Opérations extérieures: ce que pensent les banques du nouveau régime de change
Une rencontre initiée par l’association des professionnels de crédit a eu lieu le 4 avril dernier au siège du patronat camerounais à Douala, mais on est loin d’une solution qui arrangera tout le monde.
Les acteurs du secteur bancaire se sont réunis la semaine dernière avec plusieurs dirigeants d’entreprises notamment d’importations, pour discuter des défis et des conséquences liées à la nouvelle règlementation de change en zone CEMAC. L’actualité camerounaise est en effet dominée par des critiques quant à la lenteur du traitement des dossiers d’opérations extérieures par les banques commerciales. Prenant la parole en cette occasion, Alphonse Nanfack, président de l’Association des Professionnels des Etablissements de Crédit au Cameroun et administrateur directeur général d’Afriland First Bank, a précisé les responsabilités des uns et des autres. Il a justement expliqué que la rencontre avait pour but de mettre toutes les parties prenantes au même niveau de compréhension de la situation actuelle.
De son point de vue, la mise en œuvre de ces décisions « a nécessité au niveau des Banques, des réajustements en interne pour s’accommoder aux nouvelles exigences de la banque centrale. Le corollaire de ces actions a été l’imbroglio ambiant qui a caractérisé la relation clients-banques.» Plusieurs opérateurs économiques ont en effet rapporté de nombreuses situations dans lesquelles, leurs activités d’importation sont désormais plombées par la lourdeur des procédures de paiement de leurs factures. Une approche de l’APECCAM envers la BEAC a permis la mise en place d’un mécanisme de traitement plus rapide des opérations extérieures.
les réserves internationales brutes de la BEAC avaient été multipliées par 18 sur la période 2001 à 2013, selon des indicateurs fournis par des experts du FMI. Elles étaient passées de 1,1 milliard $ à 18,2 milliards de dollars en 2013.
La situation des réserves de change en zone CEMAC continue d’être un défi, malgré un engagement politique exprimé par les gouvernements des pays membres de la sous-région. Deux pays notamment la Guinée Equatoriale et le Congo Brazzaville, tardent encore à trouver un accord avec le FMI comme l’ont fait le Cameroun, le Tchad et le Gabon. Selon des données fournies par la banque centrale à la suite de la rencontre de son comité de politique monétaire du 21 mars dernier, il est prévu que s’améliore le taux de couverture de la monnaie au terme de l’année 2019. Mais il sera au mieux de 65,9%. Cela signifie que l’offre de devises disponibles sera toujours inférieure à la demande et que les défis vont persister.
Selon un récent chiffre donné par son ministre du Commerce, le leader de la zone CEMAC a importé pour près de 9634 milliards de FCFA en trois ans, rien que pour
des produits alimentaires.
La BEAC pousse pour rapatrier au mieux les recettes en devises et reconstituer un taux de couverture de la monnaie qui soit plus confortable. Or, les principales sources de revenus de la sous-région sont les ventes des ressources du sous-sol, sur lesquels les pays membres ne sont pas complètement transparents, malgré quelques efforts dans ce sens. Les gouvernements, de leur côté, ont essayé de travailler à la diversification de leurs économies. L’objectif premier de ces stratégies est de réduire les importations et d’accroître les recettes en devises en vendant des produits mieux valorisés que les ressources naturelles brutes.
Le bon élève « Cameroun » a été l’une des causes du problème
Le discours officiel au Cameroun tend à le présenter comme une victime de cette baisse des réserves de change en zone CEMAC, mais surtout comme un des plus résilients dans un contexte sous régional morose. Mais les chiffres et les données racontent une histoire un tout petit peu différent. Certes, La chute des prix du pétrole a eu l’effet d’un important choc structurel pour la CEMAC et donc le Cameroun. Les prix du pétrole ont en effet plongé de 52 % entre juin 2014 et décembre 2016. Compte tenu de la baisse marquée des revenus en devises étrangères suite à la chute des prix du pétrole, les réserves officielles sont tombées à 4,2 milliards de dollars fin 2016, soit 1,9 mois de couverture d’importations futures. Mais en réalité, cette période peut être décrite comme celle des défis car durant la phase de propension, les gouvernements de la sous- région n’ont pas été très présents sur l’optimisation de leurs réserves de change.
