Les banques boudent le marché du crédit-bail évalué à 400 milliards
La Société financière internationale relève cependant dans un récent rapport que, le volume du secteur a pratiquement triplé entre 2009 et 2016, passant de 45 milliards de FCFA à environ 125 milliards de FCFA.
Le crédit-bail est un contrat de location avec option d’achat. Dans ce cadre, le locataire paie entre autres, les loyers de biens d’équipements, d’outillage, d’immeubles, et achète en fin de bail le bien pour une faible somme. Le crédit-bail est l’un des moyens de financements des investissements des entreprises. Il est une source alternative au crédit bancaire classique.
Au Cameroun, l’activité de crédit-bail est régie par la Loi N°2010/020 du 21 décembre 2010 portant organisation du crédit-bail. Aux termes de l’article 3 de cette loi : « Le crédit-bail est une opération de crédit destinée au financement de l’acquisition ou de l’utilisation des biens meubles ou immeubles à usage professionnel. Il consiste en la location des biens d’équipement, de matériel d’outillage ou de biens immobiliers à usage professionnel, spécialement achetés ou construits, en vue de cette location, par des entreprises qui en demeurent propriétaires. Ces opérations de location, quelle que soit leur dénomination, donnent au locataire la faculté d’acquérir, tout ou partie des biens loués, moyennant un prix convenu, tenant compte, au moins pour partie, des versements effectués à titre de loyers ».
Le crédit-bail présente deux avantages. Premièrement, il permet de financer jusqu’à la totalité de la valeur d’un bien toutes taxes comprises. L’entreprise peut dans ce cas conserver sa trésorerie pour financer son cycle d’exploitation. Deuxièmement, l’établissement de crédit reste propriétaire du bien, qui va constituer pour lui une garantie solide. La Société financière internationale (IFC) note que, le crédit-bail a fait d’importants progrès en termes de volume de crédit depuis 2009. En effet, selon l’IFC, le volume de crédit-bail a pratiquement triplé entre 2009 et 2016, passant de 45 milliards de FCFA à environ 125 milliards de FCFA. Toutefois, l’Association camerounaise du crédit-bail (Camlease) révèle que ce volume demeure encore largement en dessous de son potentiel qui est évalué à 400 milliards de FCFA.
Avant cette loi, l’activité de crédit-bail existait déjà au Cameroun. L’IFC, filiale de la Banque mondiale, dans son étude sur le marché du crédit-bail (2009) en faisait déjà l’état des lieux. De cette étude, il en ressortait que le crédit-bail représentait 47 milliards de FCFA, soit seulement 42% du marché potentiel et que cette activité était structurée autour de six principaux acteurs, soit 03 établissements financiers et 03 établissements bancaires. Les établissements bancaires représentaient 60% du marché de crédit-bail en 2009 contre 20% en 2005. Aucun établissement de microfinance n’exerçait d’activité de crédit-bail.
Pour promouvoir le développement du crédit-bail au Cameroun, Camlease a été créée en fin 2008. Elle comportait parmi ses membres tous les établissements de crédit offrant du crédit-bail : Africa leasing company, Alios Finance Cameroun, BICEC, PRO-PME Financement, Société générale Cameroun (ex-Sgbc). Cette association accueille en outre en son sein des associations professionnelles représentant les entreprises utilisatrices potentielles du crédit-bail et des représentants de diverses professions concernées. Depuis la Loi N°2010/020 du 21 décembre 2010, la taille des établissements de crédit-bail est restée relativement stable au Cameroun. En 2017, Afriland First Bank a absorbé sa filiale, Africa leasing company.
Évolutions et obstacles d’un mode de financement
Selon l’Institut national de la statistique (INS), le crédit connaît diverses fortunes. Car, les taux d’intérêt réels sur le crédit-bail connaissent une baisse tendancielle depuis l’année 2013.
En effet, le coût réel du crédit-bail a enregistré son taux le plus bas en 2017, s’établissant à 9,0% pour les prêts pratiqués par les banques aux PME. Ce taux est aussi le plus bas en ce qui concerne les prêts accordés aux grandes entreprises. La situation est similaire du côté des établissements financiers même si leurs taux d’intérêts réels demeurent plus élevés que ceux pratiqués par les banques commerciales.
