Inertie des projets routiers : résultat d’une faiblesse des pouvoirs publics dans la contractualisation des entreprises ?
De plus en plus, les infrastructures routières attribuées à des entreprises étrangères ou locales brillent par la lenteur. Pour Emmanuel Nganou Djoumessi, le ministre des Travaux publics(Mintp), certaines d’entre elles procèdent par « tricherie ». Sauf que le phénomène affecte du réseau routier national bitumé évalué seulement à 8,11%.
Le réseau routier actuel du Cameroun est de 121 872, 98 km pour seulement 9 885,18 km (8,11%) bitumés contre 111 987,8 km du linéaire encore en terre (91,89%). Si cette piètre performance peut parfois être attribuée aux problèmes de financements (difficultés à mobiliser les fonds, paiement des décomptes, etc.), il reste tout de même que plusieurs projets confiés à des prestataires brillent par des retards, la lenteur voire l’abandon. Dès lors, des questions fusent de toutes parts parmi lesquelles : cette inertie serait-elle le résultat d’une faiblesse des pouvoirs publics au moment d’attribuer les marchés aux entreprises ?
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Interrogé par nos confrères de la télévision nationale le 24 octobre 2023, Emmanuel Nganou Djoumessi, le ministre des Travaux publics(Mintp) a plutôt jeté l’opprobre sur ces entreprises adjudicataires. « Quand on parle du processus du processus de contractalisation….je dois reconnaître que certaines de ces entreprises qui sont choisies tranchent net leur capacité de mobilisation. Leur efficacité ne rencontre pas toujours les déclarations qui ont été faites dans les dossiers de soumission…je dois reconnaître que certains soumissionnaires ont le sens de la tricherie. Ils sont des techniques de passage avec la tricherie mais ça se découvre toujours. Et la plus grande difficulté c’est quand il y a coupure entre la déclaration faite lors de la soumissions et la réalité du terrain », a-t-il avoué.
Si pour l’ingénieur d’Etat la priorité « c’est d’amener l’entreprise à mieux s’organiser, à avoir des équipements et tirer avantage des équipements du maître d’ouvrage », on ne saurait faire abstraction de ce que, la tricherie évoquée ici interpelle la responsabilité des équipes chargées de suivre le processus d’appel d’offres ; lesquelles devraient pourtant vérifier toute information. L’on se souvient néanmoins qu’il y plus de 05 ans, le pays lançait le projet de dématérialisation des procédures de passation de la commande publique, dénommée « Cameroon On-Line E-procurement System » (Coleps). Ledit outil visait alors à réduire le contact humain qui favorise très souvent la corruption.
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C’est dire que malgré les sanctions souvent infligées à ces entreprises (amendes, résiliation du contrat, etc.), on n’a pas fini de déplorer l’inertie sur des projets routiers. A quel niveau est-ce que la supercherie dont fait allusion le Mintp intervient finalement? Nos tentatives d’avoir une réponse fiable auprès des parties impliquées sont restées vaines. Toutefois, la liste des entreprises recrutées puis remerciées pour une raison ou pour une autre, reste vaste.
Quelques chantiers problématiques
Dans la foulée, en novembre 2021, le Mintp a confié après appel d’offres, le marché de construction de la route Bogo-Pouss (63,16 km) à l’Extrême-Nord à l’entreprise nigériane Gitto Costruzioni Generali Nigeria qui présentait une offre de 37,67 milliards de Fcfa par le nigérian Gitto contre 50 milliards de Fcfa pour le tunisien Soroubat. Par la suite, l’entreprise nigériane est soupçonnée d’avoir soudoyé pour se faire attribuer le marché en question. Les enquêtes initiées par les équipes de la BAD vont confirmer ces soupçons et le processus d’appel d’offres déclaré infructueux et annulé en juillet 2022.
Bien plus, la construction de la route Bonepoupa-Douala (33 km) a été retirée à l’entreprise tchadienne Encobat pour un taux d’exécution de 41% après une consommation des délais de 102% malgré les prolongations. Il y a quelques jours, le Mintp qui avait confié la construction de la route Ndjolé-Mankim (36,7 km) à China Railway au détriment de Sinohydro en 2021, a fait volteface après résiliation du contrat avec la première qui a réalisé le projet à hauteur de 23,8% en deux ans.
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Sur la route Foumban-Koupa-Matapit (54 km) à l’Ouest, le tunisien Soroubat enregistrait à fin mai dernier, un taux d’exécution de 31% après quasiment 4 ans. Sur le chantier Awae-Esse-Soa (82 km) le lot Awae-Esse (33km) attribué à Super Confort Sarl a à peine, franchi les 50% cinq ans après le lancement. A chaque fois, le maître d’ouvrage évoque les mêmes goulots d’étranglement : mauvaise organisation de l’entreprise, l’absence du personnel clé, de perspectives et de visibilité dans l’achèvement des travaux, la qualité du matériel…Cela viendrait-il à conclure que la vérification et la validation des dossiers d’appels d’offres se limitent sur le papier ou sur la machine sans contrôle physique préalable de l’équipement? Là reste la principale préoccupation.
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