les contours, les objectifs économiques et de développement, les grands projets, et le plan de financement de cette Stratégie.

Le taux de croissance annuelle moyen du PIB suivant le scénario de la Vision 2035 avait été fixé à 8%, au moment de sa formulation en 2009. Le gouvernement expliquait alors que c’est ce profil de croissance qui permettrait d’atteindre les objectifs d’émergence du pays à cet horizon. Après les contre-performances enregistrées au cours de la précédente décennie sur cet indicateur, il a opté pour une prévision réaliste. 5,5% de progression en moyenne annuelle, avec cependant des disparités périodiques assez importantes sur toute la décennie. «Sur les trois premières années de mise en œuvre de la SND30, les profils de croissance obtenus dans les deux scénarii ne seront pas significativement différents compte tenu des délais, notamment dans la mise en œuvre effective des différentes réformes et des programmes d’investissement, ainsi que dans l’appropriation de tous les acteurs des grandes orientations et la mobilisation des financements», explique la Stratégie. Qui poursuit : «Par contre, sur la période 2023-2026, et avec les premières retombées de la mise en œuvre des différents projets, l’écart de croissance du PIB non pétrolier commencera à être perceptible avec une déviation de près de 2,4% en moyenne annuelle entre les deux scénarii. Bien plus, entre 2027 et 2030, le taux de croissance annuel moyen devrait se situer autour de 10%, soit 3,6% au-dessus de celui du scénario de référence».

Outre cet objectif quantitatif de croissance économique, c’est la transformation massive du profil socio-économique du pays, objectif qualitatif, que vise la SND30. De manière globale, le gouvernement se donne en effet pour objectif de «mettre en place les conditions favorables à la croissance économique et l’accumulation de la richesse nationale et veiller à obtenir les modifications structurelles indispensables pour l’industrialisation du pays; améliorer les conditions de vie des populations et leur accès aux services sociaux de base en assurant une réduction significative de la pauvreté et du sous-emploi; renforcer les mesures d’adaptation et d’atténuation des effets des changements climatiques et la gestion environnementale pour garantir une croissance économique et un développement social durable et inclusif ; et améliorer la gouvernance pour renforcer la performance de l’action publique en vue de l’atteinte des objectifs de développement».

Précisément, le gouvernement entend par exemple, porter la part des ressources transférées aux Collectivités Territoriales Décentralisées à au moins 15% des recettes de l’Etat ; porter à au moins 60% la part de la commande publique en biens et services produits localement. Pour y parvenir, quatre principaux centres d’actions, érigés en piliers, vont servir de boussole à son action : la transformation structurelle de l’économie; le développement du capital humain et du bien-être ; la promotion de l’emploi et de l’insertion économique ; la gouvernance, la décentralisation et la gestion stratégique de l’Etat.

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Planification : 46 réformes majeures à mettre en œuvre              

Avec la Stratégie Nationale de Développement 2020-2030 (SND30) dévoilée le 16 novembre 2020 à Yaoundé, nombre d’analystes, comme l’experte en gouvernance publique, Pr Viviane Ondoua Biwole, pensent que la stratégie de la gouvernance et de la gestion stratégique de l’Etat a été densifiée et arrimée aux exigences nouvelles. Mais le gouvernement reconnait que le succès de la nouvelle stratégie de développement dépend de la mise en œuvre 46 « Réformes majeures pré-identifiées ». Il s’agit d’un train de mesures qui sont un préalable ou qui viennent en accompagnement des quatre grands piliers de la SND30.

Le fil d’Ariane de la transformation structurelle de l’économie nationale sera la mise en place d’un « cadre légal et réglementaire articulant la défense économique avec la défense militaire et la défense civile. » Le gouvernement entend aussi réformer le statut de la diaspora camerounaise afin d’optimiser sa participation au développement. Il devient donc impératif de faire aboutir la réforme foncière, en cohérence avec l’industrialisation, la modernisation de l’agriculture, le développement des villes, de l’immobilier et du logement, autant que la mise en place d’un Haut commandement du numérique, en vue de garantir un périmètre numérique de sécurité pour l’Etat. Il y a aussi lieu de mettre en place le cadre légal visant à éliminer les importations des produits de second usage. L’industrialisation passe par le développement d’une véritable infrastructure qualité (normalisation, qualité, métrologie, évaluation de la conformité, surveillance du marché). Les experts recommandent l’adoption d’au moins 5000 normes d’ici 2025.

