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Infrastructures routières, intégration des huissiers… : trois ministres se justifient devant les députés

Laurent Esso, Jacques Fame Ndongo et Emmanuel Nganou Djoumessi étaient devant la représentation nationale dans le cadre des questions orales aux membres du gouvernement.

Initialement au nombre de quatre, ce sont finalement trois membres du gouvernement qui ont répondu aux questions orales des députés ce jeudi 18 novembre 2021. Le ministre d’État, ministre de la Justice Garde des Sceaux, Laurent Esso, a ouvert le bal au pupitre pour répondre aux préoccupations de Marie Louise Nguenkam, députée de l’Union des Mouvements Socialistes (UMS) dans la circonscription du Haut-Nkam (région du Littoral). « Il m’a été donné de constater que les huissiers de justice en attente de charges sont à ce jour non seulement les plus malheureux du corps judiciaire, pire, le corps des huissiers de justice en lui-même est en voie de disparition », s’est alarmée. Pour étayer son argumentaire, la parlementaire, elle-même huissier de justice de profession, issue « de la dernière cuvée sortie en l’an 2000 », constate par ailleurs « qu’à ce jour, certains Camerounais qui se sont orientés vers cette profession ont malheureusement atteint l’âge de la retraite (60 ans, ndlr) sans jamais exercer. Beaucoup atteindront cette limite d’âge dans la même situation, pendant que certains titulaires de charges liquident encore des charges dont les titulaires sont allés en retraite ». Marie Louise Nguenkam porte ainsi les revendications de ses camarades rassemblés au sein du collectif des Huissiers de justice en attente de charges (Hujadec), dont elle ignore « combien sont entrés en stage » depuis cette date. « Pire, quel est le sort de ceux qui, en l’an 2000, n’ont pas réussi à l’examen de fin de stage et qui attendent depuis 25 ans comme stagiaires ? », interroge-t-elle, soulignant au passage que « l’huissier de justice est un maillon incontournable de la justice » dont la mission essentielle est d’exécuter les décisions de justice.

Invité par le président de la chambre basse du Parlement, Cavaye Yeguié Djibril, à répondre aux interpellations à lui adressées, le ministre de la Justice a tenu d’emblée à préciser que ce corps de métier « est régulé dans son fonctionnement par la Chambre nationale des huissiers de justice et agents d’exécution », non sans citer les textes réglementaires qui organisent ladite profession, notamment le décret du 05 novembre 1979, modifié par le décret du 22 février 1985.

Hujadec n’est pas connu

Pendant sa prise de parole, Laurent Esso n’a pas caché sa gêne en abordant ce sujet. Mais obligé de se plier malgré lui à ce jeu de questions/réponses ; ce d’autant plus que la Constitution rend le gouvernement responsable devant le Parlement. Néanmoins, c’est sans ménagement qu’il a simplement renié ce collectif. « Pour le ministère de la Justice, le collectif dénommé Hujadec n’est pas connu. De plus, il n’est pas réglementaire parce qu’il n’est pas prévu par le décret que je viens d’évoquer. Il ne m’appartient donc pas, honorables députés, par le biais de la réponse à une question orale, de légitimer devant vous, une organisation professionnelle de fait qui, à ma connaissance, n’a pas d’existence reconnue par les décrets organiques », a-t-il clarifié.

Évoquant un recours contentieux que les concernés ont introduit le 26 août 2021, Laurent Esso s’est même montré très irrité par la démarche employée. « Ce collectif, dans le dossier qui a été transmis au ministre de la Justice, a eu l’outrecuidance de joindre copies des correspondances que le ministre d’État, Secrétaire général à la Présidence de la République a adressées au Garde des Sceaux, sans que l’on sache comment ces correspondances lui sont parvenues et ce, en violation des lois de la République que vous avez votées vous-mêmes ici dans cette auguste Assemblée, concernant la détention sans autorisation des copies, des documents administratifs ».

Comme pour trouver une échappatoire, le membre du gouvernement s’est faufilé dans quelques règles basiques de droit. « Je voudrais seulement dire que le Cameroun est attrait devant une juridiction de droit commun et le dossier a été transmis au ministre de la Justice pour défendre les intérêts de l’État devant ladite juridiction. Honorables membres de l’Assemblée nationale, vous comprendrez donc qu’étant en procès, il m’est très inconfortable de développer devant le pouvoir législatif des arguments qui sont réservés au pouvoir judiciaire devant lequel le Cameroun est assigné, simplement parce que, nous le savons tous, il n’est pas d’usage que les procédures judiciaires soient commentées devant l’Assemblée nationale qui, elle, relève du pouvoir législatif par le ministre de la Justice qui lui, appartient au pouvoir exécutif », a-t-il achevé.

