Inclusion financière : pourquoi les Camerounais évitent les banques et les assurances
Selon une étude commandée par le ministère des Finances à l’UN Capital development fund (UNCDF) et l’Institut national de la statistique (INS), seulement 10% des 15 ans et plus sont bancarisés (servis par les banques). Le crédit formel (3%) n'est pas largement utilisé dans le pays.
Le ministère des Finances (Minfi) vient de publier l’enquête « FinScope » qui vise, dans le cas d’espèce, à mesurer les niveaux d’accès et d’utilisation des services financiers au Cameroun, au cours de la période 2017. Globalement, le niveau d’inclusion financière est relativement bas au Cameroun, selon cette enquête. En effet, seulement 10% des 15 ans et plus sont bancarisés (servis par les banques). Le crédit formel (3%) n’est pas largement utilisé dans le pays. Il se dégage une préférence pour le crédit informel (11%). De plus, environ 10% ont accès au crédit auprès de leur famille et de leurs amis.
« L’éducation des consommateurs et l’éducation financière sont de réels problèmes au Cameroun, principalement dans le domaine de l’assurance, où la plupart des adultes n’ont pas de connaissances financières », indique l’étude. Car, environ 51% ont indiqué avoir besoin de formation en éducation financière, principalement pour obtenir de l’information sur la manière d’épargner et sur les avantages des produits financiers. Et puis, 45% des adultes ne cherchent aucun conseil financier et sont pris au piège du manque d’informations financières.
« Seulement 29% des 15 ans et plus sont enregistrés comme utilisateurs de Mobile Money contre 76% de pénétration mobile ; ce qui montre qu’il y a de l’opportunité pour accroître l’inclusion financière digitale. Ceci est important, car le Mobile Money est un produit financier relativement nouveau avec d’énormes potentialités », relève FinScope.
Cette statistique, de l’avis de certains experts, peut s’expliquer aussi bien par la multiplication dans le pays, des établissements de microfinance qui desservent jusqu’aux populations des zones rurales, que par la montée en puissance, depuis quelques années, des services de banque mobile (mobile money) offerts par les opérateurs de la téléphonie mobile et du transfert d’argent.
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Assurance
La souscription à l’assurance est faible à 10%, selon Finscope. Les principaux obstacles à la souscription à l’assurance sont liés au manque d’informations (pour les personnes sans assurance): 93% n’ont pas entendu parler de l’assurance contre les risques agricoles; 92% ne connaissent pas l’assurance de dommages matériels; et 65% ne connaissent pas l’assurance-vie.
Au total, 7% des 15 ans et plus utilisent des produits de microfinance (IMF). Finscope fait noter que sur les 7%, environ 58% sont des hommes et 28% vivent dans des zones rurales. De tous les produits financiers, les moteurs de l’inclusion financière sont l’épargne et le transfert/ envois de fonds, souvent portés par des mécanismes informels.
Réalisée avec le concours de l’UN Capital development fund (UNCDF) et l’Institut national de la statistique (INS), cette étude précise cependant que seulement 49% des adultes sont formellement servis par les banques et les institutions financières, et que 36% utilisent des mécanismes informels pour gérer leurs avoirs financiers.
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Solutions pour débloquer l’inclusion financière statique à 10%
Finscope prescrit quelques priorités au gouvernement pour débloquer l’inclusion financière actuellement à 10%. Dans le développement et financement des chaînes de valeurs agricoles, il est recommandé l’identification des chaînes de valeurs porteuses (y compris l’élevage) par région, l’appui au développement de services financiers inclusifs, innovants et adaptés , l’amélioration de l’accès pour les acteurs de la chaîne de valeur, les identifications des risques agricoles, le renforcement du potentiel des chaînes de valeur agricoles pour stimuler l’emploi, les opportunités de revenus (agriculture commerciale) et la sécurité alimentaire des populations rurales pour chaque région.
En matière de protection sociale et réduction des inégalités, le gouvernement camerounais doit procéder à l’identification du profil des personnes vulnérables par région (revenu moyen, source de revenu, fréquence du revenu), l’identification des principaux risques auxquels ils font face et l’identification de leurs besoins (services financiers, éducation, santé, etc.).
Concernant la création d’emplois et la professionnalisation du secteur informel, il est question de procéder à la caractérisation du secteur par corps de métiers (mécaniciens, menuisiers, couturiers, coiffeurs, etc.), les métiers à fort potentiel pour le développement de l’entrepreneuriat et la création d’emploi. Sans oublier, d’identifier les besoins de différents corps de métiers (financement, information, formation en éducation financière, formation professionnelle, assistance technique) et les défis rencontrés en fonction du domaine d’activités.
Pour permettre l’amélioration accès/ utilisation des produits financiers innovants, Finscope préconise de caractériser les produits et services financiers répondant aux besoins. Il est aussi question de procéder à l’identification des leviers et barrières à l’accès aux services financiers digitaux, les besoins de formation/ éducation financière/ compréhension des produits et les frontières de l’accès.
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Inclusions financières
Globalement, indique Finscope, le niveau d’inclusion financière est relativement bas au Cameroun. Dans la mesure du possible, l’inclusion financière devrait être un enjeu important de l’agenda de développement national. Les priorités de l’inclusion financière au Cameroun devraient assurer l’amélioration des conditions de vie des populations. À cette fin, il faudrait mettre en place le financement et le soutien à l’agriculture commerciale pour améliorer la productivité ainsi que les revenus des acteurs grâce à une approche développement filière au niveau régional (accès terre, intrant, équipement, maitrise de l’eau, débouchés).
Le mobile money comme outil pourrait aussi accroître la portée des services formels avec plus d’un quart des adultes utilisant le mobile money, l’extension du service afin d’intégrer d’autres produits financiers peut améliorer l’accès aux services (transfert sociaux, payement, assurance, etc.). Selon Finscope, les leçons apprises du mobile money des pays de l’Afrique de l’Est, où M-Pesa était un produit à succès dans le renforcement de l’inclusion financière pourront être explorées afin de capter et transformer à des fins d’investissements les flux de transfert.
Finscope pense que la mobilisation de l’épargne informelle et l’assurance peuvent se connecter au secteur financier formel. De plus, il faudrait le développement de produits d’assurance adaptés pour mieux gérer l’impact des risques. Car pour l’heure, l’assurance est dominée par l’assurance automobile avec les assurances vie.
L’épargne et le crédit peuvent être utilisés comme des solutions financières pour aider les adultes à atteindre leurs objectifs de développement tels que le démarrage d’une entreprise, le financement des dépenses de l’éducation, de santé, etc. susceptibles de sortir les gens de la pauvreté. Pour chaque produit financier, il faudrait bâtir sur les leviers identifiés et travailler à lever les barrières (coûts, compréhension, processus, etc.) pour une inclusion plus complète au service des populations à la base (les plus vulnérables).
Enfin, Finscope pense que l’éducation des consommateurs et l’alphabétisation financière sont de vrais défis. Nécessité d’une stratégie d’éducation financière pour aborder les questions liées à l’autonomisation des consommateurs, à leur protection, aux connaissances financières et encourager de bonnes pratiques budgétaires. Une attention particulière devrait être portée sur les jeunes (-35 ans) qui représentent 60% de la population, les femmes et le milieu rural qui sont les plus exclus financièrement.