Report de crédits: un nouveau scandale de corruption au ministère des Finances
Les entreprises dont les prestations de 2013 à 2017 avaient été inventoriées et qui devaient être prises en charge dans l’enveloppe de 10 milliards Fcfa débloquée depuis mai 2018 par le ministre des Finances en vue du règlement d’une partie de la dette intérieure font l’objet d’un racket. C’est le dossier qui aurait emporté l’ex-sous-directeur du contrôle financier Mathurin Nnang.
Deux mois après son arrivée à la tête du ministère des Finances, Louis Paul Motaze a autorisé, par décision du 24 mai 2018, la prise en charge à hauteur de 10 milliards Fcfa, des prestations réalisées par les Petites et moyennes entreprises (Pme) et n’ayant pas été prises en compte dans le budget de l’Etat, de 2013 à 2017. Cette décision faisait suite à un inventaire réalisé sur les dépenses tombées dans le clos, c’est-à-dire, engagées mais non ordonnées par l’Etat.
Les entreprises répertoriées, 303 au total, ont tout de suite pris attache comme demandé par le Minfi, avec les services financiers des maîtres d’ouvrage concernés, pour transmission des pièces justificatives de leurs créances à la Direction générale du budget. Sauf qu’il s’est créé un goulot d’étranglement, notamment au niveau de la sous-direction du contrôle financier, chargée de transmettre au Trésor les dossiers des prestataires dès que les conditions administratives sont remplies pour paiement.
Des informations glanées à bonne sources font état de ce que l’ex-sous-directeur, Mathurin Nnang, aurait créé un système de « péage » où il exigeait des prestataires qu’ils lui reversent au préalable 3% du montant dû pour que leur dossier soit transmis pour paiement. Calculette en main, cela fait une coquette somme de 300 millions Fcfa que le sous-directeur du contrôle financier entendait gagner dans l’opération.
Mais à ce jour, beaucoup de prestations pourtant répertoriées dans le cadre de cette opération n’ont pas été réglées. Il s’agirait pour la plupart de celles dont les adjudicataires ont refusé de se plier au préalable fixé de manière informelle par l’ex-sous-directeur du contrôle financier. On se retrouve avec des cas où, au niveau de la cellule informatique du ministère des Finances et après validation des différentes étapes, l’ordre virtuel de paiement a effectivement été transmis au Trésor, sans suite, puisque celui-ci ne paie que sur la base d’un dossier physique.
Au secrétariat de la sous-direction du contrôle financier, les collaborateurs de Mathurin Nnang n’arrivaient pas à s’expliquer pourquoi les dossiers en attente étaient validés au compte-goutte par le « patron », et surtout pourquoi c’est ce dernier qui remettait personnellement les dossiers aux prestataires.
Des indiscrétions font état de ce que, informé des pratiques dolosives de son collaborateur, Louis Paul Motaze s’est mis dans tous ses états. Il faut relever que la décision du Minfi d’oxygéner la trésorerie des Pme en réglant une partie de leur dette, visait à faire en sorte « les fonds ainsi versés aux entreprises [puissent] agir en faveur de la sauvegarde et de la création d’emplois, en même temps qu’ils devraient permettre de générer des revenus fiscaux pour l’Etat dont l’une des missions, assignées aux services de l’assiette dans le programme économique et financier, consiste justement à élargir l’assiette fiscale afin d’accroître à terme les ressources internes », précise le ministère des Finances.
Mahamat Abba Liman, le nouveau sous-directeur du contrôle financier, qui n’a pas encore véritablement commencé à faire bouger les lignes, est observé de près par les proches de Louis Paul MOTAZE, qui a donné des instructions claires sur la transparence et la diligence qui doivent désormais accompagner le traitement de ce dossier de report. Pour mémoire, l’apurement des restes à payer par le Trésor public au titre de la dette intérieure de l’Etat des exercices 2017-2018 se poursuit. Le montant des règlements effectués en avril et mai 2018 se chiffre à 94 milliards Fcfa.