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Gisements miniers de Ngaoundal et Makan: batailles entre chinois et australiens pour le contrôle de la bauxite

L’annulation du Mémorandum d’entente signé entre la Sonamines et China Railway N°5 Engineering Group Co, fait éclater au grand jour une guerre larvée pour le contrôle d'un des plus importants gisements miniers du Cameroun.

Gabriel Dodo Ndoke n’a pas voulu que sa décision passe en silence. Bien au contraire ! C’est au poste nationale qu’elle a été lue, avant d’être abondamment partagée sur toutes les plateformes web. Ce 21 février, le Minmidt prenait sur lui d’annuler le mémorandum d’entente(MoU) signé entre Serges Hervé Boyogueno, DG de la Société nationale de Mines(Sonamines) et Zhao Shihai, le patron de la China Railway 5 Engineering group Co(Crec5), filiale du géant chinois China Railway Group LTD. Le membre du gouvernement motive sa décision par de multiples manquements que contiendrait cet accord, sans réellement être précis.  « L’acte ainsi incriminé est annulé pour violation de la législation minière camerounaise en matière d’attribution des titres miniers, de conclusion et signature des contrats, pré contrats, conventions et autres accords portant administration et gestion des ressources minérales du sous-sol camerounais ».

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Créée en décembre 2020 par le président Paul Biya, la Sonamines a pour mission de développer et promouvoir le secteur minier au Cameroun, ainsi que de gérer les intérêts de l’Etat dans ce domaine. A travers ce MoU, l’entreprise à capitaux publics entendait nouer son tout premier partenariat stratégique pour exploiter les gisements de bauxite de Ngaoundal et Makan dans la région de l’Adamaoua. En attendant la signature d’un accord plus contraignant, la Sonamines s’engageait à travers ce MoU à mettre à la disposition de son partenaire « toutes les informations, données, documents et renseignements nécessaires pour l’exécution de sa mission, assurer une franche collaboration à Crec 5, sur tous les aspects relatifs aux projets miniers et industriels à réaliser… ».  Pour remplir sa part du contrat, l’entreprise avait déjà déposé auprès de son ministère de tutelle une demande d’obtention d’un permis de recherche sur les deux sites miniers sus cités. « Après ce MOU devaient suivre les accords contraignants, dernière étape avant le démarrage effectif des travaux aux sur le terrain. Tout ceci est bien évidemment conditionné par l’obtention de tous les titres y afférents » indique une source proche du dossier.

Makan et Ngaoundal, terres de convoitise

Pris de court par l’acte ministériel, la Sonamines accuse le coup et se refuse catégoriquement à tout commentaire. Mais selon nos informations, pour bien comprendre ce qui se passe, il faut remonter à la période où l’actuel directeur général de la Sonamines, Serge Hervé Boyogueno, occupait les fonctions de sous-directeur des activités minières. « C’est lui qui connaît la cartographie minière du pays depuis l’or aux carrières en passant par toutes les ressources minérales que vous pouvez imaginer. C’est également qui connaît la géographie des opérateurs de ce secteur au Cameroun, leurs capacités techniques réelles et leur surface financière, c’est lui également qui préparait les contrats, précontrats, conventions, permis de recherche ou d’exploitation. Donc il maîtrise le domaine comme personne d’autre », explique une source proche du dossier.

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Devenu directeur des Mines, de nombreux opérateurs vont bénéficier de l’octroi des permis de recherche concernant plusieurs minerais. En effet, en 2018 après le retrait de la Cameroun Aluminium (CAL), la junior minière australienne avait hérité des permis d’exploration des gisements de Minim-Martap, Ngaoundal et Makan dans la région de l’Adamaoua pour une période de 3 ans. Avec un potentiel évalué à plus de 2 milliards de tonnes de bauxite, ces gisements camerounais sont classés parmi les plus importants au monde, à des niveaux comparables à ceux des plateaux de bauxites de la Guinée qui détient plus de 2/3 des réserves mondiales du minerai. Seulement, 3 ans après, l’opérateur va introduire auprès du Minmidt une demande de permis d’exploitation sur le site de Minim Martap. Pour les deux autres, Camalco sollicite plutôt une prorogation de l’exploration pour une période de deux ans. Requête naturellement rejetée par le membre du gouvernement du fait du caractère non renouvelable de ce permis, mais qui se prêt à faire une exception pour la compagnie à une condition : « la prolongation peut être accordée, à titre exceptionnel, lorsque votre entreprise apporte la preuve de ses capacités techniques et financières à développer le projet d’exploitation sur le permis de Minim-Martap pour lequel vous avez sollicité un permis d’exploitation » écrit Gabriel Dodo Ndoke dans une correspondance adressée le 24 août 2021 au Directeur Général de Camalco.

