Protection sociale : comment couvrir le gap financier de Couverture santé universelle
Les femmes enceintes et les enfants de moins de cinq ans seront les premiers bénéficiaires de la couverture santé universelle, dès 2021. A terme le besoin de financement pourrait atteindre 2 437 milliards de FCFA. Qui va payer la note et comment ?
Si tout se passe bien, le Cameroun va bientôt expérimenter la couverture santé universelle (CSU). Le groupe technique national mis en place pour préparer l’avènement de la CSU estime qu’il faut environ 1300 milliards de FCFA, faisant ressortir un besoin de financement, quel que soit le scénario de couverture. La question est donc savoir quelle est la viabilité du projet ? Y aurait-il un impact sur le budget de l’Etat ? Si oui, comment financer ce surcroit de dépenses budgétaires. L’économiste Francis Ghislain Mgomba Bodi s’est penché sur cette question dans une étude sur le « financement de la couverture santé universelle et impact sur le budget de l’Etat.»
Dans cette étude qui prend 2018 année de référence, le chercheur part du scénario de base suivant : les cotisations seront de 6% du salaire pour les employés du secteur formel et 3% pour les pensionnés, 50 000 FCFA/an pour les employés de l’informel, 35 000 FCFA/an pour les dépendants adultes et 25 000 FCFA pour les dépendants enfants (moins de 10 ans) ; les cotisations du secteur informel ont été fixées en rapport avec la moyenne de 35 000 FCFA/an de dépenses de santé par tête en 2014. Dans cette configuration, plus le nombre de personnes couvertes augmente (pour atteindre 100% en 2028), le gap entre les revenus et les dépenses de la structure technique de gestion de la CSU s’accroît. A terme, en 2028, le gap se situera à 750 milliards de FCFA environ.
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L’étude montre qu’«en supposant la baisse de la croissance démographique de 1,5% par an en moyenne sur les 10 prochaines années, par rapport au scénario de base, le gap de financement en 2028 ne baisse que de 80 milliards de FCFA». De même, en supposant une hausse de la croissance démographique de 4% par an en moyenne sur les 10 prochaines années, « il s’ensuit une augmentation du gap de financement de la CSU de 100 milliards à terme, en 2028, par rapport au scénario de base », lit-on.
Par contre, une croissance atone à 2,5% en moyenne sur les dix prochaines années ou même à 6%/an, portera le gap de financement autour de 750 milliards de FCFA. En d’autres termes, « des variations de la croissance à la hausse comme à la baisse n’influencent pas considérablement le profil dynamique du gap de financement de la CSU », conclue l’analyste.
Dans un second scénario, Francis Ghislain Mgomba Bodi suppose que les taux de cotisations des employés du secteur formel passent à 11% et à 3% pour les pensionnés ; et que parallèlement, l’on effectue une hausse des cotisations forfaitaires des employés de l’informel à 120 000 FCFA, 60 000 FCFA pour l’adulte dépendant et 36 000 FCFA pour l’enfant dépendant.
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Réforme fiscale
Il apparait que malgré une fixation des taux de cotisation à des niveaux maximums, le gap de financement ne diminue pas et se maintient en 2028 à plus de 700 milliards. Ce qui permet de dire que les contributions obligatoires ne seront pas suffisantes pour financer la CSU.
Mais il peut arriver que ce gap de financement soit consistant, de l’ordre 2 437 milliards FCFA sur les 10 prochaines années, alors, « la solution proposée n’est rien d’autre que le recours à l’impôt. » Suivant le rapport de la direction générale des Impôts (DGI), le taux d’imposition implicite s’élève à 16% au Cameroun. Or, le taux d’imposition permettant un développement économique équilibré est de 25% en moyenne. On peut donc facilement admettre que l’Etat camerounais doit absolument rattraper ce gap de 10% pour prétendre financer sa part dans le développement économique.
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