NFC-Bank placée sous administration séquestre
La mise sous administration séquestre de l’actionnariat de NFC Bank rentre en droite ligne du parachèvement de son processus de restructuration que le gouvernement a accepté de prendre en charge à mi-février dernier.
Nouveau rebondissement dans le feuilleton de la National Financial Credit-Bank (NFC Bank). Le jeudi 29 juillet 2021, le Tribunal de première instance(TPI) de Yaoundé a procédé à la mise sous séquestre de la totalité des actions de cet établissement bancaire. Selon la décision de justice consultée par EcoMatin, Mballa Gofroy, Mevoua Benoît Placide et Essama Michel Joachim ont été désignés comme administrateurs séquestres respectivement des parts détenues par les actionnaires Awanga et apparentés (58,2612%), la Mutuelle de Retraite Complémentaire des Agents Eneo (24,4802%) et le groupe des autres actionnaires historiques (17,2586%). Leur mandat s’étendra jusqu’à la mise en place des nouveaux organes sociaux de la banque.
Lire aussi : Secteur bancaire : l’Etat injecte 47 milliards pour sauver NFC Bank et UBC de la faillite
Contestations
Sous administration provisoire depuis quelques années, NFC Bank paie les frais du mismanagement de son équipe dirigeante. Plusieurs rapports de la Commission bancaire d’Afrique centrale(Cobac) établissent clairement la responsabilité des actionnaires majoritaires et apparentés dans la déconfiture de cette banque. À la mi-février 2021, le gouvernement camerounais avait accepté de prendre en charge la restructuration de l’établissement bancaire. Ce, via la technique «coup d’accordéon » qu’il a eu à expérimenter dans le cas de Commercial Bank cameroon(CBC). Il s’agit d’un mécanisme d’apurement de pertes qui consiste à réduire le capital social à zéro, puis à réaliser recapitalisation dans la foulée afin de reconstituer les fonds propres.
Pour mettre en œuvre ces actions, prévues dans le plan de restructuration, l’Etat du Cameroun avait jusqu’au 30 juin 2021. En impossibilité de le réaliser le mandat de l’administrateur provisoire a été prorogé jusqu’au 31 juillet 2021. La raison du blocage selon le TPI, « les actionnaires majoritaires et historiques empêchent à l’administration provisoire de réaliser la réduction et l’augmentation du capital » peut-on lire. Mais pouvait-il en être autrement ? Assurément pas. Car comme avec la CBC, les actionnaires historiques bien qu’étant à l’origine de la situation désastreuse de la banque trouvent mal d’être mis à l’écart. « On a à faire ici à des actionnaires historiques qui ont coulé la banque (emprunt direct et théorie des apparentés); pour la sauver l’Etat doit faire le coup de l’accordéon. Or les fonds injectés par l’état représentent déjà une fraction importante du total du bilan (rachat des créances douteuses) et au moins cinq fois les fonds propres » commente un expert financier.
Autant dire que la mise sous séquestre procède d’une volonté d’éteindre toute difficulté de collaboration des actionnaires historiques. Pour le TPI, l’enjeu en vaut la chandelle, « les administrateurs séquestres seront chargés d’exercer les droits attachés auxdites actions et permettre ainsi aux assemblées générales des actionnaires de cette banque de délibérer valablement et de prendre les décisions prévues dans le plan de restructuration » peut-on lire sur la décision de justice.
Lire aussi : Paul Biya veut remettre CBC à la famille Fotso
What next ?
Après la décision de justice, EcoMatin a appris de bonnes sources que le conseil d’administration de NFC Bank s’est réuni le 31 juillet dernier à l’hôtel Djeuga Palace à Yaoundé. Rencontre en toute discrétion avec les nouveaux les séquestres désignés judiciairement et qui ont d’ores et déjà approuvé la nouvelle constitution du capital. Selon une source proche du dossier, l’Etat s’est accaparé 60% des parts se subrogeant ainsi à l’actionnaire majoritaire. Pour les participations restantes, les autres actionnaires sont autorisées à souscrire ; il s’agit de la Mutuelle de Retraite Complémentaire des Agents Eneo et le groupe des autres actionnaires historiques. L’information n’a pas été confirmée le ministère des Finances(Minfi), bras séculier de l’Etat dans le cadre de cette opération. Des souscriptions qui devraient se faire avant l’assemblée Générale extraordinaire dont la convocation est imminente pour valider le nouveau tour de table et désigner les organes de gouvernance (DG, PCA et nouveaux administrateurs). Leur mission : rationaliser la gestion de la banque sur la base d’un contrat de performance, et ce sur une période bien déterminée. Après quoi l’Etat, actionnaire de référence, va chercher d’un repreneur privé et lui céder ses parts.
Pour le reste, c’est l’omerta générale autour de ce dossier auquel le chef de l’Etat attache un prix fort. En février dernier, Paul Biya avait autorisé gouvernement à y injecter 29,126 milliards de FCFA devant servir d’une part pour la recapitalisation et d’autre part pour garantir les créances impossibles de recouvrement. « Le Président de la République demande au Premier Ministre, Chef du gouvernement, de prendre les mesures appropriées, afin qu’au terme de la restructuration, l’Etat du Cameroun récupère la totalité des sommes investies pour sauver les deux banques » écrit Ferdinand Ngoh Ngoh dans une correspondance signée le 18 février dernier.
Lire aussi : Les détails sur la restructuration de NFC Bank et UBC Plc.
L’aléa moral
Qu’il s’agisse de NFC-Bank, d’UBC, de CBC oui même plus loin d’Amity Bank, les tourments des banques commerciales ont un dénominateur commun : le non-respect des normes prudentielles réglementaires, notamment en matière d’octroi des crédits aux personnes physiques et morales proches des promoteurs ou des dirigeants de ces banques. «Crédits entre amis, crédits non garantis, des débiteurs qui ne remboursent pas…le tout masqué dans les comptes, de sorte que quand la Cobac arrive, il n’y a plus qu’à constater que ces actifs sont pourris et décider de les passer en pertes et en créances douteuses, et donc de les provisionner, ce qui conduit à des résultats négatifs qui absorbent les fonds propres», explique une source. A chaque fois, l’Etat prend des mesures curatives en déployant son arsenal pour remettre la banque à flot. C’est presque un privilège car en le faisant, il est accusé de faire le lit de l’aléa moral, concept et principe économique selon lequel des agents pourrait être incités à adopter des comportements dangereux si de précédents agents, auteurs de tels comportements, sont soutenus face à une crise consécutive à la commission desdits.
A contrario, des experts proposent des mesures plutôt curatives qui englobent à la fois un contrôle plus rigoureux du régulateur et la mise sur pied en amont, d’un d’instrument de maîtrise du risque. Pour l’expert en ingénierie financière Yannick Achille Fogne, « les faillites successives des établissements de microfinances de premier ordre, les mises sous administration provisoire des banques et autres déconvenues sont pour l’essentiel dues à la non maîtrise de l’information économique, financière et comptable dans l’espace à la fois par les entrepreneurs eux-mêmes et par les autorités de surveillance. Il semble pourtant plus coûteux de gérer les casses que de développer un tel outil « , explique-t-il.
Lire aussi : L’eurobond, le jour d’après !