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Que peuvent faire les entreprises publiques pour devenir compétitives et rentables au sens de l’article 2 du décret du 19 juin 2019 ?

*Par Joseph Désiré OKALA EDOA

Cet article est commis à la suite de celui qui donne une compréhension simple aux concepts de compétitivité, rentabilité et de performance attendues des entreprises et établissements publics[1]. Tirant ainsi prétexte de l’actualité sur les textes réglementaires d’octobre 2017 et de juin 2019 relatifs aux entreprises publiques, et faisant opportunité de la récurrence des mutations organisationnelles, notamment l’apport de l’Intelligence Économique Stratégique, nous voudrions effleurer les vecteurs de la compétitivité et de la rentabilité des entreprises publiques au Cameroun. Le Plan de Management Stratégique est le vecteur par excellence choisi. Ce Plan, dont l’élaboration doit impérativement obéir à des critères méthodiquement définis, permettra à l’entreprise publique d’être bien notée (parce que devenue compétitive et rentable), de réussir son intégration au sein de la globalisation financière (bourse des valeurs et marchés financiers) conformément à l’article 72, alinéa 5 de la loi Nº 2017/011 du 12 juillet 2017, et de lever avec plus d’efficience et d’efficacité des fonds sur les plans local et extérieur. Nous partons donc du postulat, illustré par certaines études, selon lequel les entreprises publiques camerounaises ne sont pas (suffisamment) compétitives et rentables. Critères de performance pourtant exigés par l’article 2 du décret Nº 2019/320 du 19 juin 2019.

D’après nos recherches, l’efficience du système de Production, la Rentabilisation des fonds disponibles, l’Innovation technologique, et l’optimisation de la Structure Organisationnelle apparaissent comme les 4 facteurs clés de succès que nous avons trouvés pour la compétitivité et la rentabilité des entreprises publiques au Cameroun. Ces 4 facteurs peuvent être implémentés au sein d’une même structure suivant le modèle PRISO[2] développé par nous-même. Cependant, nous avons choisi 4 cas fictifs (et non de fiction !) d’entreprises publiques pour la quasi-expérimentation de chacun des facteurs, respectivement au sein d’une entreprise de télécommunication, d’une société de capital-risque, d’une société des hydrocarbures et d’une société de sécurité sociale.

Mutations organisationnelles et impacts sur l’entreprise publique : innovations technologiques et globalisation financière

Nous constatons que les changements ou mutations organisationnelles entrainés par les innovations numériques, technologiques (NTIC) et la dynamique de l’industrie financière (marchés financiers et boursiers) internationales ne conduisent pas toujours à la compétitivité et à la rentabilité économique des entreprises publiques au Cameroun. Si nous admettons en effet que, « le numérique est à l’origine d’un changement majeur comme l’ont été, dans l’histoire de l’humanité, l’introduction de l’outil, du feu, de l’écriture ou de l’imprimerie, ces innovations fondamentales ont chacune engendré des effets sociaux considérables : des frictions, des coopérations, des mobilités… ». (Duport, 2016, p. 91).

Par ailleurs, le capitalisme contemporain, caractérisé par une mondialisation de plus en plus dynamique et même agressive, semble reposer sur la connaissance (à l’origine de l’innovation technologique) et la globalisation financière (marchés financiers, bourse des valeurs) qui finance en retour les innovations. (Mouhoub & Plihon, 2009, p. 6). L’observation de la croissance exponentielle des opérations sur les marchés financiers et plus précisément sur les marchés des changes à l’international est riche d’enseignement. En effet, selon une étude du cabinet McKinsey publiée en 2011, les opérations sur le marché des changes (des devises et des actifs financiers) ont été multipliées par plus de 40 entre 1980 et 1990, allant de 12.000 milliards de $ (109% du PIB mondial) à 54.000 milliards de $ (260% du PIB), avant d’atteindre 212.000 milliards en 2010 (soit 356% du PIB) malgré la crise financière de 2007. (Okala Edoa, 2018). Dans une étude plus récente, le volume mondial des opérations journalières des marchés des changes est estimé à 5.100 milliards de dollars en moyenne par jour en 2016 d’après les résultats de l’enquête de la Banque des Règlements Internationaux (press@bis.org, 2016). Ce qui représente environ 2.198% (en 2010 c’était encore seulement à 356%) du PIB mondial de 2018 estimé à 84.740 milliards de dollars par le FMI. Les entreprises publiques sont aussi de plus en plus impactées, directement ou indirectement, par cet accroissement des niches de financement ou ressources d’investissements nécessaires à l’impulsion de la croissance (Touna Mama, 2008).

