La Chambre des comptes évalue à 18 milliards les cas avérés de détournements dans la gestion du Fonds Covid-19
C’est l’une des révélations du rapport d’audit du Fonds spécial de solidarité nationale pour la lutte contre le coronavirus et ses répercussions économiques et sociales, rendu public mardi par la Chambre des comptes de la Cour Suprême.
La Chambre des comptes de la Cour suprême a rendu public le 16 novembre 2021, le rapport d’audit du Fonds spécial de solidarité nationale pour la lutte contre le coronavirus et ses répercussions économiques et sociales. Le document qui devait faire l’objet d’une séance plénière lors de la session parlementaire du mois de juin, relève ainsi plusieurs cas avérés de mauvaises pratiques et détournements. Le premier élément de détournement ressorti se chiffre à 536,400 millions de Fcfa, pour l’acquisition de stocks de médicaments. En effet, la Chambre des comptes indique qu’à la date du 31 décembre 2020, le Ministère de la Santé publique (Minsanté), avait engagé les dépenses suivantes : 536,440 millions pour l’acquisition des médicaments, sous forme de 04 marchés, et 300 millions mis à la disposition des fonds régionaux pour la promotion de la santé, pour qu’ils procèdent eux-mêmes à l’achat de médicaments.
S’agissant de l’acquisition du stock de médicament : le marché n°142, d’une valeur de 228,579 millions, attribué à Perfom Holding, les marchés 151 et 156 se sont vus confiés à l’entreprise Funding transfert and services group S.A pour des enveloppes respectives de 185,087 millions et 102,679 millions, et enfin le bon de commande n° 123 de 20,097 millions à Ubipharm Cameroun, ont été passés. Selon le rapport, les trois marchés ont été livrés et réceptionnés, au vu des pièces justificatives, fournies mais ces derniers restent introuvables. Ce qui amène la Chambre de comptes à conclure qu’ « aucune information relative aux paiements de ces trois marchés, pour 536 443 636 FCFA, n’est retracée dans la comptabilité du Payeur Spécialisé auprès du MINSANTE, ni dans le compte d’emploi des paiements en numéraire du MINSANTE pour 2020. Compte tenu de ces éléments, et en particulier de l’incapacité des responsables du MINSANTE à identifier leur lieu de stockage, la Chambre estime que ces médicaments soit sont détournés au profit de personnes privées, soit qu’ils ont fait l’objet d’une livraison fictive », peut-on lire.
Le cas Mediline Medical Cameroon
L’autre fait de détournement concerne la société Mediline Medical Cameroon S.A. avec une surfacturation de 15,374 milliards pour l’achat des tests covid. Il est reproché à cette structure attributaire des marchés des tests Covid d’avoir acquis 1 700 000 tests « STANDARD Q COVID-19 AG TEST » à 17 500 Fcfa l’unité. Pourtant, « le prix pratiqué par le laboratoire SD BIOSENSOR à partir de la mi-mai 2020 et disponible sur son site internet était nettement inférieur. Il s’établissait à 10,80 € le test antigène « STANDARD Q COVID-19 AG TEST », soit 7 084 FCFA pour toute commande supérieure ou égale à 3 cartons de 25 kits de tests antigènes », renseigne le document. Par ailleurs Mediline Medical Cameroon a facturé au Minsanté l’achat des tests à hauteur de 24,5 milliards de Fcfa. « L’achat des tests à MEDILINE MEDICAL CAMEROON SA a été facturé à 24 500 000 000 FCFA au MINSANTE. Si le prix de 162 960 FCFA pour le kit de 25 tests calculé par le MINCOMMERCE, soit 6 518 FCFA le test, avait été logiquement retenu, le prix payé aurait dû être de 9 125 000 000 FCFA. La surfacturation supportée par les finances de l’Etat s’est donc élevée à 15 374 000 000 FCFA pour le seul exercice 2020, sans prendre en compte les prestations facturées par cette même entreprise en 2021 », ajoute le rapport.
A cela s’ajoute des doubles paiements de marchés ayant occasionné un préjudice de 708,400 millions de Fcfa à l’Etat. Des travaux d’aménagement des unités de prise en charge des patients atteints de la Covid-19, d’une enveloppe de 1,250 milliard de Fcfa, qui n’ont pas étés livré mais donc les factures avaient déjà été réglés. « Les marchés spéciaux n°029, 035 et 022 ont été réceptionnés et payés entre avril et octobre 2020 pour un montant total TTC, de 1 255 274 772 FCFA, alors que les prestations étaient inachevées à la date du 21 décembre 2020 », lit-on. Les marchés dont il est question ici sont les travaux de réhabilitation du pavillon de neurologie et le pavillon Lagarde de l’hôpital central de Yaoundé, et la construction d’un poste de santé aux frontières de l’aéroport international de Yaoundé-Nsimalen.
Mauvaises pratiques
Comme cas avérés de mauvaise pratiques, le rapport de l’institution judiciaire ressort : une vente controversée de 15000 tests de dépistage rapide Covid-19 par le ministre de l’administration territoriale au Minsanté, l’opacité du profil des promoteurs de certaines entreprises attributaires de marchés et la question de leur propriété réelle, des paiements sans pièces justificatives.