Ballotage défavorable

Contrairement à ce qui pourrait paraître, Camalco n’est pas encore arrivé à convaincre l’Etat du Cameroun sur sa capacité réelle à exploiter la mine de Minim-Martap. Réunis au mois de Novembre 2021 à l’hôtel Bengo à Ebolowa, pour étudier le projet d’exploitation technique de l’entreprise sur ce gisement, les avis sont tranchés. Autour de la table, les responsables de la Sonamines et ceux du ministère des Mines. La Sonamines va argumenter sur les incapacités de l’opérateur et va passer à la démonstration des insuffisances et des tares de Camalco. De son côté, le ministère ne se laissera pas compter. Les débats sont vifs et achoppent sur le refus de la Sonamines à renouveler la convention minière. La levée de boucliers des responsables du ministère des Mines va amener le secrétaire d’Etat auprès de ce département ministériel à recadrer les uns et les autres. «Il faut désormais s’habituer aux contributions indépendantes de la Sonamines. C’est une société à capitaux publics qui gère les intérêts de l’Etat, il ne s’agit pas d’une direction du ministère des Mines», tranche Fuh Calistus Gentry qui appelle par la même occasion les uns et les autres à éviter au pays les erreurs du passé.

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A l’entame de la réunion, la Sonamines, l’inspecteur général ainsi que le directeur des Mines vont émettre de sérieuses réserves sur la présentation technique faite par Camalco sur son passage à Minim Martap. En fait, tous en chœur, questionnent l’existence de l’audit que brandit la société, la qualité et l’expertise du cabinet qui l’a réalisé. Pour nombre de responsables, cet audit n’est pas fiable et contient beaucoup de carences. « Les choses se sont passées comme si Camalco était allé dans une chambre et avait pondu son document », explique une source proche du dossier. Ce qui va amener le secrétaire d’Etat à rappeler que «l’audit doit être réalisé par un cabinet agréé et reconnu».

En plus des doutes sur la sincérité et la régularité de l’audit, le constat de l’absence d’un certificat de conformité environnementale présenté par l’entreprise va également être relevé. Sur ces entrefaites, le ministre demandera à Camalco de mettre à sa disposition les documents nécessaires à la finalisation du dossier de convention minière. Il s’agit de l’audit des travaux réalisé par un cabinet agrée par l’Etat, la signature d’un accord contraignant avec le chinois MCC-CIE qui inclurait notamment la prise des parts par MCC-CIE au sein du capital de Camalco en vue de la justification des capacités techniques et financières, l’étude de faisabilité globale du projet prenant en compte tous les volets miniers et infrastructurels ; le plan assorti des coûts de réalisation, de restauration et de fermeture du site minier et le chronogramme de la réalisation des études de faisabilité de la construction effective de l’unité de traitement de la bauxite. Au moment où nous mettons sous presse, l’entreprise australienne n’a pas encore transmis lesdits documents au gouvernement. Pis encore, sa demande d’obtention d’un certificat de conformité environnemental a été rejeté par le Ministre de l’Environnement, de la protection de la nature et du développement durable(Minepded). « Au regard de l’importance des observations ci-dessus, votre rapport ne saurait être approuvé en l’état. Aussi, je vous demande de le revoir à la lumière desdites observations et de me retourner pour examen » écrit Nana Aboubakar Djalloh, ministre délégué auprès du Minepded, dans une correspondance adressée le 13 décembre 2021 au DG de Canyon Ressources.

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Et pour en ajouter aux malheurs de la junior minière australienne, une organisation regroupant en son sein des forces vives et des entités de la société civile de l’arrondissement de Martap dans le département de la Vina, va, fin décembre, écrire au chef de l’Etat pour s’opposer contre la poursuite du projet.   Une succession d’événements malheureux qui, s’ils parviennent à écarter Canyon Ressources de l’exploitation de Minim Martap l’écarterait de fait de Makan et Ngaoundal.

La Chine aux aguets

Partenaire de route de la Sonamines, Crec 5 se présente comme une alternative sérieuse à la réalisation des projets miniers au Cameroun. Pour Ngaoundal et Makan, l’entreprise a pris l’engagement à travers le MoU, de mobiliser tous les financements relatifs à la mise en œuvre de ces deux projets, y compris d’apporter le fonds de contrepartie de la Sonamines. Elle s’est également engagée à faciliter la participation des grandes entreprises et agences chinoises à l’investissement, au financement et au démarrage et à l’exploitation des projets le cas échéant. « Il n’est pas exclu, compte tenu de la capacité financière, que l’entreprise fasse lorgne également vers Minim Martap, en cas d’essoufflement des australiens. Nous sommes très clairement dans une guerre pour le contrôle des ressources minières et la Chine est en quête de ce minerai pour alimenter en matières premières sa gourmande industrie » commente un expert des questions minières.

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Au-delà de cette bataille d’intérêt, c’est un premier rendez-vous manqué pour le Cameroun à travers la Sonamines qui se dessine. Car l’acte d’annulation pourrait bien être perçu comme un mauvais signal auprès de ces investisseurs. A la Sonamines, on dénonce une quasi complaisance du ministre pour l’entreprise australienne qui à priori éprouve des difficultés à faire marcher le projet.  « Certains responsables du ministère freinent donc la Sonamines pour empêcher ses dossiers de demande de permis d’avancer sur ces sites miniers, de sorte à les redonner à Camalco quand son dossier aura enfin abouti. Cela est-il seulement juste ou même compréhensible s’agissant de l’entreprise de l’Etat? » s’interroge notre interlocuteur.

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