Nous constatons en effet que les mutations organisationnelles au sein des entreprises publiques dans le monde entier, à l’instar des entreprises publiques chinoises, ont poussé à leur internationalisation afin de bénéficier des retombées de l’embellie des marchés des changes

Nous constatons en effet que les mutations organisationnelles au sein des entreprises publiques dans le monde entier, à l’instar des entreprises publiques chinoises, ont poussé à leur internationalisation afin de bénéficier des retombées de l’embellie des marchés des changes. Des firmes d’État (puisqu’étant détenues en majorité de capital social par l’État chinois) s’identifient ainsi à l’international grâce à une politique nationale favorable à l’intelligence économique, l’innovation technologique et à l’implication patriotique de la China EXIMBANK dans le financement des investissements lourds de ces firmes. (Richet, 2014).

Cette exigence de concurrence ou, mieux, de compétitivité requiert du Directeur Général un profil managérial dont le fondement est donné par des écoles de commerce ou dans des modules de management offerts par des écoles et instituts d’administration publique

L’intelligence économique (vecteur de compétitivité et de rentabilité), de par sa définition conceptuelle apparaît ainsi comme l’outil dont la non mise en œuvre empêche le système de gestion des entreprises publiques d’être au service de la rentabilité économique dans une optique d’innovation, de productivité et de compétitivité économique. (Porter M. , 1990). Combien d’entreprises publiques au Cameroun disposent de brevets enregistrés ?

Opportunités du contexte réglementaire des entreprises publiques

Une nouvelle orientation politique définissant un statut général des entreprises publiques au Cameroun a été prise par le Président Paul Biya à travers la promulgation de la loi Nº 2017/011 du 12 juillet 2017. L’article 3 de ladite loi traite de l’autonomie financière de l’entreprise publique. Ce qui est digne d’intérêt managérial. Il en est de même de l’article 72, alinéa 5, où il est indiqué que le Directeur Général est chargé de « gérer les biens meubles et immeubles, corporels et incorporels de l’entreprise dans le respect de son objet social et des pouvoirs du Conseil d’Administration ». Cette loi a été renforcée par le décret Nº 2019/320 du 19 juin 2019 précisant les modalités d’application de certaines dispositions de la loi supra d’une part, et le décret Nº 2019/321 du 19 juin 2019 fixant les catégories des entreprises publiques, les indemnités et les avantages de leurs dirigeants d’autre part. Tous ces nouveaux textes ont pour but de permettre aux entreprises publiques de renforcer leur autonomie financière, leur performance, c’est-à-dire, leur compétitivité et rentabilité, tout en contribuant à animer les activités du marché financier sous régional (gestion des biens incorporels). La Bourse des Valeurs Mobilières de l’Afrique Centrale (BVMAC) dont le siège est dorénavant à Douala est le terrain d’expression par excellence de ce marché financier. L’animation boursière se fera par l’introduction des entreprises publiques en bourse et la gestion de leurs fonds, valeurs et autres biens « incorporels » sous forme de prise et de cession de participations, d’actions et obligations diverses. La BVMAC offre par ailleurs un cadre idéal pour tester la compétitivité des entreprises publiques camerounaises face à la concurrence des autres entreprises régionales, africaines et internationales. Cette exigence de concurrence ou, mieux, de compétitivité requiert du Directeur Général un profil managérial dont le fondement est donné par des écoles de commerce ou dans des modules de management offerts par des écoles et instituts d’administration publique. Tout au moins, des formations solides et continues en management stratégique, avec pour but de maîtriser les nouveaux outils et le modèle PRISO que nous proposons, permettront d’inculquer aux administrateurs, dirigeants et cadres des entreprises publiques un market-driven mindset[3]. C’est aussi cet état d’esprit managérial qui conduit à la compétitivité.

Le renforcement du management des entreprises publiques au Cameroun se fait dans un contexte à deux paradigmes : l’obligation de mise en application ou d’opérationnalisation de ladite loi par le respect de ses décrets d’application d’une part, et la nécessité de contribuer à fournir au Trésor Public des fonds additionnels d’autre part. Ces fonds permettront à l’État de mieux faire face à une « conjoncture internationale défavorable, en raison notamment de la baisse persistante des cours des matières premières » ayant conduit à « des difficultés de trésorerie » au niveau de l’État et à la signature en juin 2017 d’une « Facilité élargie de crédit » avec le Fonds Monétaire International, comme l’a précisé le Président Paul Biya lors de son discours du 31 décembre 2017.

Approche de compréhension de l’Intelligence Économique Stratégique

Quatre piliers principaux soutiennent le déploiement de l’IES. Il s’agit de : la veille, la protection de l’information, la gestion des connaissances (Knowledge Management), et la pratique de l’influence ou lobbying. (Marcon & Moinet, 2011). La veille et l’influence ou lobbying étant ici opposés à l’espionnage sont par conséquent légalement admises par les traités et conventions internationales en matières économiques, financières, industrielles et commerciales.

