Programme économique : NFC Bank et UBC inquiètent le FMI
Dans le cadre de la 5ème revue du programme économique et financier triennal avec le Cameroun, la mission conduite par Amadou Sy, va se pencher sur le cas de ces deux banques en difficulté.
Du 28 octobre au 08 novembre, une équipe du FMI séjourne au Cameroun dans le cadre de la 5ème revue du programme économique et financier triennal (2016-2019). La mission conduite par Amadou Sy va rencontrer plusieurs catégories d’interlocuteurs dont la direction générale du Trésor. Parmi les sujets qui seront abordés le 31 octobre avec cette direction générale, figue en bonne place : « les orientations des autorités et avis de la Commission bancaire de l’Afrique centrale –Cobac– sur les options de restructuration National Financial Credit Bank (NFC) & Union Bank of Cameroon Limited (UBC)».
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En abordant la question de ces deux banques, le FMI fera des projections financières et mesurera les progrès de restructuration et de négociation avec actionnaires et investisseurs de ces deux banques. Sans oublier l’estimation de l’impact des recapitalisations sur les finances publiques. National Financial Credit Bank SA est dans de sales draps. Début juillet, ladite banque a été frappée d’une amende d’un milliard FCFA par la Banque des Etats de l’Afrique centrale (Beac). Motif : Non rétrocession des devises collectées à la Beac. NFC Bank menace de recourir à la justice pour contester cette amende. A défaut, NFC Bank va tenter de négocier avec la Beac, question de revoir le volume de sa sanction. Des sources dignes de foi précisent que cette réaction de NFC Bank fait suite à la « crise financière », que traverse la banque en ce moment. « Actuellement, NFC Bank enregistre de mauvais résultats. Par conséquent, débourser 1 milliard FCFA accentuerait sa descente aux enfers », rapporte une source.
Des difficultés encore et encore
NFC Bank est aussi victime de la crise dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest. En effet, le 7 septembre 2017, l’ex-ministre des Finances a adressé une correspondance à la direction générale de la banque camerounaise dénommée « National Financial Credit Bank », branche de Bamenda. Objet de la lettre: « Echec de respecter votre engagement ». « Après une visite impromptue par les collectivités locales à votre institution, on a remarqué que votre établissement est resté fermé pendant les jours de travail en violation des dispositions de la licence délivrée par l’autorité monétaire.», écrit le Minfi. Il rappelle à la banque qu’elle a pourtant pris l’engagement de garder ses locaux commerciaux ouverts les jours de travail. Ceci au cours d’une récente réunion organisée par les autorités préfectorales du département de la Mezam, dont Bamenda est le chef-lieu. Pour le ministre des Finances, cette attitude de la branche NFC Bank de Bamenda est contraire aux valeurs républicaines et « peut conduire au retrait » de sa licence, « sans préjudice des nouvelles sanctions qui peuvent être prises » contre l’institution.
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Le cas d’UBC
Pour comprendre les difficultés d’UBC, il remonter à l’année 2011. En effet, le groupe bancaire africain Ecobank a annoncé la fusion d’une de sa filiale nigériane avec la banque Oceanic Bank, qui avait des parts dans l’Union Bank of Cameroon. Le groupe Ecobank a annoncé le rachat d’Oceanic Bank, une banque nigériane qui a frôlé la faillite en 2009 et a été sauvée par une série de procédures mises en place par la banque centrale du Nigeria. Ecobank Nigeria fusionné donc avec Oceanic Bank et le capital des deux banques a été restructuré et la nouvelle entité, avec 620 agences est devenue le second groupe bancaire nigérian en termes de nombre d’agences, et le cinquième en termes de dépôts.
Seulement, cette fusion a eu des incidences sur l’Union Bank of Cameroon – UBC –, groupe bancaire qui avait évité la faillite par l’apport de capitaux de la banque Oceanic Bank. L’établissement bancaire camerounais n’est pas sorti de la zone de turbulence.
Le plan du gouvernement pour assainir le secteur
Le gouvernement camerounais s’est engagé dans un processus d’assainissement des banques, dans le cadre du programme de réforme économique engagé avec le Fonds Monétaire International.
« Face aux différents défis que vous avez soulevés, nous travaillons effectivement dans le cadre de ce plan (programme économique ndlr), à améliorer le cadre des activités bancaires, afin de permettre à ce secteur de participer pleinement à la relance de notre économie », a fait savoir Gilbert Didier Edoa, le secrétaire général du ministère des Finances. Le responsable n’a toutefois pas donné de détails sur les opérations en cours et les banques qui étaient concernées. Si le secteur bancaire camerounais, tout comme l’économie nationale, s’est montré résilient face à la crise de la balance des paiements qui frappe les pays de la CEMAC, il n’est pas à l’abri des quelques vulnérabilités. Les investissements effectués sur les titres publics des pays de la région représentent aujourd’hui 16% de leurs actifs, selon les statistiques que nous avons analysées. Cela expose ces banques à un potentiel risque de défaut souverain et des pays comme le Congo ou le Tchad bataillent durement pour honorer leurs engagements.