Pour diversifier et densifier la capacité nationale de financement, il est prévu de mettre effectivement en place la Caisse de Dépôts et Consignation (en chantier depuis 2008), une Banque de financement des investissements, un fonds souverain pour accompagner les investissements dans les secteurs moteurs d’industrialisation, la Banque camerounaise d’Import-Export (Exim Bank) et un cadre légal du capital-investissement.

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Patriotisme

Pour le développement du Capital Humain, la promotion de l’emploi et de l’insertion des jeunes dans le circuit économique, la SND30 repose sur l’introduction dans tous les programmes de formation des modules relatifs au patriotisme économique, au vivre ensemble et au multiculturalisme. Les pouvoirs publics annoncent également la mise en place d’un cadre certifiant de formation de masse et de renforcement des capacités des travailleurs du secteur informel à travers le programme « Train my generation ». La loi-cadre sur la Couverture Santé Universelle devrait être adoptée dans les meilleurs délais de même que la structuration du sous-secteur de la médecine traditionnelle en vue de normer et de vulgariser les médicaments locaux. En outre, la finalisation de la révision du code du travail et ses textes d’application est un impératif pour dynamiser le marché du travail.

Pour une gouvernance efficiente et la gestion stratégique de l’Etat, le gouvernement s’engage à créer et mettre en place des juridictions spécialisées pour améliorer l’instruction des litiges commerciaux et financiers notamment. Par exemple, des magistrats et des greffiers ont été formés aux procédures de saisies bancaires mais la loi établissant les tribunaux de commerce n’est toujours pas adoptée par l’assemblée nationale. Il est aussi question de fixer des objectifs des dividendes aux entreprises publiques, évaluer les performances et sanctionner les gouvernants et managers.

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Création de richesse : un périmètre stratégique autour de neuf sous-secteurs industriels

« Favoriser une croissance économique forte, une prospérité partagée, un développement endogène et inclusif tout en préservant les chances des générations futures ». L’ambition du gouvernement dans la SND30 reste la même que lors de la première phase d’une vision de développement à long terme : faire du Cameroun un pays émergent à l’horizon 2035. « On constate que la stratégie s’inscrit dans la continuité de la précédente avec un accent particulier sur l’industrialisation comme principal pilier de la croissance du Cameroun », renchérit le Pr Viviane Ondoua Biwole, Experte en gouvernance publique. A ceci près que si avec le Document de stratégie pour la croissance et l’emploi (Dsce), le gouvernement avait opté pour la « grande poussée », aujourd’hui il s’est ravisé en adoptant un nouveau paradigme : la transformation structurelle de l’économie, sous le conseil du Pr Henri Ngoa Tabi.

En vue d’enclencher le développement industriel du pays, la première phase de la Vision a principalement porté sur la modernisation de l’appareil de production à travers des investissements massifs dans les infrastructures, notamment l’énergie, le transport, les télécommunications et l’accès à l’eau. La mise en œuvre de ces politiques a permis notamment de porter la part de l’industrie manufacturière dans le PIB de 8% en 2010 à 12,9% du PIB en 2016 dépassant ainsi la cible de 0,4 point. Cependant quelques difficultés structurelles du secteur des industries et services n’ont pas fondamentalement changées.

Pour la prochaine décennie, la Stratégie nationale de développement du Cameroun vise à porter la part du secteur secondaire dans le PIB de 28,2% en 2018 à 36,8% à l’horizon 2030. L’objectif étant de faire du Cameroun le commutateur (fournisseur d’énergie électrique), le nourricier (fournisseurs des produits agro-industriels) et l’équipementier (fournisseur de biens d’équipement notamment les meubles) de l’Afrique centrale et du Nigeria. Cette stratégie de développement industriel repose sur le Plan directeur d’industrialisation du Cameroun (PDI) adopté en décembre 2016.

