Enjeux autour de la Sonamines: les explications du Ministre des mines
Dans cette interview exclusive, Gabriel Dodo Ndoke ministre des Mines, de l’industrie et du Développement technologique (Minmidt), explique l’intérêt, l’opportunité et les enjeux de cette nouvelle entité pour ce secteur d’activité et l’Etat.
Bientôt, le Cameroun aura la pleine maitrise de l’exploitation de ses ressources minières avec l’avènement d’un nouvel acteur dans ce secteur. La Société Nationale des Mines (Sonamines), société à capital public créée le 14 décembre 2020, a pour mission de développer et de promouvoir le secteur minier au Cameroun. La Sonamines remplace le Cadre d’appui à l’artisanat minier (Capam). Elle vient compléter l’action de la Société nationale des hydrocarbures (SNH), créée le 12 mars 1980, pour gérer les intérêts de l’Etat dans le secteur pétrolier et gazier ; et les communes à qui échoient l’exploitation des substances minérales non concessibles (carrières). Dans cette interview, le ministre de l’Industrie, des Mines et du Développement technologique explique l’intérêt, l’opportunité et les enjeux de cette nouvelle entité pour ce secteur d’activité et l’Etat.
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La Société nationale de mines (Sonamines) n’est plus une arlésienne. Elle existe désormais ; et c’est à la faveur du chef de l’Etat qui a signé son décret de création, d’organisation et de fonctionnement le 14 décembre dernier. Quelle a été vous, votre réaction en tant que tutelle technique de cette nouvelle entité ?
Merci de l’opportunité que vous me donnez de m’exprimer sur cet acte qui vient d’être pris par le Président de la République. En effet, la signature du décret N°2020/749 du 14 décembre 2020, portant création de la Société Nationale des Mines, est l’aboutissement d’un long processus enclenché il y a quelques années déjà. Bien évidemment, ma satisfaction est grande au regard de la portée hautement déterminante de ce décret du Président de la République qui vient révolutionner totalement le secteur minier camerounais. L’avènement de la Sonamines, permettra effectivement à notre pays de bénéficier plus que par le passé, des retombées de l’exploitation de son sous-sol.
Qu’est-ce qui va concrètement changer dans le paysage minier camerounais avec l’avènement de la Sonamines ?
De prime à bord, il faut préciser que la Sonamines hérite en partie des missions contenues dans le texte organique du Ministère des Mines, de l’Industrie et du Développement Technologique du 1er octobre 2012. En effet, la SONAMINES qui est une société à capital public, ayant comme unique actionnaire l’Etat est, aux termes de l’article 4 du décret créant ladite société, l’organisme public mandaté pour gérer désormais les intérêts de l’Etat dans le secteur minier à travers notamment : les études relatives à l’exploration et à l’exploitation des substances minérales ; les opérations d’achat et de commercialisation des substances minérales pour le compte de l’Etat, particulièrement l’or et le diamant ; les activités d’exploration et d’exploitation des substances minérales ; la prise des participations dans les sociétés exerçant dans le domaine minier ; la réalisation notamment de toutes les opérations commerciales et industrielles dans le secteur des mines.
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De manière synthétique, il faut dire que le Chef de l’Etat, à travers cet acte, a doté notre pays d’une structure importante devant disposer tous les moyens techniques et financiers pour conduire pour le compte de l’Etat, la réalisation des opérations minières commerciales et industrielles, opérations qui sont jusque-là réalisées par les entreprises privées partenaires de l’Etat dans les grands projets miniers. L’Etat va donc se déployer lui-même à travers son démembrement pour booster la réalisation et le suivi des grands projets miniers dans notre pays
Selon le décret présidentiel, le Minmidt va-t-il désormais promouvoir uniquement le secteur des hydrocarbures et les substances de carrières ?
Le Ministère des Mines, de l’Industrie et du Développement Technologique, demeure le régulateur du secteur minier et du secteur amont des hydrocarbures. En effet, en plus d’assurer la tutelle technique de la Sonamines, le Minmitd va poursuivre ses activités relatives à la gestion des carrières industrielles, la valorisation des ressources pétrolières et gazières, le suivi du secteur pétrolier amont et l’encadrement technique, juridique et administratif du secteur minier.