Malgré cette avancée, l’INS note dans une récente étude sur le sujet que, quelques obstacles bloquent l’accès au financement des entreprises par le crédit-bail. Il s’agit de : le taux de sinistre élevé (plus de 12%) et qui dépasse les 20% chez les PME ; l’absence des établissements de microfinance parmi les établissements de crédit-bail qui privent les PME de ce type de financement ; les conditions d’éligibilités strictes : cette rigueur est liée à la nature du demandeur de crédit-bail (être promoteur d’une PME/PMI), à la nature de l’activité (exercer dans les secteurs suivants: bois, agriculture/élevage, pêche, mines, industrie, tourisme, coton, textile, confection), au taux d’intérêt du montant du crédit (10%) qui ne s’éloigne pas des taux d’intérêts des crédits classiques, et à l’apport personnel du promoteur qui est d’au plus 15%.
Du côté des bénéficiaires, la taille des entreprises constitue un critère de connaissance du mode de financement des activités par crédit-bail. En effet, la connaissance du leasing est largement répandue dans les grandes entreprises ; tandis qu’elle est très faible du côté des PME. Ainsi pour la majorité des entreprises de la première frange, les dispositions de la Loi N°2010/020 du 21 décembre 2010 ont favorisé l’accès au financement par crédit-bail. Ce mode de financement a par ailleurs permis la diversification des modes de financement des entreprises. Par ailleurs, la prise en compte de certaines propositions pourrait améliorer cette réforme sur le crédit-bail. Il s’agit de la révision du mode de fiscalisation par l’estimation de l’acompte de l’Impôt sur les sociétés sur les loyers ; le remboursement des crédits de TVA et l’accompagnement des crédits bailleurs dans le recouvrement des loyers.
Place du Cameroun dans la Cemac
Au 2ème trimestre 2018, le marché du crédit-bail au Cameroun a pesé 10,2 milliards de FCFA, contre 16,5 milliards de FCFA pour l’ensemble de la zone Cemac, selon les statistiques de la Banque des États de l’Afrique centrale (Beac). À l’échelle des six pays de cet espace communautaire, le Cameroun concentre à lui tout seul près de 70 % des concours financiers par crédit-bail, au cours de la période sous-revue. En effet, dans la zone Cemac, souligne la Beac, le financement par crédit-bail est encore très « marginal », comparé aux volumes des concours apportés aux particuliers et entreprises par les banques et autres établissements financiers. « Les crédits à long terme et les opérations de crédit-bail, pourtant indispensables pour le financement des investissements et l’accumulation des outils de production, restent très marginaux, avec des proportions établies respectivement à 1,05 % et 0,35 % », révèle un récent rapport de la banque centrale.
Au demeurant, avec une enveloppe de 10,2 milliards de FCFA (soit 0,4 % du volume global des crédits octroyés dans le pays, selon la Beac dans la 2ème moitié de l’année 2018), le marché camerounais du crédit-bail fait plutôt figure d’éclaircie dans le tableau sombre de ce mode de financement dans la zone Cemac.
Alios Finance domine le marché du crédit-bail
La Banque des États de l’Afrique centrale (Beac) constate dans son rapport 2018 que l’offre de crédit au Cameroun demeure essentiellement le fait des banques, qui concentrent 99,2 % du total des financements enregistrés au 2nd semestre 2018.
Les crédits dans le secteur des établissements financiers, spécialisés dans les opérations de crédit-bail, ne représentent que 0,8 % de la production observée au cours de la période de référence. Au niveau de ces établissements financiers, le marché a été dominé par Alios Finance. Cette institution concentre plus de la moitié (54,09 %) de l’offre de financement de cette catégorie d’assujettis. Le Crédit Foncier du Cameroun arrive en seconde position avec 26,84 % de part de marché. Après ce duopole, le suivant immédiat est PRO-PME Financement S.A, un établissement de crédit spécialisé dans les crédits aux PME/PMI. Ses parts de marché sont estimées par la Beac à 11,85 %. Le dernier sur la liste est la Société camerounaise d’équipement (SCE), créée en 1963. Ses parts de marchés au second semestre 2018 sont estimées à 7,22 %.
L’offre de crédit au 2nd semestre 2018, selon la Beac, reste principalement destinée aux entreprises du secteur productif. Ces entreprises concentrent près de 2 600 milliards de FCFA, soit environ 90,4 % du total des prêts, répartis à hauteur de 74,8 % pour les grandes entreprises et 15,6 % pour les PME. Les crédits aux particuliers, quant à eux, bien que représentant le plus grand nombre de dossiers (499 346 sur les 517 486 enregistrés), demeurent, en valeur, peu représentatifs dans l’ensemble. Ils s’élèvent à 265 milliards de FCFA, à peine 9,2 % du montant total des concours du 2nd semestre 2018.