En terme d’innovation dans le numérique et la finance, les dépenses en recherche-développement restent tout aussi marginales dans l’environnement des entreprises camerounaises

Nous pouvons définir l’IES comme l’art et la pratique de la recherche, de la collecte et de la gestion efficiente des données, transformées en informations stratégiques et capitalisées en connaissances, aux fins de positionnement et de rentabilité économiques. L’IES se carbure principalement à la formation (gestion des connaissances) et au financement des activités de recherche & développement (production ou au moins utilisation optimale des brevets disponibles). En 2015, le Centre de Recherche pour le Développement International a commis une étude sur les déterminants de la performance des entreprises en Afrique sub-saharienne francophone. Les auteurs ont surtout examiné les cas du Cameroun, de la Côte d’Ivoire et du Sénégal. Il ressort du rapport que la performance n’est pas effective pour les entreprises camerounaises. Par ailleurs, l’accès aux NTIC reste résiduel avec des dépenses importantes en importation d’ordinateurs, imprimantes, etc. (hardware) et de logiciels (software). Ces importations massives se font au détriment de la formation des ingénieurs camerounais qui, si bien formés pourtant, peuvent produire des hardwares et softwares made in Cameroon comme le font Arthur Zang et William Elong[4]. En terme d’innovation dans le numérique et la finance, les dépenses en recherche-développement restent tout aussi marginales dans l’environnement des entreprises camerounaises. (Tchameni Nembua & Fomba Kamga, 2015).

Plan de Management Stratégique (PMS) et résultats des travaux

Après la signature des récents textes sur les entreprises publiques, le PMS a pour but de mettre en application, mieux, d’opérationnaliser la loi Nº 2017/011 du 12 juillet 2017 portant statut général des entreprises publiques ainsi que ses décrets d’application. Le PMS permettra d’évaluer le positionnement concurrentiel et le système de gestion des connaissances de chaque entreprise publique afin de poser les jalons de sa performance globale. Par conséquent, l’Assemblée Générale (le cas échéant), le Conseil d’Administration et la Direction Générale sont tenus de définir une vision claire, faire un état périodique (trimestriel sinon mensuel) des lieux, analyser les résultats mensuels ou trimestriels obtenus et choisir des chemins (stratégies et tactiques) à suivre pour rendre l’entreprise plus compétitive, efficace et efficiente. Il s’agit donc de préparer un diagnostic et un Plan de Management Stratégique intégrant un système d’Intelligence économique stratégique. C’est dans cette démarche que nous avons mené nos travaux dont les résultats fournissent un ensemble de propositions et de recommandations en plusieurs livrables à travers le Modèle PRISO.

Les résultats de nos travaux de mise en œuvre d’un système d’Intelligence Économique Stratégique au sein de quatre entreprises publiques (fictives) types nous permettent de distinguer de nouveaux Domaines d’Activités Stratégiques (DAS) à exploiter. Le détail de ces DAS ne peut être publié dans cette tribune pour des raisons relativement évidentes. Ce détail ainsi que la posture épistémologique retenue dans notre démarche sont purement scientifiques et par conséquent potentiellement hermétiques pour le commun des lecteurs de cette tribune. Tout au plus, à titre indicatif, il s’agit de : (1) la stratégie d’innovation technologique du Mobile Banking (bien plus que le Mobile Money) grâce au reverse engineering comme critère de performance opérationnelle d’une société de téléphonie ; (2) la stratégie d’introduction réussie en bourse des valeurs comme critère de performance organisationnelle d’une société de capital-risque ; (3) la stratégie de différentiation de l’offre (performance du système de production) pour la mise sur le marché des produits dérivés et connexes d’une société des hydrocarbures ; (4) la stratégie de rentabilisation des fonds de pension et de consignations (performance du système d’ingénierie financière) au sein des marchés des changes grâce à la technique d’arbitrage par opposition à la spéculation boursière.

À l’aune de la politique des grandes opportunités dont la réalité est parsemée de grandes adversités, il s’agit pour nous de proposer le modèle PRISO (made in Cameroon) dans le système de management stratégique des entreprises (publiques). Nous réussirons ainsi à contribuer à « transformer les grandes adversités en grandes opportunités » pour paraphraser un penseur, chercheur et écrivain contemporain, par ailleurs auteur du concept de « management offensif ».

[1] Article publié le 17 juillet 2019 par Cameroon Tribune

[2] Production, Rentabilisation, Innovation, Structure organisationnelle. Modèle camerounais développé par J.D. OKALA EDOA

[3] Using market knowledge to determine the corporate strategy of an organization

[4] Ces 2 jeunes compatriotes sont respectivement inventeurs du cardiopad et du premier drone civil camerounais.

*Enseignant-chercheur

Spécialiste en Management Stratégique

Certified Financial Market Expert – Yale University (USA)

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