En effet, les réserves internationales brutes de la BEAC avaient été multipliées par 18 sur la période 2001 à 2013, selon des indicateurs fournis par des experts du FMI. Elles étaient passées de 1,1 milliard $ à 18,2 milliards de dollars en 2013. Cette évolution reflétait la poussée des exportations de pétrole de la CEMAC, en provenance principalement du Congo et de la Guinée équatoriale, dont les parts dans le total des réserves internationales de la BEAC ont respectivement atteint 27,4 % et 23,9 % entre 2001 et la fin 2013. Il faut dire que les contributions apportées par le Cameroun avaient chuté à 11%.
Des responsables du secteur des banques, ont confié, qu’un accord a été trouvé avec la BEAC pour faciliter au mieux le mécanisme de traitement des demandes de paiement extérieur, mais l’appropriation par l’ensemble des acteurs, prend encore du temps.
Hors avec son marché qui a atteint plus de 25 millions d’habitants sur la base des projections de progression du bureau de recensement, le pays est aussi celui qui consommait le plus, malheureusement des produits importés, qui ont plombé sa balance négative avec l’extérieure. Selon un récent chiffre donné par son ministre du Commerce, le leader de la zone CEMAC a importé pour près de 9634 milliards de FCFA en trois ans, rien que pour des produits alimentaires. Une économie de consommation et un secteur productif très peu présent dans la chaîne de valeur ajoutée mondiale, ont fini de mettre le pays à mal.
Une reprise constatée, mais qui reste peu solide
Les choses semblent s’être remises dans le bon sens pour le Cameroun, mais ses opérateurs économiques, notamment les importateurs, doivent désormais faire avec un environnement difficile. Le taux de couverture extérieur de la monnaie utilisé dans le pays, s’est amélioré à 67,5%, mais cela reste faible pour satisfaire la demande des biens courants, les besoins d’investissement et le remboursement de la dette existante. Aussi la plus part des projets structurants dont le but et les objectifs étaient de doper le cadre économique ne peuvent jouer parfaitement leur rôle. Une partie d’entre eux est inachevée et les autres n’étaient pas tournés dans une logique de compétitivité sur le marché extérieur. Or selon des récentes données sur la position extérieure du pays, de nombreuses productions consommées localement proviennent de l’extérieur. Le gouvernement tente d’inverser la tendance, mais les marges de manœuvre sont faibles et les délais un peu courts, selon les experts. Des responsables du secteur des banques, ont confié, qu’un accord a été trouvé avec la BEAC pour faciliter au mieux le mécanisme de traitement des demandes de paiement extérieur, mais l’appropriation par l’ensemble des acteurs, prend encore du temps.
En attendant, les coûts et les délais finalement des importations, sont devenus des facteurs constants de la consommation dans les ménages camerounais, et que d’ici là, les acteurs trouvent une solution, un crash n’est pas très éloigné selon des analystes comme Dieudonné Essomba, qui à plusieurs reprises, avait attiré l’attention des entités publiques et privées, sur ce potentiel blocage. Fin 2016, les réserves de la BEAC n’atteignaient pas l’objectif recommandé de cinq mois d’importations. Suite à d’importantes réformes économiques destinées à reconstituer le niveau de réserves internationales et grâce au soutien financier du FMI, la chute récente de la baisse des réserves internationales devrait s’arrêter. Cependant, les dernières projections ne prévoient pas de retour à l’objectif de cinq mois à moyen terme et donc la bagarre entre banques et importateurs continuera de gonfler, surtout que même avec un éventuel rapatriement des actifs en devises détenus à l’étranger, les réserves continueraient d’être en dessous de cet objectif de confort.