Mobile Money : comment Campost lorgne les milliards du Pajer-U
La Cameroon Postal Services (Campost) pense qu’à travers ses services monétiques, le Projet d’appui à la jeunesse rurale et urbaine (Pajer-U) logé au ministère de la Jeunesse pourrait avoir une traçabilité optimale.
Lucien Nana Yomba, directeur général adjoint (DGA) de la Cameroon Postal Services (Campost) était l’invité du ministre de la Jeunesse et de l’Education Civique (Minjec), Mounouna Foutsou, dans la matinée du 24 octobre dernier. L’objet de sa visite : présenter « Campost Money », un porte-monnaie électronique mis sur le marché depuis plus d’un an par la Campost. L’audience avait pour but précisément de présenter ce produit pour les activités du Pajer-U. De la présentation du produit par Campost, on retient qu’un état des lieux a été dressé s’agissant du fonctionnement du Pajer-U et à l’observation, les bénéficiaires de cette structure reçoivent leurs financements en espèces. Ce système comporte malheureusement certains risques parmi lesquels le défaut de traçabilité ou encore les détournements.
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Pour remédier aux risques présentés par la gestion des espèces, Campost Money propose des services de mobile money et de Money banking. Traçabilité assurée. De plus, a expliqué M. Nana Yomba, le produit permet d’effectuer toutes les opérations qu’on retrouve dans une banque classique. Ainsi, le Coordonnateur national du Pajer-U et ses collaborateurs autorisés, pourront avoir accès à tous les mouvements de fonds ; d’où une traçabilité optimale. Réagissant à cette présentation de Campost Money, le ministre Mounouna Foutsou s’est dit intéressé par cette solution beaucoup plus pour le recouvrement des fonds car à ce niveau, il n’y a pas beaucoup de procédures.
Mais pour la mise à disposition des fonds aux jeunes, le Minjec a précisé à ses invités que le décaissement de fonds obéit à certaines règles qui peuvent compliquer l’utilisation de ce système pour le paiement des jeunes. Ces règles ou ces conditions ont pour but d’encadrer la dépense de cet argent afin qu’il ne soit pas utilisé pour autre chose que pour ce pour quoi il a été donné au jeune.
« Ce projet sera mieux étudié, a indiqué le ministre, car nous sommes dans une ère où il faut contourner les tracasseries techniques qui désespèrent les jeunes ».
Appréhensions
Question du Coordonnateur national du Pajer-U sur la sécurité du compte étant donné qu’on observe des phénomènes de piraterie et d’arnaque de comptes électroniques. Réponse de Campost : le titulaire d’un compte ne doit pas faire n’importe quoi. Il est soumis à une règle de gestion et il existe jusqu’à deux niveaux de contrôle.
Au cours de la réunion, un conseiller technique n°1 (CT1) du Minjec a voulu également se rassurer que les comptes ouverts soient effectivement gratuits et sans autres frais d’entretien. Autre préoccupation de CT1, et quid des jeunes qui n’ont pas de comptes ? Réponse de la Campost : les comptes sont gratuits. Il suffit de télécharger l’application Campost Money et de se faire identifier auprès d’un bureau Campost pour pouvoir effectuer ses opérations.
S’agissant des jeunes qui n’ont pas de compte, précision a été faite que l’ouverture du compte est totalement gratuite et que rien ne saurait donc empêcher un jeune d’avoir son compte.
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Pour le déploiement «Campost Money», l’entreprise postale publique a déjà procédé à la signature des conventions de partenariat logistique et financier avec des e-marchands, ainsi qu’à la signature de conventions avec plusieurs entreprises et administrations en vue de l’utilisation du moyen de paiement électronique de Campost. Pour ce qui est des perspectives, l’entreprise publique envisage de signer des partenariats avec les acteurs de l’économie numérique, mettre en place une plateforme de e-commerce pour intégrer l’ensemble de la chaîne de valeur, mettre effectivement en œuvre le projet Ecom@Africa et développer des produits et services innovants tels que le Mobile-Banking.
Le marché camerounais du Mobile Money est contrôlé pour l’heure par les géants des télécoms que sont MTN et Orange. Récemment, deux banques se sont également lancées dans le secteur. Il s’agit d’UBA Cameroun et Société générale Cameroun.
Une entreprise structurellement déficitaire
Que Campost se lance dans le Mobile Money est une curiosité. Car l’entreprise a déjà du mal à assurer son service de base qu’est la distribution du courrier.
L’entreprise alimente davantage la chronique populaire à cause de ses grèves à répétition. La dernière en date est celle qui a été désamorcée au premier trimestre 2019. Initialement prévue le 24 avril 2019, la grève annoncée par les employés de la Cameroon Postal Services, l’entreprise postale publique, n’a finalement pas eu lieu. Une concertation organisée le 23 avril 2019 à Yaoundé, à la délégation régionale du ministère du Travail, entre les dirigeants de la Campost et les employés, a abouti à la suspension du mot d’ordre de grève adressé au Premier ministre, le 8 avril 2019.
