Marchés publics : la présidence de la république limite le pouvoir du Minmap sur les cas de gré à gré
Désormais, les demandes de passation de marchés publics en procédure de gré à gré sont soumises à l’autorisation expresse du président de la République. Dans deux Lettre-circulaires, le 15 février 2021 et le 20 août 2020, le ministre des Marchés publics avait essayé de recadrer les maîtres d’ouvrage dans ce sens. Sans succès.
Comme le dit l’adage, les habitudes [des intervenants dans la chaîne des marchés publics au Cameroun] ont la peau dure. Malgré deux Lettres-circulaires de l’autorité chargée des marchés publics (en 2020 et 2021) pour dénoncer la récurrence des mauvaises pratiques en matière de passation de marchés publics en procédure de gré à gré ou en régie, les choses ne semblent pas s’améliorer. Le président de la République vient de dire “stop” en aménageant de nouvelles modalités de recours au gré à gré en matière de marchés publics.
Ces directives que EcoMatin a pu consulter sont contenues dans une correspondance du ministre d’Etat, secrétaire général de la présidence de la République, adressée le 7 septembre 2021 au ministre délégué à la présidence de la République chargé des Marchés publics. “J’ai l’honneur de vous transmettre les très hautes instructions de président de la République, qui vous demande de veiller à les autorisations de gré à gré en matière de marchés publics soient dorénavant soumises à sa très haute approbation ainsi qu’il suit : à partir de 5 milliards pour les marchés de prestations intellectuelles; à partir de 10 milliards pour les marchés de fournitures et à partir de 15 milliards pour les marchés des travaux”, écrit Ferdinand Ngoh Ngoh à Ibrahim Talba Malla. Paul Biya prescrit “une application rigoureuse de ces aménagements, ainsi qu’un strict respect des critères de recours au gré à gré, tels que définis par le décret du 20 juin 2018 portant Code des marchés publics.” Peut être que cette fois, les acteurs de la chaîne des marchés publics vont s’exécuter.
C’est que, deux fois de suite en 2020 et 2021, l’autorité chargée des marchés publics a essayé de (re)mettre de l’ordre dans cette activité, en vain. Dans sa Lettre-circulaire du 15 février 2021, le ministre délégué à la présidence de la République, en charge des Marchés publics (Minmap), Ibrahim Talba Malla, a dénoncé la pratique, généralisée, de nombreux maîtres d’ouvrage et délégués et, de chefs des exécutifs municipaux plus particulièrement, qui “s’évertuent à solliciter des procédures dérogatoires de gré à gré ou de régie pour exécuter leurs projets aux dépens des appels d’offres, qui constituent la procédure normale de passation des marchés publics et qui offrent, par ailleurs, l’avantage de réaliser la commande publique à des coûts compétitifs”.
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Impuissance
Des demandes récurrentes en la matière, dont les motifs généralement invoqués “ne cadrent pas avec les cas limitativement énumérés par le Code des marchés publics, notamment en ses dispositions de l’article 109”, regrette-t-il.
Cette disposition prévoit que toute personne physique ou morale de droit public ou privé, chargée du contrôle de l’exécution des marchés publics, reconnue coupable de malversations ou de défaillance dans l’exercice ce dudit contrôle, encourt des sanctions prévues par les lois et réglementé en vigueur sans préjudice de la réparation des dommages subis par le maître d’ouvrage ou le maître d’ouvrage délégué. Le Minmap souligne également que la passation des marchés, à travers la procédure de gré à gré, ne peut être sollicitée que pour dès besoins ne pouvant être satisfaits que par une prestation nécessitant l’emploi d’un brevet d’invention, d’un procédé, d’un savoir-faire, d’une licence ou de droits exclusifs détenus par un seul entrepreneur, un seul prestataire ou un seul fournisseur.
Selon les statistiques de l’Agence de régulation des marchés publics (Armp), le gré à gré, représente 46% des marchés annuels entre 2011 et 2017.
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