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Opinions

La Société camerounaise des mines aux oubliettes

Le décret portant création, organisation et fonctionnement de cette entreprise prévue dans le DSCE et réactivé dans le Code minier de 2016, transmis depuis 2017 pour finalisation à la présidence de la République, toujours en attente de signature.

Le Document de stratégie pour la croissance et l’emploi (DSCE), « boussole de l’action gouvernementale » pour la période 2010-2020, mais dont la mise en oeuvre a été un cuisant échec reconnu en fin décembre 2019 par le gouvernement, avait prévu la création de la Société camerounaise des mines (Socamines). Dans un article scientifique publié en 2018, Lamine Défoukouémou Himbé, chef de cellule de la réglementation au ministère des Mines, de l’Industrie et du Développement technologique (Minmidt), explique que cette entreprise de patrimoine pourrait être le pendant de la Société nationale des hydrocarbures (SNH) en matière de mine solide comme dans plusieurs pays africains.

A ce titre, elle devrait être chargée du suivi et du contrôle de la production, de la commercialisation, de la promotion et de la transformation des substances issues des activités minières artisanales et artisanales semi-mécanisées. « Cet organisme devra en outre s’assurer de la mise en oeuvre de la réhabilitation des sites d’exploitation artisanale et artisanale semi-mécanisée », poursuit celui qui est par ailleurs administrateur civil diplômé de l’Ecole nationale d’administration et de magistrature (Enam).

Trois ans d’attente

Le Code minier promulgué en 2016 par le président de la République, Paul Biya, insiste lui aussi sur la mise en place de cette société. D’ailleurs, depuis 2017, l’ex-ministre des Mines, de l’Industrie et du Développement technologique, Ernest Gwaboubou, avait fait préparer par les experts de son département ministériel, un projet de décret portant création, organisation et fonctionnement de la Socamines. Transmis à la présidence de la République pour finalisation, ce texte attend depuis trois ans d’être signé. L’on parle de vives batailles de positionnement qui n’en finissent plus pour le contrôle de cette entreprise, entre des fonctionnaires hauts placés au Palais de l’unité et des élites issues principalement de la région de l’Est.

D a n s l e m ê m e t e m p s , plusieurs instruments destinés à l’accompagnement de la mise en oeuvre de la nouvelle politique minière, prévus dans le même Code minier de 2016, n’ont toujours pas été créés. Il s’agit, entre autres, du Fonds de développement du secteur minier, du Fonds de restauration, de réhabilitation et de fermeture des sites miniers et des carrières), et le Compte spécial de développement des capacités locales.

Entre autres conséquences sur le terrain, « à cause de l’exploitation minière, les espaces réservées à nos cultures sont détruites. Du coup, les populations riveraines ne peuvent plus cultiver, faire de la chasse, l’élevage ou la pêche. En somme, notre tissu social est détruit, entrainant la paupérisation. Toutes ces exploitations sont faites au détriment des populations locales qui ne reçoivent ni redevance, ni infrastructures sociales (routes, ponts, écoles centres de santé, etc.) », se plaint en permanence Jean Doka Narké, président du Front des forces républicaines (FFR), parti politique dont l’idéologie est la défense des intérêts des populations de la région de l’Est.

La débâcle du CAPAM

Ainsi que nous le relevions dans ces mêmes colonnes le 19 juin 2019, au cours de l’année 2017, le Cadre d’appui à l’artisanat minier (Capam) a annoncé avoir rétrocédé 255 kilogrammes d’or au ministère des Finances. A priori, l’on est tenté de dire qu’il s’agit d’une action d’éclat de la part de cette structure financée sur fonds de l’Initiative des pays pauvres très endettés (Ppte). Mais, en comparant cette cargaison avec la production réelle (au moins 144 650 grammes d’or, selon des chiffres non officiels), l’on déchante très vite.

Créé le 25 juillet 2003 par le Premier ministre, le Capam est chargé, entre autres, d’encadrer l’exploitation artisanale des substances minérales telles que l’or, le saphir, le rutile, le quartzite, le disthène et le sable. Elle dispose de 35 brigades minières implémentées dans 35 arrondissements du Cameroun. Elle est présente actuellement dans les régions de l’Est, du Sud, du Centre, du Littoral, de l’Adamaoua, du Nord, du Nord- Ouest et du Sud-Ouest.

Anarchie

L’ e x m i n i s t r e d e s Mines, de l’Industrie et du Développement technologique, Ernest Gwaboubou, notait en 2016 qu’« il règne dans le secteur minier à l’Est, il faut le dire sans ambages, une sorte d’anarchie depuis plusieurs années ». Il avait déploré le fait que des opérateurs ayant obtenu de simples permis de recherche se soient frauduleusement lancés dans l’exploitation. Officiellement, seuls 5 permis d’exploitation sont en cours de validité au Cameroun. Mais, sur le terrain, plusieurs opérateurs exercent au nez et à la barbe du Capam chargé de mettre de l’ordre dans le secteur.

C’est cet organisme qui a la charge de canaliser la production issue de l’artisanat minier dans les circuits formels (or, saphir, sable, rutile…) ; du contrôle, du suivi de la production minière artisanale peu mécanisée ; du prélèvement des parts de l’Etat et de l’encadrement de l’activité par les ingénieurs des mines et géologues mis à la disposition des artisans. En l’état actuel des choses, on a plutôt l’impression qu’elle cherche ses missions qui sont déjà pourtant claires.

0,2% au budget de l’Etat

Les entreprises exploitantes s’arrangent à minorer leur production de manière substantielle, privant l’Etat de ressources fiscales importantes, grâce aux techniques bien huilées que sont : le lavage nocturne de l’or, l’exploitation clandestine, etc. Selon nos informations, la région de l’Est à elle seule regorge à ce jour plus de 51 secteurs miniers, 509 chantiers actifs et 48 630 artisans miniers pour une production mensuelle d’environ 144 650 grammes d’or. Sur cette production ma l h e u r e u s eme n t , s e u l e m e n t 8 4 9 9 0 grammes sont canalisés dans les circuits formels.

En marge du lancement de la phase II du Projet Mines, environnement, santé et société (ProMess), lequel ambitionne d’améliorer la gouvernance minière au Cameroun à travers le suivi participatif des activités minières et la promotion de la transparence, le 28 mai2019 à Yaoundé, l’Union européenne qui met en oeuvre ce projet a expliqué que l’exploitation artisanale de l’or contribue pour à peine 0,26% au budget de l’Etat. Soit environ 1,7 milliard de FCFA. En valeur relative, 90% de l’or produit continue d’échapper au circuit formel et seuls 10% de la production est traçable. Selon les chiffres officiels, la dissimulation des quantités d’or produites p a r l e s e x p l o i t a n t s artisanaux fait perdre plus de 1 milliard de FCFA par mois au Trésor public, soit donc 12 milliards de FCFA environ par an.

Pour mémoire, le Cameroun cumule au moins 80 ans dans l’exploitation artisanale de l’or. La contribution de cette mine solide dans le budget de l’Etat a été plus importante au départ, atteignant même les 20%.

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