Lutte contre la corruption : la Conac poursuit le combat sur les axes routiers
En attendant la publication du rapport sur l’état de la corruption au Cameroun le 17 décembre 2020, la Conac traque la corruption sur les principaux axes routiers du Cameroun. Le fléau aurait fait perdre au pays plus de 1650 milliards de Fcfa en 10 ans.
Pour l’édition 2020 de la journée internationale de la lutte contre la corruption, le Cameroun met un point d’honneur à l’un des domaines du pays les plus touchés par ce fléau : le transport routier. Le lancement des activités y relatives marque le début de la campagne intitulée « fêtes de fin d’année sans corruption sur les axes routiers ». Le choix du site de la célébration n’est donc pas anodin. Bafoussam est, après Douala et Yaoundé, l’une des villes les villes qui connaît un trafic routier important.
A l’occasion de cette célébration, la Commission Nationale Anti-Corruption (Conac) a opté pour l’une des ces activités quotidiennes destinées à faire face aux cas de flagrant de délit de corruption et infractions assimilées : il s’agit des « Action par voie d’Intervention Rapide (AIR) » qui a ciblé le secteur des transports. Des équipes ont été déployées les axes routier de Yaoundé – Akonolinga – Awae, Yaounde-Bafoussam et Bafoussam – Foumban – Mbouda – Dschang ; Yaoundé-Douala, Douala – Dschang – Bafoussam et Bafoussam – Bangant – Bafang – Bandjoun. Ceci afin de contrôler les postes de la police, de la gendarmerie, de la douane, d’agent des Eaux et de Foret, de péage, de pesage, etc.
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Il apparait que des actes de détournement des fonds publics ont été enregistrés par des fonctionnaires du ministère des travaux public, affectés à collecte des droits de péage routier. Ceux-ci laissent passer des véhicules sans délivrer de tickets, et sans s’acquitter des droits dus. La mission de la Conac a fait appliquer la règlementation en vigueur en contraignant les automobilistes indélicats à payer l’amende prévue soit l’équivalent de six tickets. Ailleurs, une vingtaine de personnes ont été surprises en train de mener des activités de prévention routière sans avoir qualité.
En septembre 2020, les délégués régionaux, les chefs des services publics et parapublics, les membres des organisations de la société civile ont procédé à Bafoussam à l’évaluation du plan d’action régional 2018 de la région de l’ouest. Au terme de cette évaluation, la région a obtenu une moyenne de 32,24%, soit une hausse d’environ 4% par rapport à l’année 2017. Ce score place la région 7e sur les huit régions évaluées, en dehors du Nord-ouest et du Sud-ouest. Au cours des six dernières années d’évaluation, « la région a obtenu les performances ci-après : 34,52% en 2013, 20,95% en 2014, 25, 40% en 2015, 30,46% en 2016, 27, 97% en 2017, 32, 24%, en 2018. La région de l’Ouest semble plutôt marquer les pas sur place», a-t-il lancé.
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Pertes considérables
Sur une perspective globale de l’économie, la corruption menace lourdement la croissance et le développement économique du pays, en modifiant les décisions des agents économique; elle décourage par-là les investissements et la compétitivité. L’impact se fait aussi ressentir au niveau d’institutions de l’Etat qui sont fragilisées. Par ailleurs, elle engendre de grandes disparités économiques et favorise la criminalité.
Entre 2010 et 2020, la corruption a fait perdre à l’Etat un montant estimé à 1652 milliards de Fcfa, selon le président de la Conac, Dr. Dieudonné Massi Gams, à l’occasion de la Journée africaine de lutte contre la corruption le 11 juillet 2020. En 2018, la Conac avait indiqué que grâce à son investigation sur les 40 milliards de Fcfa perdus par l’Etat, seulement 4 milliards ont pu être recouvrés. Selon une enquête menée par Greenpeace, Forest Monitor et le Centre pour l’environnement et le développement (CED), l’Etat perdrait en moyenne 100 milliards Fcfa chaque année du fait de l’exploitation forestière illégale.
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En attendant une loi anti-corruption
« Petite ou grande entreprise, citoyen ordinaire ou homme d’affaire ; que vous soyez du domaine public, employeurs, pauvre ou riche, la corruption touche toutes les couches sociales », insiste le président de la Conac, en guise de sensibilisation. Malgré les efforts menés au Cameroun pour pallier à ce fléau mondial, à travers la mise sur pied de certaines institution, notamment l’Agence Nationale d’Investigation (Anif), la Conac, le Contrôle Supérieure de l’Etat et le Tribunal Criminel Spécial (TSC), le chemin reste encore long pour son l’éradication.
Depuis 2017, le Cameroun occupe est le 153e rang de l’Indice de perception de la corruption (IPC) publié chaque année par Transparency International (TI). C’est un recul par rapport à la 145e place que pays en 2016. Ce classement suggère une fois encore l’insuffisance des reformes entreprises en dépit des mécanismes d’intégrité mis en place par le gouvernement», déclare le président de Transparency Cameroun, Me Henri Njoh Manga Belle. Dans le même sens, le rapport du Baromètre Mondiale de la Corruption Afrique 2019, souligne que « la corruption étrangère et le blanchiment d’argent privent les services publics de ressources qui leur sont essentielles à son fonctionnement et c’est le citoyen qui paie le tribu. »
D’après le Baromètre mondiale la corruption de 2016, le service public était le secteur le plus gangrené par le phénomène au Cameroun. En 2013, c’est la police qui occupait la première place des institutions les plus corrompues, remplaçant la douane qui y trônait lors des précédentes enquêtes.
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Les actions menées
La période 2010-2020 est décrite par la Conac comme la « décennie de petits pas irréversibles ». Pour la Conac, la lutte contre ce fléau s’inculque graduellement dans la conscience collective des Camerounais; mais aussi le changement d’attitude est perceptible dans l’administration publique et au sein de la population grâce à l’approbation graduelle de la culture de la responsabilité et du respect du bien public. L’institution se satisfait des avancées enregistrées visibles dans le triangle national. Selon le rapport d’évaluation 2010-2020, le Cameroun a enregistrée d’importantes réformes et actions anti-corruption. « Les retombées sont aujourd’hui palpables, tant sur le plan financier que sur le plan comportemental», se réjouit le président de la Conac, Dr. Dieudonné Massi Gams.
Parmi les principales retombées l’on compte entre autres: les dénonciations sont passées de 482 en 2010 à 23 048 en 2018, soit une évolution de 4 682% ; les investigations de la Conac ont permis au Cameroun de gagner ou d’éviter de dépenser 1 652 582 958 297 Fcfa entre 2010 et 2017 ; de nombreux agents publics ont été sanctionnés ; plus de 300 entreprises ont été suspendues par le ministère des marchés publics. Des indicateurs encourageants certes, mais le phénomène reste endémique.
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Dans le cadre de son rapport d’août 2020 sur le Cameroun, le FMI encourage le pays à l’adoption d’une loi anti-corruption et aussi de renforcer son système juridique pour mieux combattre la corruption. Ceci aura pour effet positif d’encourager l’investissement étranger et le développement du secteur privé. Le 1er avril 2020 déjà, le Cameroun a ratifié la convention de l’Union Africaine sur la Prévention et la lutte contre la corruption. Ce décret vient densifier les instruments de lutte ce fléau.