Politique monétaire : petites réalisations sur la politique des changes et le FCFA
Sur ces deux questions, les Etats de la Cemac ne semblent pas résolus à faire un grand pas malgré des engagements cosmétiques.
Entrée en vigueur depuis 2017, la nouvelle règlementation des changes a permis à la Banque des Etats de l’Afrique centrale(Beac) de reconstituer les avoirs en devises des pays de la Cemac et ainsi renforcer leur position extérieure. Selon les chiffres récents, les devises rapatriées par les agents économiques sont passées de 3 277,84 milliards de FCFA en 2018 à 7 914,36 milliards de FCFA en 2020. Derrière ces chiffres, des mesures d’exception que la Beac accorde aux compagnies pétrolières et minières. Si elles sont levées, le volume de devises pourrait atteindre un niveau plus élevé étant donné que l’or noir reste le produit le plus exporté dans la Cemac.
Dans le cadre de la deuxième phase du Programme des réformes économiques et financières de la Cemac (PREF-Cemac), le FMI accentue la pression pour la mise en œuvre l’exigence de rapatriement des devises des entreprises du secteur extractif, quitte à leur permettre de bénéficier de comptes en monnaie étrangères auprès de la Beac. A l’issue de la réunion, les chefs d’Etats ont « réaffirmé leur engagement au renforcement de la stabilité extérieure de la monnaie, notamment par la poursuite d’une politique monétaire prudente et efficace et l’application judicieuse de la règlementation des changes à tous les secteurs d’activités. A cet égard, ils ont exhorté la Beac à poursuivre toutes les actions entreprises ou envisagées dans ce domaine » peut-on lire sur le communiqué final. Si elle a pu imposer à tous les assujettis la nouvelle règlementation sur le change, la Beac peine encore à mettre la main sur les réserves de ces multinationales. Dans une décision signée le 5 novembre 2020, Abbas Mahamat Tolli leur accordait un 4e moratoire pour l’application de cette norme communautaire.
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Soucieuses de ménager les plus grandes chances de réussite à leur démarche, les miniers et pétroliers de la sous-région se mobilisent pour se soustraire à cette réglementation jugée «excessivement agressive» pour leurs opérations internationales. Rien ne laisse donc croire que d’ici à là la banque centrale puisse se résoudre à mettre un terme au traitement de faveur accordé à ces assujettis. Les multinationales du secteur n’hésitent plus à mettre à contribution le personnel diplomatique des pays qui abritent leurs sièges pour infléchir la position des Etats de la sous-région. Selon les informations de EcoMatin, l’ «affaire» de la réglementation des changes revient très souvent dans les discussions entre les chefs des missions diplomatiques accrédités dans la Cemac ou leurs représentants et les officiels de la sous-région. Le but ultime de toute cette campagne qui a gagné en ampleur ces dernières semaines? Parvenir à un démantèlement de certaines dispositions de cette réglementation, ou à tout le moins, obtenir purement et simplement une réécriture de l’instrument juridique communautaire dans le sens de faire sortir les entreprises des secteurs minier et pétrolier de la liste des assujettis au règlement Cemac portant réglementation des changes dans la sous-région, et de circonvenir ainsi la Banque centrale.
FCFA : on réfléchit encore
« Examinant spécifiquement la question monétaire, les chefs d’Etats et de gouvernement ont réaffirmé leur volonté de disposer d’une monnaie commune stable et forte. Concernant particulièrement la coopération monétaire avec la France, portant sur le FCFA, ils ont décidé d’engager une réflexion approfondie sur les conditions et le cadre d’une nouvelle coopération. A cet effet, ils ont chargé la commission de la Cemac et la Beac de proposer, dans les délais raisonnables, un schéma approprié conduisant à l’évolution d’une monnaie commune ». La résolution N°7 du sommet de 2019 avait comme un relent révolutionnaire de la part des chefs d’Etats de la Cemac tant la question de la réforme monétaire alimente les débats et les passions. Sauf que deux ans après, les signes d’une quelconque progression ne sont pas visibles, du moins à l’œil nu. On en veut pour preuve le sommet de 2021 où abordant cette problématique, les Chefs d’Etats ses sont contentés de réitérer leurs « orientations à la commission de la Cemac et la Beac relativement à la réflexion ouverte sur le cadre et les conditions d’une nouvelle coopération monétaire avec la France ». Officiellement donc, rien n’a évolué, aucune projection dans l’espace et dans le temps. Néanmoins, au mois d’août 2020, des investisseurs sous anonymat ont confié à l’Agence Ecofin que la France et la Cemac préparaient un accord révisé de coopération monétaire. « Nos amis de l’Uemoa ont pris la décision de créer l’Eco. Mais naturellement, l’Eco fait échos en Afrique centrale. Nous sommes en train de négocier… donc ce dossier est en cours » avait confié le président de la Cemac, Daniel Ona Ondo, lors d’une visite en février 2020 au Gabon. S’il confirme l’existence de négociations les résultats restent peu visibles du mois moins rapide que la zone jumelle de l’Uemoa.