Les structures de formation spécialisées existent déjà au Cameroun. Voici une entreprise qui est portée vers …Sont-elles à même de répondre à la demande de la Sonamines?
Nous observons depuis quelques années, une floraison des structures de formation des ingénieurs de mines et de la géologie, notamment dans les Universités d’Etat et dans les instituts privés. Le décret présidentiel dispose en son article 21 que la Sonamines peut employer le personnel directement recruté, les fonctionnaires en détachement, les agents de l’Etat relevant du code de travail mis à sa disposition et même le personnel saisonnier occasionnel ou temporaire. Il est donc indispensable de s’entourer de la ressource humaine adéquate, car rien n’est à négliger pour favoriser l’essor de notre secteur minier. Par ailleurs, le code minier a prévu des dispositions demandant aux partenaires de l’Etat d’assurer la formation des camerounais et d’assurer le transfert de technologie. Le Minmitd travaille déjà avec les grandes écoles en vue de mettre en place un partenariat visant à assurer une bonne adéquation entre les besoins du marché de l’emploi dans le secteur minier avec les programmes de formation des étudiants.
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Quel est l’impact de la Sonamines sur les activités développées aujourd’hui par les artisans minier ?
Comme vous l’avez certainement lu, la Sonamines hérite de certaines missions autrefois exercées par le Cadre d’Appui à la Promotion de l’Artisanat Minier (Capam) notamment la canalisation de l’or produit par les artisans miniers. Les activités des artisans vont se poursuivre sur le terrain et la Sonamines va jouer un rôle important en ce qui concerne la canalisation de leur produit notamment l’or.
La Sonamines fonctionnera-t-elle comme la SNH, sur le principe de partage de production avec les multinationales opérant dans le secteur ?
L’activité minière de manière générale dans notre pays est régie par le Code Minier de 2016. Ce sont les dispositions de ce Code qui instituent les types de titres miniers et les dispositions relatives aux conventions minières. La Sonamines assurera dès lors ses missions dans le cadre des dispositions prévues par ces conventions.
Qu’adviendra-t-il des contrats déjà passé ? Doit-on s’attendre à une relecture desdits contrats ?
Les contrats miniers comme les contrats pétroliers bénéficient de manière générale des clauses de stabilité. Donc il n’y a pas lieu de procéder à une relecture quelconque d’un contrat minier. Il faut surtout dire qu’à date notre pays n’a pas encore signé des contrats d’exploitation, les entreprises pour la plupart sont encore dans la phase de recherche.
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Le secteur minier Camerounais est émaillé par des exploitations frauduleuses qui, pour certaines font l’objet de saisies douanières. Est-ce à dire avec l’avènement de la Sonamines que l’Etat pourra engranger beaucoup plus de ressources financières sur ce segment ?
De prime abord, je voudrai dire comme mentionné plus haut, que la mine est souterraine et tout ce qui est souterrain est difficilement maîtrisable. Oui, nous avons eu des cas de fuites illégales de produits miniers par nos frontières ; nous avons eu des cas assez récents de produits saisis. C’est donc pourquoi, la nouvelle société devra se constituer en gendarme de tout ce qui est produits miniers pour le compte de l’Etat. Des instruments seront mis en place pour permettre à la Sonamines d’être présente aux frontières et à l’intérieur. La Sonamines devra focaliser les flux d’or qui circulent dans le pays. L’idéal pour nous est de mettre en place une banque centrale camerounaise pour les dépôts d’or et permettre ainsi à la Sonamines de voir clair et de jouer son rôle dans la sécurisation de la richesse et surtout des biens car l’or est une cause d’insécurité.
Je voudrai rappeler par ailleurs à votre attention que toutes les saisies qui se font sur notre territoire au nom de l’or ne sont pas toujours de l’or. Rassurez-vous que le Minmitd est assez outillé pour faire la part des choses entre ce qui est or, même si c’est saisi entre les mains d’opérateurs véreux afin que l’opprobre ne soit pas injustement jeté sur la famille minière car tout ce qui se fait n’est pas qu’illégal. Nous veillerons donc à ce que les personnes justes soient protégées.
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