Fame Ndongo

Visé par le député Kum John Nji, élu du Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais (RDPC) dans la circonscription de la Menchum (région du Nord-Ouest), le ministre d’Etat ministre de l’Enseignement supérieur (Minesup), Jacques Fame Ndongo, a été interpellé sur les lenteurs dans la procédure d’authentification des diplômes de base des 1000 enseignants bilingues dont le recrutement a été instruit par le chef de l’État en 2017. C’est en pédagogue (qu’il est d’ailleurs) que l’intéressé a articulé sa réaction autour de trois modules à savoir « le problème posé, la réponse actuelle à ce problème et la stratégie adoptée par le Minesup pour résoudre définitivement, très rapidement ce problème extrêmement lancinant », a-t-il postulé. Globalement, Jacques Fame Ndongo distingue l’authentification des diplômes nationaux de l’authentification des diplômes étrangers. Pour la première catégorie, l’authentification relève conjointement du ministère de la Fonction publique et de la Réforme administrative (Minfopra) et du Minesup. Tandis qu’elle est de la compétence du Minesup qui, au préalable, contacte les « institutions émettrices pour qu’elles confirment l’authenticité des diplômes présentés par les usagers ».

35% du réseau routier national et régional est en bon état

Lui aussi invité par le même parlementaire, Kum John Nji, le ministre des Travaux publics (Mintp), Emmanuel Nganou Djoumessi, dernier à monter au pupitre, a spécialement été appelé à clarifier la situation des infrastructures routières dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, « minées par l’insécurité ».

« Long 10504, 85 Km environ, dont 495,09 Km de chainons de route nationale, 793,87 Km de routes régionales et 90215,89 Km de routes communales », le réseau routier du Nord-Ouest compte à ce jour, selon le Mintp, 48,26% de section de route nationale bitumée, tout comme 9,3% de routes régionales et 13,20% de routes communales. Cependant, le mauvais état des routes n’est pas exclusif au Nord-Ouest. Sauf que dans cette région, le problème est aggravé par la crise sécuritaire. « Depuis 2016, diverses activités visant l’amélioration de l’état du réseau routier n’ont pas été exécutées. Ce qui a aggravé la détérioration des axes routiers », justifie Emmanuel Nganou Djoumessi.

Il ne fait plus de doute que le Cameroun a mal à ses routes. Car, « seulement 35% du réseau routier national et régional est en bon état, malgré les ressources mobilisées pour les travaux », révèle le ministre. De révélations en révélations, le membre du gouvernement ajoute qu’« en 2016, 10 contrats n’ont pas pu être exécutés sur 700 Km de routes programmées pour entretien et maintenance pour environ 38 milliards Fcfa, y compris les premiers décaissements qu’on devrait opérés résultant des travaux de l’important axe routier Babadjou-Bamenda ».

Ces manquements ne sont pas sans pertes en termes de ressources tirées du Budget d’investissement public (Bip), du Fonds routier et des partenaires techniques et financiers. La preuve, « en 2018 et 2019, 18 contrats ont été passés sur 158,21 Km pour environ 6 milliards Fcfa », a poursuivi le ministre. Ces dérèglements perdurent jusqu’à présent. « En 2020 et 2021, 14 contrats ont été passés pour 155,5 Km de routes ».

179 milliards mobilisés en cinq ans dans le Nord-Ouest

Revenant sur le cas du Nord-Ouest, le ministre apprend que l’État a mobilisé sur les cinq dernières années « 179,136 milliards Fcfa pour les projets ». À date, « 44% du linéaire du réseau est couvert par des contrats actifs pour des travaux qui ne s’exécutent pas », déclare M. Nganou Djoumessi. Pour cause, l’insécurité ambiante et généralisée. La situation est quasi intenable au point où « plusieurs entreprises ont abandonné les chantiers, les travaux ou les études ».

Toutefois, une lueur d’espoir renaît, compte tenu de l’accalmie progressive observée, grâce au travail des Forces de défense et de sécurité. Ce qui a permis de renouer le dialogue avec les entreprises adjudicataires des parts de marché dans cette région.

René Ombala

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