Les Banques réduisent de 32% les crédits aux PME en 2019
Cette réticence des banques vis-à-vis des PME, porte un coup non négligeable au tissu économique national.
14 229. C’est le nombre de PME créées en 2019 au Cameroun. L’information a été lâchée le 03 septembre dernier par le ministre des Petites et Moyennes entreprises, de l’économie Sociale et de l’artisanat (Mimpmeesa), Achille Bassileken III. D’après le membre du gouvernement, ce chiffre, en hausse de 806 par rapport à 2018, permet au pays d’occuper la 92e place au niveau mondial en matière de création d’entreprises. Plus concrètement, les Très petites entreprises (TPE) détiennent 36% de ce chiffre, des Petites entreprises (PE) 34% et des moyennes entreprises (ME) 30%.
Si l’on peut se réjouir de la forte propension à la création des unités de création de richesse, il y’a lieu de s’inquiéter pour leur survie, car beaucoup meurent de manière prématurée. En 2016, le Centre d’analyse et de recherche sur les politiques économiques du Cameroun (Camercap) révélait dans une étude que 72% des entreprises créées entre 2010 et 2015 ont « disparu » des radars ; elles sont inexistantes dans le fichier de la Direction générale des Impôts. Une mortalité précoce qui touche au premier chef les PME, un maillon essentiel du tissu économique national. Selon les résultats du deuxième Recensement général des entreprises (Rge) réalisé par l’Institut national de la statistique (INS), les PME représentent plus de 99% des entreprises au Cameroun (TPE, 75% ; PE, 19% ; ME, 5,2% ; GE, 0,8%).
Avec une contribution de 34% au chiffre d’affaires total des entreprises, elles emploient plus de 7 travailleurs sur 10, soit 72,26% des emplois permanents. D’après l’INS, l’une des caractéristiques forte des PME au Cameroun est qu’elles sont pour la plupart implantées dans les zones où vivent les populations pauvres qu’elles emploient. « Ces entreprises jouent un rôle important pour maintenir une croissance dynamique du pays, occuper une population active nombreuse et réduire la pauvreté rampante », indique Jean Pierre Evou, enseignant chercheur à la faculté des sciences économiques et de gestion à l’Université de Yaoundé II-Soa. Malgré l’importance qu’on leur reconnaît, les PME font face à un défi permanent, celui du financement.
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Moins de crédit
Selon les données publiées par la Banque des Etats de l’Afrique centrale (Beac), les crédits à l’économie ont de manière générale connue une baisse en 2019 au Cameroun. Cette baisse est davantage marquée pour les PME. En effet, dans ses rapports sur l’évolution des taux débiteurs pratiquées par les établissements de crédits dans la Cemac au 1er et 2e semestres 2019, la Beac indique que l’offre de crédit au cours de la période sous-revue s’est établi à 4642,8 milliards de FCFA. Dans ce montant seulement 13,70% (soit 635,73 milliards de FCFA) a été capté par les PME, et plus de 70% pour les grandes entreprises. Puis encore ce montant est en baisse de 32,5% par rapport à 2018 où les crédits aux PME se situaient autour de 944 milliards de FCFA. Cette frilosité des banques en matière d’octroi de crédits se manifeste encore plus au niveau des taux débiteurs sans cesse croissants. D’après la Beac, les taux débiteurs ont progressé de 62 points (de 10,80% au premier semestre à 11,41% au second) de base pour les PME au second semestre 2019.
Pourtant, pour démarrer leurs investissements les PME ont besoin de financements. « Leur bilan d’ouverture est alors fortement déséquilibré à cause de la faiblesse des capitaux propres. Ce déficit initial des capitaux permanents, s’il n’entraîne pas rapidement la faillite des PME, aura des conséquences négatives le long de la vie de l’entreprise. Ainsi, par la suite, les tensions financières seront aggravées au niveau du cycle d’exploitation », commente un chef d’entreprise.
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Le crédit-bail
Face aux difficultés d’accès aux financements auprès des banques, les PME s’orientent vers d’autres mécanismes de financement. « Soit l’autofinancement, soit vers les associations informelles d’épargne et de crédits (les tontines ou l’usure) » indique Jean Pierre Evou. Pourtant, il existe une alternative au crédit bancaire classique : le crédit-bail. Au Cameroun cette activité est régie par la loi No 2010/020 du 21 décembre 2010. En vertu de l’article 3 de cette loi, le crédit-bail est une opération de crédit destiné au financement de l’acquisition ou de l’utilisation des biens meubles ou immeubles à usage professionnel ».
Comme avantage, ce mode de prêt permet de financer jusqu’à la totalité de la valeur d’un bien toutes taxes comprises. Ensuite, l’établissement de crédit reste propriétaire du bien, qui va constituer pour lui une garantie solide. Malgré les avantages qu’il présente, le crédit-bail reste peu usité par les promoteurs. En 2019, sa participation à l’offre globale de crédit se situe à moins de 1%. D’après l’INS, plusieurs obstacles bloquent l’accès au financement des entreprises par le crédit-bail. Il s’agit de : le taux de sinistre élevé (plus de 12%) et qui dépasse 20% chez les PME, l’absence des établissements de microfinance parmi les établissements de crédit-bail, les conditions d’éligibilité strictes…
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