Nord-Ouest/Sud-Ouest : le Plan d’assistance humanitaire d’urgence dans l’impasse
Le déploiement de ce dispositif gouvernemental doté d’un budget de 12,7 milliards Fcfa est coincé, alors que près de 500.000 personnes sont menacées de famine dans les deux régions anglophones.
Dévoilé depuis le 21 juin 2018, le Plan d’assistance humanitaire d’urgence pour les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, doté d’un budget prévisionnel de 12,7 milliards Fcfa, peine toujours à se déployer sur le terrain. Entre autres domaines d’intervention identifiés comme prioritaires par le gouvernement au moment de la mise en place de ce dispositif, il y avait la protection des personnes déplacées, la fourniture des denrées alimentaires et des produits de première nécessité, les soins de santé, l’éducation, la reprise des activités économiques, notamment agricoles, le logement et la reconstitution des documents d’état-civil et des pièces administratives individuelles. Neuf mois après, seules des denrées alimentaires ont pu être apportées à quelques 60 345 personnes dans 12 arrondissements réparties dans les deux régions, à en croire le ministre de l’Administration territoriale, Paul Atanga Nji, coordonnateur dudit plan.
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A l’ouverture de la session de mars, mardi dernier à l’Assemblée nationale, le vice-président de cette chambre, Joseph Mbah Ndam du Social Democratic Front (SDF), élu dans la circonscription de Batibo dans le Nord-Ouest, a tiré la sonnette d’alarme, en indiquant que l’année dernière, plus que l’année surpassée, « les femmes n’ont pas fait les champs ». Conséquence, plusieurs dizaines de milliers de personnes déplacées « n’ont rien à manger », et « la famine arrive ». Il faut relever que les milices se revendiquant du mouvement sécessionniste de l’Ambazonie, qui s’attaquent également aux activités de transport des marchandises et de voyages, multipliant ainsi braquages et pillages, ont contraint plusieurs familles à abandonner leurs activités agro-pastorales. Le spectre de la famine plane sur le Nord-Ouest depuis fin 2017. En août 2018, le coordonnateur du Programme national de veille et de renforcement de la sécurité alimentaire (Pnvrsa) du ministère de l’Agriculture et du Développement rural, Marie-Jeanine Nkodo Atanga, prévenait que près de 500.000 personnes, soit 20% des populations des zones concernées, pourraient se retrouver en situation de crise alimentaire en zone anglophone et dans la région de l’Ouest où il y a un afflux importants de déplacés de la crise sécessionniste, entre mars et mai 2019.
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Sur le terrain, la situation est bien plus grave. Une enquête de l’Agence des États-Unis pour le développement international (Usaid), publiée fin février, révèle que c’est environ 1,4 million de personnes qui sont déjà en insécurité alimentaire dans cette partie du Cameroun.
Dans le cadre de son Plan d’assistance humanitaire d’urgence, le gouvernement avait prévu, pour ce qui est du secteur agro-pastoral, un appui en intrants agricoles et en cheptel pour relancer les activités des populations rurales sinistrées. Mais, de toute évidence, ce dispositif ne sera mis en place qu’après le retour espéré de la paix dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest. Economiste et ancien consultant dans le Système des Nations unies, Bernard Ouandji a toujours pensé que ce dispositif gouvernemental visait davantage à anticiper sur une éventuelle initiative humanitaire du Conseil de sécurité de l’Onu. D’après lui, la forme de ce document est loin de se conformer aux règles de l’art en matière de formulation d’un plan d’urgence humanitaire. Il n’est donc pas surpris que les bailleurs de fonds, qui suivent une méthodologie spécifique, ne se soient pas intéressés à ce plan gouvernemental.
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Pour mémoire, le financement du Plan d’assistance humanitaire devait être assuré par le budget de l’Etat, l’appel à la solidarité nationale comme cela avait déjà été le cas dans le cadre la guerre contre Boko Haram dans la région de l’Extrême-Nord, et la contribution des partenaires internationaux.