Radiodiffusion : black-out sur la TNT
Le basculement au numérique, d’un coût de 110 milliards Fcfa incluant la réhabilitation de la Crtv et qui devait s’achever en juin 2015, n’est pas effectif quatre ans après. L’office de radiodiffusion du Cameroun et le gouvernement n’osent plus en parler. La phase pilote lancée à Yaoundé et Douala cette même année-là est un cuisant échec.
Après un mois de retard par rapport à la date butoir fixée par l’Union internationale des télécommunications (Uit), le gouvernement avait annoncé en grande pompe, le 14 juillet 2015, le basculement du Cameroun à la Télévision numérique terrestre (Tnt). En sa triple qualité de ministre de la Communication (Mincom), de vice-président du Comité national de pilotage de la migration de l’analogique au numérique (Cameroon Digital Television project-Cam-Dtv) et de président du conseil d’administration de la Cameroon Radio Television (Crtv), opérateur choisi par le gouvernement pour opérer cette migration, Issa Tchiroma Bakary, avait indiqué que 1000 ménages de Douala et Yaoundé étaient concernés par cette phase technique au terme de laquelle les décodeurs destinés au téléviseurs analogiques devaient être mis en vente à un prix suffisamment accessible aux populations. 12 chaînes dont huit nationales (Crtv, Canal 2 International, Equinoxe Tv, Vision 4, Stv, Ltm, Dbs et Camnews 24) et quatre étrangères (France 24, Bbc World News, TV5 Monde Afrique et Tiji) constituaient le bouquet Cam-Dtv, extensible à une trentaine de chaînes. Il avait également donné un délai de deux ans pour que les huit autres chefs-lieux de régions soit couvertes par la Tnt.
Cette migration de l’analogique au numérique incluait la réhabilitation de la Crtv qui disposait depuis plusieurs années d’un outil obsolète, pour un coût global de 110 milliards Fcfa. A la suite de ce basculement, la Crtv télé devait éclater en six avec la naissance de cinq chaînes thématiques. A ce jour, seul Crtv News, lancée l’année dernière, diffuse effectivement. Crtv Sports, annoncée pour ce mois de mai, n’en est encore qu’à des essais. Du matériel de pointe avait pourtant été acquis, notamment de nouveaux émetteurs installés à Yaoundé et Douala – en plus de celui Camtel, utilisé dans la phase pilote -, une demi-douzaine de cars de production dotés de 20 et 12 caméras. Pour la Coupe d’Afrique des nations (Can) 2019 attribuée au Cameroun et finalement retirée par la Confédération africaine de football (Caf), ce matériel devait servir à produire le signal international HD, ainsi que l’avait exigé l’instance faîtière du football africain.
Risques d’amortissement
A ce jour, ce matériel dernier cri, qui a fait ses preuves lors de la Can féminine organisée au Cameroun en novembre et décembre 2016, est sous-utilisé, avec tout ce que cela comporte comme risques d’amortissement. Si le coût global des équipements acquis pour le compte de la Crtv n’a jamais été communiqué officiellement, il faut relever que le gouvernement n’a pas mis entièrement à disposition les fonds nécessaires pour l’opérationnalisation de la Tnt dans le pays.
Sur le terrain, quatre ans après, le bouquet Cam-Dtv, distribué par le ministère de la Communication à certaines administrations publiques et privées lors du lancement, a non seulement gardé le nombre de chaînes de départ, mais il est crypté en permanence. Étonnamment, tout se passe comme si ni le gouvernement, ni la Crtv ne voulaient plus parler du basculement à la Télévision numérique terrestre. Le Comité national de pilotage de la migration de l’analogique au numérique, présidé par l’ex-Premier ministre, Philemon Yang, est simplement en hibernation.
Pour mémoire, la mise en œuvre du projet de basculement de l’analogique au numérique au Cameroun a été instruite par le président de la République en 2009, soit trois ans après l’accord de Genève (Suisse) de 2006, signé à l’initiative l’Union internationale des télécommunications (Uit). Les pays africains avaient alors jusqu’au 17 juin 2015 pour s’arrimer à cette technologie qui offre une plus grande ouverture au marché et surtout, qui booste les capacités de production en termes de chaînes à diffuser. Avec « la migration du Cameroun vers la Télévision numérique terrestre », « je peux vous dire que le chef de l’Etat a été divinement inspiré. Car grâce à cette technologie, l’on économisera à terme plus de 100 milliards Fcfa », avait juré l’ex-ministre de la Communication, lors d’une conférence de presse, en juin 2015 à Douala.
4G
Consultant en audiovisuel numérique, Théodore Ndanga a expliqué il y a deux ans que, « la bande utilisée en analogie pour une chaîne peut faire passer huit (8) chaînes en numérique. Donc, si on passait au numérique, l’on pourrait réduire cet espace au septième et il va rester six septièmes à attribuer comme bande passante dans d’autres secteurs des nouvelles technologies, de la téléphonie mobile ».
Jusque-là, regrette-t-il, « on n’arrive pas encore à rentrer véritablement dans ce que l’on appelle 4G au Cameroun. Beaucoup d’opérateurs déclarent avoir la 4G, mais elle n’évolue pas sur la bande requise. Cette 4G fonctionne sur la bande 2G. Il n’y a pas de bande passante à attribuer. Donc, si on libère un peu plus d’espace sur les bandes analogiques utilisées par les télévisions, on en attribuerait facilement pour la 4G, et pour toutes les nouvelles technologies. On devait développer l’internet à un niveau très avancé ».