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Aussi, on a pu noter que pratiquement cinq banques opérant au Cameroun, sont dans une situation délicate. Il s’agit de trois banques commerciales privées. Les indicateurs que nous avons collectés parlent d’une banque récemment nationalisée et d’une petite banque publique, sans les nommer. Mais on peut bien deviner qu’il s’agit de la Commercial Bank of Cameroon et de la Banque des PME.
Enfin, le volume de créances bancaires non remboursées est en augmentation. Le gouvernement reconnait que de 11,5% en 2015, l’encours des créances bancaires douteuses atteignait 14,7% du total des prêts accordés, à la fin de l’année 2016. L’Etat et des opérateurs travaillant avec l’Etat sont au premier rang des débiteurs en difficulté. Au premier trimestre de l’exercice budgétaire 2017, le gouvernement a reconnu avoir manqué d’honorer pour 30 milliards de FCFA de dettes à ses fournisseurs. Une situation qui rajoute à l’inquiétude des banques, de moins en moins enclines à prêter aux demandeurs de crédit.
Un plan à près de 400 milliards de FCFA
Le plan d’assainissement de ces banques a été ficelé et un premier draft soumis à la Commission bancaire d’Afrique centrale à la fin du mois d’août 2017. Les arbitrages concernent le coût de financement de cet assainissement. Le gouvernement doit pouvoir engager les actionnaires des banques privées à recapitaliser leur business, une option qui n’est pas gagnée d’avance. Pour les banques publiques, l’option d’une recapitalisation est la plus plausible, car elle reviendrait moins cher que de procéder à des liquidations. Avec l’absorption de créances douteuses, les experts estiment à près de 400 milliards de FCFA, le coût de cette opération d’assainissement.
Les sources de financement de cette opération n’ont pas encore été présentées. Mais deux leviers d’intervention seraient en discussion au sein du gouvernement. Réaliser un emprunt obligataire d’une maturité longue et en affecter le produit au provisionnement des créances douteuses des banques en difficultés, à travers leur absorption par le Trésor public. Mais avant cela, on pourrait déjà avoir un premier renflouement dans le cadre du budget en cours d’exécution.
Le secteur plombé par la diminution de la liquidité
Bien qu’il affiche des signes de résilience dans une zone Cemac secouée par la crise des prix des matières premières, laquelle crise impacte considérablement les finances publiques et les activités économiques, le secteur bancaire camerounais, qui demeure le plus robuste de cet espace communautaire de six Etats, ne montre pas moins des signes de vulnérabilité depuis quelque temps.
La confirmation de ces difficultés déjà évoquées par certaines sources gouvernementales, est faite par le directeur général adjoint du Fonds monétaire international (FMI), le Japonais Mitsuhiro Furusawa, qui a récemment séjourné au Cameroun dans le cadre d’une évaluation du programme triennal conclu entre le gouvernement camerounais et cette institution de Bretton Woods.
«Votre secteur bancaire s’est avéré jusqu’à présent résilient face à la crise. Mais, il existe des signes de tension. La liquidité diminue et les prêts improductifs sont en hausse. Cinq banques de petites tailles et non importantes pour le système sont insolvables ; la plupart le sont depuis de nombreuses années.», a diagnostiqué Mitsuhiro Furusawa dans un document intitulé «débloquer le potentiel de croissance du Cameroun».
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Même si les noms de ces banques n’ont pas été révélés, nos analyses amènent à penser à au moins trois institutions financières. Il s’agit de la Commercial Bank of Cameroon (CBC), institution bancaire récemment nationalisée, mais qui est empêtrée dans une longue procédure de restructuration et de recapitalisation débutée en 2009 ; la Banque camerounaise des Pme, dont la directrice générale n’a de cesse d’inviter l’Etat, son actionnaire unique, à y injecter des capitaux pour lui permettre de remplir efficacement ses missions ; ou encore l’institution privée NFC Bank, placée sous administration provisoire depuis quelques années par la Cobac, le gendarme du secteur bancaire dans la zone Cemac. Les difficultés du secteur bancaire camerounais rapportées par le directeur général adjoint du FMI, incitent à penser que la décision prise en avril 2017 par la Beac, en vue de revitaliser les banques de la zone Cemac, n’a eu que des effets très limités.
En effet, afin d’injecter de la liquidité dans les banques des pays de la Cemac, la banque centrale avait décidé, au sortir de son premier comité de politique monétaire de l’année en cours, de baisser de 50%, les coefficients des réserves obligatoires applicables aux institutions bancaires. Cette décision qui, selon les estimations de la banque centrale, devait permettre de libérer entre 500 et 600 milliards de FCFA au profit des banques de la zone Cemac, était plus salutaire pour les banques camerounaises, qui devaient engranger à elles seules plus de 20% de cette liquidité, selon une estimation d’Alphonse Nafack, Dg d’Afriland First Bank et président de la corporation des banquiers du pays.