RCA : Comment Touadera prépare la nomination d’Yvon Sana Bangui au poste de gouverneur de la Beac
Alors que le principe de rotation des postes à la tête des institutions communautaires exige que le prochain gouverneur de la Beac soit un ressortissant centrafricain, le président en exercice de la Conférence des chefs d’Etat de la Cemac, Faustin-Archange Touadera, aurait opté pour Yvon Sana Bangui, un proche parent dont il a déjà favorisé l’ascension au sein de la banque centrale, pour succéder au Tchadien Abbas Mahamat Tolli. Le dossier du très probable candidat de la RCA a été présenté à certains dirigeants de la sous-région. Mais son profil, davantage informaticien qu’économiste, pourrait poser problème en tenant compte d’un précédent.
Un vent de changement s’apprête à souffler sur la Banque des Etats de l’Afrique centrale (Beac). Alors que le Tchadien Abbas Mahamat Tolli arrive bientôt à la fin de son mandat de gouverneur de la banque centrale régionale, le nom de son très probable futur successeur est d’ores et déjà connu. Selon les informations d’EcoMatin, il s’agit du Centrafricain Yvon Sana Bangui. L’ingénieur et économiste de 49 ans serait le candidat en pole position pour prendre la tête de l’institut d’émission.
Si l’information se confirme, le natif de Bégoua, une commune de Bangui, la capitale centrafricaine, devrait officiellement prendre fonction d’ici mi-février, au lendemain de la fin de mandat de l’actuel gouverneur. Mais avant, certains préalables doivent être remplis, en application des textes communautaires. En effet, selon les Statuts de la Beac, « Le gouverneur de la Banque centrale est nommé par la Conférence des chefs d’État de la Communauté Économique et Monétaire de l’Afrique Centrale (Cemac), sur proposition du Comité ministériel de l’Union Monétaire d’Afrique centrale (Umac) et après avis conforme du Conseil d’administration de la Beac statuant à l’unanimité ». En d’autres termes, le comité ministériel et la conférence des chefs d’Etat doivent se conformer au choix du conseil d’administration.
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Cependant, l’on n’en emprunte pas le chemin. Puisque la question n’a pas été à l’ordre du jour lors du dernier conseil d’administration de la Beac, en décembre. D’après des experts, l’on s’achemine donc, comme cela fut le cas à propos des deux derniers gouverneurs, vers une désignation par la conférence des chefs d’État de la Cemac, qui sera ensuite concrétisée à travers un « acte additionnel » de son président en exercice.
De fait, une session extraordinaire de la Conférence des chefs d’Etat de la Cemac devrait en principe se tenir dans les jours qui viennent. C’est probablement au cours de cette réunion hautement stratégique que les participants découvriront le nom du futur gouverneur de l’institution financière sous régionale. Les statuts de la Beac disposent en effet que « le gouverneur est choisi en raison de ses compétences dans les domaines économique, juridique, monétaire ou financier », suivant « le principe de rotation par ordre alphabétique des Etats membres ». C’est donc à l’avance qu’on connaît la nationalité du candidat. Et même parfois son identité.
Touadera à la manœuvre
Ainsi donc, dans le grand jeu de chaises musicales pour la gestion de la Banque centrale, la Centrafrique doit occuper le poste de gouverneur dès ce mois de février 2024. En principe, ce choix devait revenir au Cameroun qui succède au Tchad en vertu du principe de rotation des postes à la tête des institutions communautaires. Mais le siège de l’institut d’émission étant à Yaoundé, le Cameroun ne peut le faire. C’est la raison pour laquelle la désignation incombera à la Centrafrique qui suit le pays dirigé par Paul Biya dans l’ordre alphabétique. La tâche revient donc à Faustin-Archange Touadera de proposer le nom de l’un de ses compatriotes à ses pairs du Cameroun, du Congo, du Gabon, du Tchad et de la Guinée Équatoriale. Une responsabilité supplémentaire qui renforce le poids des prérogatives du chef d’Etat centrafricain, par ailleurs président en exercice de la Conférence des chefs d’Etat de la Cemac.
Convoité au sein de son entourage et attendu au tournant par les partenaires de son pays au plan monétaire, le dirigeant centrafricain aurait donc jeté son dévolu sur Yvon Sana Bangui, qui est un proche parent. « Il a eu une ascension fulgurante à la Beac depuis que Touadera a pris le pouvoir. Il lui doit notamment sa nomination à son poste actuel de directeur central des systèmes informatiques », font remarquer des cadres de la banque centrale. Et c’est d’ailleurs dans le double objectif de leur présenter non seulement le candidat de la RCA et aussi d’obtenir leur approbation que la ministre centrafricaine des Relations extérieures, Sylvie Baïpo-Temon, a récemment rencontré certains chefs d’État de la sous-région, à l’instar de Paul Biya et de Mahamat Idriss Deby Itno. Une démarche qui exclut pour le moment la commission de la Cemac, dont le président devrait en principe être associé aux consultations, selon les usages communautaires. Une preuve de ce que Bangui compte verrouiller le processus.
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« Tradition familiale »
La probable nomination d’Yvon Sana Bangui au poste de gouverneur de la Beac s’inscrirait donc dans une sorte de « tradition familiale » inaugurée lors du mandat finissant, mais pourrait se heurter au fait qu’il soit davantage un informaticien de métier, bien que son CV, largement véhiculé sur les réseaux sociaux, mentionne des parchemins économiques. L’essentiel des postes qu’il a occupés durant son parcours à la Beac sont du registre de l’informatique. Or, certains dirigeants, à l’instar du Congolais Denis Sassou Nguesso, pourraient être tentés de faire barrage, comme il l’avait déjà fait en 2010, en bloquant la candidature de Baltasar Engonga Edjo’o, au motif qu’il n’offrait pas suffisamment de garanties en matière de compétences économiques pour diriger une banque centrale. Ce qui avait obligé son homologue équato-guinéen, Teodoro Obiang Nguema Mbasogo, à recourir en extrême urgence à Lucas Abaga Nchama qui occupait un poste de directeur général au sein de l’institut d’émission.
Si le choix de Touadera venait à être validé par ses pairs, ce serait une consécration pour celui qui cumule 19 années d’expérience professionnelle au sein de la Beac où il a contribué, apprend-on, à la mise en œuvre de certaines réformes. Notamment : la gestion des Comptes Uniques des Trésors Nationaux ; la réforme de la programmation monétaire en zone Cemac ; la refonte de la Centrale des risques bancaires de la Cemac ; l’élaboration d’une stratégie régionale d’inclusion financière et la mise en place d’un dispositif de suivi et de promotion de l’accès aux services financiers dans la Cemac, etc…
Né le 25 mai 1974, le très probable futur gouverneur est originaire de la région de la Lobaye. Formé au Maroc et en France, il est titulaire d’un bac+4 en mathématiques appliquées, d’un DESS en informatique et télécommunications, ainsi que de deux masters en économie et gestion publique. Il intègre la Beac en 2005 et va progressivement occuper plusieurs postes. Au sein du sérail centrafricain, des voix le présentent comme un travailleur acharné qui a le profil pour hisser la Beac vers de meilleurs standards internationaux, et à même de relever les défis auxquels l’institution est confrontée afin de garantir la stabilité financière, macroéconomique, et promouvoir la croissance économique et sociale de la zone Cemac.
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