Le plan du gouvernement pour sauver NFC-BANK et UBC de la faillite
La Commission bancaire d’Afrique centrale (Cobac) qui a validé ce plan, a donné à l’Etat du Cameroun jusqu’au mois de décembre 2020 pour le mettre en œuvre.
L’on en sait un peu plus sur la stratégie du gouvernement pour sauver la National Financial Credit Bank SA (NFC Bank) et la Union Bank of Cameroon (UBC). Les deux banques traversent une période de difficultés depuis 2009 et font l’objet d’un plan de sauvetage depuis lors. Depuis le début de la crise que traverse ces deux banques, une constante se dégage : s’il condamne les graves cas de Mismanagement constatés dans la gestion de ces banques, l’Etat a cependant pris l’option claire de les sauver, quitte à être accusé de faire le lit de l’aléa moral, concept et principe économique selon lequel des agents pourrait être incités à adopter des comportements dangereux si de précédents agents, auteurs de tels comportements, sont soutenus face à une crise consécutive à la commission desdits
comportements. «Le gouvernement est convaincu, et avec raison, de la rentabilité de ces banques. Car pour l’instant c’est seulement leur solvabilité qui est cause. De plus, le gouvernement entend protéger les épargnants de ces banques. C’est cette double logique qui guide ses actions depuis que l’état critique des deux banques a été révélé par la Cobac», explique un ancien cadre du ministère des Finances, naguère proche du dossier. Confirmée par une source proche du dossier à la Commission bancaire de l’Afrique centrale (Cobac), le régulateur du secteur bancaire de la sous-région qui avait constaté, dans la gestion des deux banques, de graves manquements aux normes prudentielles réglementaires et décidé, dès 2009 (notamment pour UBC), de les placer sous administration provisoire, cette option stratégique restait cependant à objectiver en démarche opérationnelle.
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Oceancic Bank International
Selon les sources d’EcoMatin, cela est chose faite. «Le gouvernement a proposé, en parfait accord avec le Fonds monétaire international avec lequel le pays est sous programme, un plan de recapitalisation. Pour UBC par exemple, Ecobank, qui avait repris les parts du Nigerian Oceancic Bank International dans le capital de UBC (54% des parts, ndlr) va payer un ticket de sortie. L’Etat va y injecter des fonds au titre de rachat des créances douteuses, prendre ainsi une partie du bilan et le nettoyer. La SRC (Société de Recouvrement des Créances, ndlr) pourra ensuite procéder au recouvrement forcé desdites créances.
Le chef de l’Etat a marqué son accord à ce plan et conséquemment, le Premier ministre, chef du gouvernement a transmis ce plan à la Cobac qui l’a validé. Le gouvernement dispose jusqu’au mois de décembre pour le mettre en œuvre explique la source de EcoMatin de la Cobac. Qui ajoute : «Contrairement à UBC dont le dossier est plus complexe puisqu’elle était sous administration provisoire avant de revenir à la normale sans que le spectre des ennuis s’éloigne, NFC-Bank est sous administration provisoire. L’Etat va donc lui appliquer une recette classique : rachat d’actions et de créances douteuses, rationalisation de la gestion avec signature d’un contrat de performance, recherche d’un repreneur et cession des parts ».
Cour commune de Justice d’Arbitrage
La recette CBC en somme. L’Etat serait d’ailleurs plus conforté à rééditer cette expérience que ses résultats avec la Commercial Bank-Cameroun (CBC) sont aujourd’hui probants. La CBC, mise sous contrat de performance avec l’Etat en 2018, a récemment annoncé un doublement de son capital à 23 milliards Fcfa en 2020, soit un dépassement en valeur absolue de 8 milliards Fcfa de la cible imposée par l’Etat.
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En interne aussi, comme avec la CBC, des efforts de redressements sont en cours. Face à la réduction considérable de son maillage territorial dû à la crise sociopolitique dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest où elle est fortement implantée, NFC-Bank par exemple a décidé de miser sur le marketing digital pour se dépêtrer de cette zone de turbulence. Le site internet de la banque, dont la nouvelle version a été déployée en 2019, permet de répondre à plusieurs besoins clients : géolocalisation des agences bancaires ; optimisation de l’accès aux services de banques à distance pour les clients…la banque développe en outre depuis janvier dernier, une nouvelle version de son application mobile qui propose une multitude de fonctionnalités telles que la consultation de compte, le virement et les opérations de cartes bancaires. UBC tente pour sa part de tirer avantage d’un long procès avec l’entreprise Unimarché qui fait tant de mal à son image.
La Cour commune de Justice d’Arbitrage (Ccja) d’Abidjan qui avait été saisie du dossier, a rendu, le 19 avril 2020, un arrêt favorable à la banque. Par cette décision, cette juridiction reconnaît les droits d’hypothèque d’UBC sur l’immeuble siège d’Unimarché à Bonapriso. Ladite hypothèque avait été présentée par son promoteur, Grégoire Piwele, en vue d’obtenir un crédit d’un montant de 1,7 milliards Fcfa auprès de la banque. Et une partie du passif de l’établissement de crédit provient des prêts contractés en garantie du remboursement de cette somme. UBC espère donc vendre l’immeuble pour apurer ce passif. Même si la procédure devant le Tribunal de grande instance du Wouri à Douala a été ajournée le 7 mai 2020 pour le 4 juin prochain, il s’agit déjà d’une bonne nouvelle pour la banque.
Coopératives
S’ils sont louables, ces efforts restent très insuffisants pour sortir ces banques des situations plus que délicates dans lesquelles elles se sont mises. Car qu’il s’agisse de NFC-Bank, de UBC ou, quelques années plus tôt, de la CBC, les tourments de ces banques commerciales ont un dénominateur commun : le non-respect des normes prudentielles réglementaires, notamment en matière d’octroi des crédits aux personnes physiques et morales proches des promoteurs ou des dirigeants de ces banques. «Crédits entre amis, crédits non garantis, des débiteurs qui ne remboursent pas…le tout masqué dans les comptes, de sorte que quand la Cobac arrive, il n’y a plus qu’à constater que ces actifs sont pourris et décider de les passer en pertes et en créances douteuses, et donc de les provisionner, ce qui conduit à des résultats négatifs qui absorbent les fonds propres», explique une source à la Banque des Etats de l’Afrique centrale (Beac).
Pour NFC-Bank et pour UBC, l’addition a été salée par la crise socio-politique dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, dans lesquelles ces deux banques justifient d’une forte implantation. Sur la dizaine d’agences que compte NFC-Bank au plan national, six se trouvent dans ces régions. Du coup, la banque a dû faire face à des difficultés financières consécutives à la fermeture de ces agences et au défaut de paiement de certains de ces créanciers, notamment des coopératives agricoles dont les activités ont aussi été compromises par les violences armées qui sévissent en zone anglophone.
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