Notation financière : ces facteurs qui menacent la solvabilité du Cameroun
Corruption, crise anglophone, alternance au sommet de l’Etat... pour l’agence de notation financière Moody’s, le profil de crédit du Cameroun pourrait davantage se dégrader, rendant difficile la capacité du pays à honorer ses engagements.
Dans son dernier rapport sur le Cameroun publié le 28 octobre dernier, l’agence de notation financière Moody’s Investors Service maintient à « B2 » sa note sur le pays assortie d’une perspective « stable ». L’agence de notation américaine reste donc optimiste sur la capacité du pays à honorer ses engagements malgré la crise sanitaire mondiale et ses effets sur l’économie. Le principal atout du Cameroun reste la relative diversification de son économie, ce qui a contribué à contenir l’impact du choc pétrolier par rapport à ses pairs régionaux et aux pays membres de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique Centrale (Cemac). En 2019, l’exportation de cette matière première a contribué à 41,8% des recettes d’exportations enregistrés au cours de cette année. La diversification des recettes d’exportation tient également de l’apparition depuis 2018 d’un nouveau produit à l’exportation, notamment le Gaz naturel liquefié (GNL). « Le développement des réserves de gaz naturel offre également la possibilité de compenser le déclin progressif de la production de pétrole » indique le rapport. Selon l’Institut national de la Statistique (INS), les quantités de GNL exportés par le Cameroun ont connu une hausse de 55,9% en 2019, soit 1225 tonnes pour des recettes d’exportations établies à 262 milliards de FCFA.
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Inquiétudes
Malgré ces garanties relatives qu’il présente, le Cameroun pourrait connaître une dégradation de sa note souveraine, ce qui pourrait durcir davantage les conditions d’endettement. Globalement, le profil de crédit du Cameroun est limité par plusieurs facteurs. D’après l’agence de notation américaine le contexte socio-politique particulièrement tendu, lié à la succession au sommet de l’Etat et la crise dans les régions anglophones du pays, constituent des facteurs de risques pour le profil de crédit du Cameroun. « Le risque politique intérieur est l’un des principaux facteurs de risques d’événements au Cameroun, principalement en ce qui concerne le risque de succession et les troubles continus dans les régions anglophones du pays » révèle l’agence Moody’s. Du fait des crises sécuritaires, de la baisse du cours du pétrole débuté en 2014, et du rythme d’endettement du pays, le Cameroun était, bien avant la crise sanitaire actuelle, considéré par la banque mondiale et le Fonds monétaire international (FMI) comme un pays à risque de surendettement élevé. Selon les estimations du Fmi, la dette publique du pays devrait atteindre 45,2% du PIB cette année, contre 40,9% en 2019. « La dette publique extérieure du pays a également augmenté de manière significative en raison du programme d’investissement public du Cameroun, financé principalement par l’extérieur, exacerbé par sa capacité à générer des revenus inférieur à la médiane, ce qui pèse sur l’accessibilité de la dette » révèle Moody’s. Pourtant, compte tenu des pertes enregistrées du fait de la pandémie du coronavirus, le Cameroun a axé sa politique de financement du déficit budgétaire au cours de la période 2021-2023, sur l’endettement (76% de dette extérieure et 24% de dette intérieure%).
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Pour l’exercice 2021, les ressources de financement de l’Etat (prêts projets, émissions de titres publics et appuis budgétaires) sont projetés à 1 493 milliards de FCFA. Selon le Document d’orientation budgétaire élaboré pour cette période, la politique d’endettement du pays devrait s’appuyer sur « l’adoption et la mise en œuvre d’une stratégie d’endettement et de gestion de la dette publique à moyen terme ». Autre indicateur qui limite le profil de crédit du Cameroun, c’est l’environnement institutionnel du pays. Il s’agit notamment de la corruption et la gestion des finances publiques. « Une pression à la baisse sur la notation résulterait d’un écart important par rapport aux objectifs budgétaires ou emprunts convenus dans le cadre du programme du FMI, ce qui pourrait accroître les risques de liquidités du gouvernement et indiquer la faiblesse des institutions et la force de la gouvernance » prévient Moody’s.
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L’hypothèse d’un relèvement de la note souveraine du Cameroun est quant à elle conditionnée par le règlement de la crise socio-politique dans les régions anglophones, l’instauration d’un climat de paix et l’élimination de la menace de retombée négative sur l’économie. A cela devrait s’ajouter un effort supplémentaire en termes de gouvernance. « Un relèvement de la note pourrait se produire si l’assainissement budgétaire devait s’enraciner, largement indépendant des facteurs cycliques et ponctuels, ce qui se traduirait par une discipline budgétaire et une force institutionnelle durable » préconise Moody’s.
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