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«Le périmètre stratégique retenu par le gouvernement comporte neuf sous-secteurs industriels moteurs : l’énergie, l’agro-industrie et le numérique, mais aussi les filières forêt-bois, textile-confection de cuir, mines-métallurgie-sidérurgie, hydrocarbures-pétrochimie-raffinage, chimie-pharmacie et construction-services-professionnels-scientifiques-techniques. En plus des services industriels, le développement de l’industrie s’accompagnera des services non financiers», renseigne la SND30.

L’objectif final est de porter la valeur ajoutée manufacturière de 12,9% en 2016 à 25% en 2030 ; et porter la part des exportations des produits manufacturiers de 26,25% en 2015 à 54,5% en 2030. Ce modèle de croissance économique tirée par l’industrie manufacturière, indique le document de stratégie, exige de faire passer la productivité totale des facteurs d’une contribution moyenne de 5-16% ces dernières années à une cible de 30-40% du taux de croissance du PIB à moyen et long terme.

Grands projets : 37 500 milliards  investir au Cameroun d’ici 2030

Le Cameroun entame la phase d’implémentation de la Stratégie Nationale de Développement (SND). Fixées sur la décennie 2020-2030 avec pour objectif la transformation structurelle du pays et le développement inclusif, les nouvelles orientations font une grande place à la réalisation des projets d’infrastructures dont le financement se monte à 37 500 milliards de Francs CFA.

Dans le menu, il sera question pour le gouvernement d’implémenter le plan de reconstruction des régions du Nord-Ouest, Sud-Ouest et de l’Extrême-Nord (3500 milliards de Francs CFA), renforcer l’éducation technique et scientifique (120 milliards de Francs CFA), accroitre le potentiel énergétique (5 855 milliards de Francs CFA), développer l’agro-industrie (1 455 milliards de Francs CFA) et du numérique (250 milliards de Francs CFA).

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Il sera également question de mettre en œuvre les plans de développement des infrastructures de transport ; les plans de gestion courante des infrastructures de transport (100 milliards de Francs CFA) ; le projet d’extension d’Alucam (660 milliards de Francs CFA) ; le projet d’implémentation de la 2e phase du yard pétrolier de Limbé (180 milliards de Francs CFA) ; le projet d’extension du complexe industrialo-portuaire de Kribi ( 1084,3 milliards de Francs CFA) ; le plan de modernisation des grandes villes (3750 milliards de Francs CFA), le plan de protection sociale et de couverture de la santé universelle (12 320 milliards de Francs CFA) ; le plan national de résilience socio-environnementale (100 milliards de Francs CFA) et le projet de construction de nouveaux terminaux modernes dans les aéroports de Garoua et Douala.

Plusieurs leviers sont envisagés pour le financement de la stratégie nationale de développement 2020-2030 (SND30). Ce sont les ressources budgétaires propres, les ressources du marché financier, la coopération bilatérale et multilatérale, les partenariats publics-privés, la mobilisation de l’épargne nationale, les transferts de fonds de la diaspora. « Le secteur privé national et étranger devra investir plus de 60% des ressources nécessaires à la transformation structurelle visée par la SND30 », indique le document d’orientation présenté officiellement le lundi, 16 novembre 2020 à Yaoundé. Pour y arriver, l’Etat envisage de nouer des partenariats avec des fonds d’investissement, des grands groupes industriels et les entreprises leaders dans les secteurs stratégiques, mettre en place des mécanismes incitatifs pour accroitre la participation de la diaspora au financement du développement.

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La stratégie nationale de développement 2020-2030, intervient après les retards observés dans la mise en service des projets menés de 2010 à 2020, opérationnalisés par le Document de stratégie pour la croissance et l’emploi (Dsce) avec pour objectif de moderniser l’économie par l’accélération de la croissance, la création d’emplois décents et la réduction de la pauvreté. A travers la SND30, le gouvernement se donne donc pour ambition de tirer avantage des insuffisances relevées lors de la mise en œuvre du Dsce, pour parvenir à transformer structurellement l’économie camerounaise.

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