Selon le procès-verbal qui a sanctionné ces négociations, la direction générale de la Campost a pris de nombreux engagements visant à satisfaire les revendications des employés. Parmi les plus importants, l’on peut citer la promesse de payer les effets financiers des avancements (2016, 2017 et 2018) dans les salaires du mois d’avril 2019 et 10 mois sur d’arriérés de paiement des effets financiers des avancements et reclassements de l’année 2018, au cours du mois d’avril 2019. Dans le même temps, 50 % du reliquat de ces effets financiers sera réglé au 30 juin 2019, et le reste avant la fin de l’année courante.
Les personnels de la Campost ont également obtenu l’association des représentants du personnel à la Commission chargée du suivi de la mise en œuvre du contrat plan Etat-Campost et le paiement de 50 % du solde de tout compte aux employés admis à faire valoir leurs droits à la retraite. Le reliquat devra être payé dans les six prochains mois. « Aucune mesure de représailles ne sera prise à l’encontre des signataires du mot d’ordre de grève du 8 avril 2019 », précise par ailleurs le procès-verbal susmentionné.
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La Campost a formulé des plaintes au cours de son conseil d’administration, tenu le 11 janvier à Yaoundé. Aux dires de Suzanne Thérisia Béatrice Onana, présidente du conseil d’administration (PCA), « la Campost dégage une légère baisse par rapport aux objectifs fixés, du fait principalement de la forte concurrence sur le marché postal qui demeure insuffisamment régulé au détriment de la Campost ».
Le message du PCA s’adresse ainsi au ministère camerounais des Postes et Télécoms (Minpostel) qui a fait, en 2016, le constat selon lequel, plus de 220 opérateurs exerçant les activités de messagerie et de transfert d’argent sur le territoire national sont hors-la-loi. Depuis lors, le Minpostel avait promis un assainissement du marché postal. Seulement, la Campost se plaint toujours, trois années plus tard.
Par ailleurs, l’entreprise postale publique camerounaise affirme qu’elle rencontre des difficultés de fonctionnement de ses démembrements dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, en crise. En novembre 2018, l’Etat du Cameroun s’est engagé à soutenir la Campost à travers un apport de 18,31 milliards FCFA, sur un financement global de 22,87 milliards FCFA. A terme, l’opérateur public est supposé atteindre l’équilibre financier en 2021.
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Campost sommée de retrouver l’équilibre en 2021
La ministre des Postes et télécommunications (Minpostel), Minette Libom Li Likeng, a présenté le 30 novembre à Yaoundé, le contrat-plan signé entre l’Etat du Cameroun et la Cameroon Postal Service (Campost) en difficulté.
Selon Mme Libom Li Likeng, la Campost dispose désormais d’une boussole, d’un cadre de référence de ses rapports avec l’Etat, permettant de mesurer et d’évaluer les actions à entreprendre pour les trois prochaines années (2019-2021). En retour, l’Etat s’engage à soutenir substantiellement la Campost à travers ses trois guichets pour un apport global de 18,31 milliards FCFA, sur un financement global de 22, 87 milliards FCFA. Si tout est mis en œuvre selon la matrice des actions arrêtées, le business plan prévoit l’atteinte de l’équilibre au bout de la troisième année en 2021.
Le contrat-plan suscité est fondé sur la restauration de la crédibilité de l’entreprise et l’amélioration des performances globales. Ce plan traduit l’orientation de l’Etat à permettre à la Campost de contribuer activement au développement de l’économie numérique, en acquérant des plateformes numériques pour moderniser son offre sur ses différents segments de marché (e-commerce, mobile money, courrier hybride, hébergements de données, etc.).
Cependant, a indiqué le membre du gouvernement, sa réussite est conditionnée par la mobilisation active et indispensable de l’ensemble du personnel, afin de saisir cette opportunité et ce coup de pouce salvateur qu’offre l’Etat, à travers le contrat-plan, pour inverser les contreperformances enregistrées ces dernières années, et espérer un sauvetage de l’entreprise.
En effet, l’Etat a engagé le sauvetage de la Campost en nommant un nouveau directeur général, le 6 juillet 2016. Cette étape était consécutive à la fin du contrat d’assistance technique pour le redressement de l’opérateur, liant l’Etat du Cameroun et la société française, Sofrepost (filiale du groupe La Poste), signé le 2 mars 2010.
Malheureusement, le partenariat engagé avec Sofrepost n’a pas produit les résultats escomptés. Au contraire, au sortir de ce partenariat, la situation financière de l’entreprise était catastrophique avec un chiffre d’affaires d’environ 3,77 milliards FCFA en 2015, en baisse constante depuis 2013, et un résultat net négatif de l’ordre de – 22,41 millions FCFA. Depuis lors, la Campost vit au rythme des grèves des employés qui réclament plusieurs mois d’arriérés de salaire.