Gestion publique: la moitié du budget de l’Etat dans le carburant, missions, séminaires…
La Banque mondiale révèle dans son rapport 2018 qu’entre 2013 et 2015, les frais de représentation, de missions et de réceptions ainsi que les services extérieurs ont absorbé en moyenne 52 % des dépenses totales en biens et services, soit 8,7 % du total des dépenses publiques, et 1,8 % du PIB.
Près de la moitié des dépenses en biens et services est constituée de frais de représentation, de missions, de réceptions et de services extérieurs. Les dépenses en biens et services comprennent l’ensemble des dépenses de fonctionnement du gouvernement, à savoir : le coût des fournitures de bureau, du transport, des achats de carburant, de l’eau et de l’électricité ; les coûts de maintenance et de sécurité ; les frais de représentation, de missions et de réceptions ; les frais de services extérieurs.
Les services extérieurs ici sont des services achetés en dehors du pays et comprennent : assurance ; abonnement et dépenses de téléphone, de fax, de télex, de téléphones mobiles, de sites Web, d’Internet et de radiocommunications ; affranchissement et valise diplomatique ; franchise militaire ; publication et communiqués de presse ; coûts de la radio, de la télévision et de la publicité ; les frais d’honoraires ; coûts de formation, stages et séminaires ; services de sécurité extérieure et autres rémunérations pour des services extérieurs ; les frais de sous-traitance et de conseil.
Entre 2013 et 2015, les frais de représentation, de missions et de réceptions ainsi que les services extérieurs ont absorbé en moyenne 52 % des dépenses totales en biens et services, soit 8,7 % du total des dépenses publiques, et 1,8 % du PIB.
De plus, les deux tiers des ressources allouées aux frais de représentation, de missions et de réceptions et services extérieurs ont été dépensés sur cette période pour couvrir les frais de participation aux foires et salons, ainsi qu’aux missions dans le pays. Par ailleurs, 80 % des sommes allouées aux services extérieurs ont été classés dans la rubrique « autres services extérieurs ». Si les dépenses de représentation, de missions et de réceptions ont considérablement diminué en 2015, elles représentaient encore 2,5 % des dépenses publiques totales – soit 0,5 % du PIB.
Les formations, stages et séminaires à l’étranger ont absorbé un cinquième des dépenses des services extérieurs. En outre, les fournitures, l’équipement, le carburant et les lubrifiants industriel représentaient en moyenne un tiers des dépenses en biens et services entre 2013 et 2015, alors que les dépenses d’entretien des infrastructures, de location et d’énergie ne représentaient que 6 % des dépenses en biens et services (soit 1,2 % du total des dépenses publiques).
Toutefois, note la Banque mondiale, une partie importante des ressources allouées aux frais de missions, de représentation et d’achat de carburants s’avèrent être des compensations non salariales déguisées accordées à certaines catégories de fonctionnaires, au regard du niveau peu élevé des salaires publics.
Les dépenses de représentation, de missions et de réceptions représentent une part disproportionnée des achats de biens et services au Cameroun par rapport aux pays comparables. En effet, alors qu’elles s’élevaient à 20 % des dépenses de biens et services publics en 2015 au Cameroun, ces dépenses n’en représentaient qu’une faible part dans d’autres pays pour lesquels les données sont disponibles, soit par exemple 1,6 % au Burkina Faso et 7,8 % au Sénégal. À l’inverse, les pays comparateurs consacraient une part plus importante de leurs achats de biens et services au paiement des loyers et de l’énergie, tandis que la part consacrée au matériel et aux fournitures était à peu près la même dans tous les pays, à l’exception de la Tanzanie.
2 059,4 milliards de FCFA pour le train de vie de l’Etat en 2017
En 2017, le chapitre de dépenses assigné au paiement des frais de « représentation, de mission, de réception et de cérémonies », selon la terminologie budgétaire, a augmenté de 4 milliards de FCFA. Son montant était exactement de 55,9 milliards en 2016, quand il avait subi une importante baisse de près de 10 milliards par rapport à 2015. En 2016, le gouvernement est tranquillement revenu au niveau de la barre des 60 milliards enregistrés en 2014 pour les frais de bouche, de réception et de mission.
Le classement du hit-parade des administrations les mieux loties dans cette rubrique est bien disputé. Malgré tout, la présidence de la République garde le haut du pavé avec 8,1 milliards consacrés aux frais de bouche, de représentation et de mission. Ce montant est en hausse de 500 millions de FCFA par rapport à 2016. Quand on y associe les services rattachés, l’enveloppe monte à presque 9 milliards. Ainsi, quand le chef de l’Etat parle, entre autres, de « l’accroissement excessif des missions notamment à l’étranger », peut-être devrait-il déjà regarder dans son entourage immédiat.
Le ministère des Sports arrive loin derrière avec une enveloppe de près de 6 milliards. Elle est constante par rapport à 2016. Ce montant représente le tiers du budget de fonctionnement de ce ministère fixé à plus de 19,4 milliards. Ce montant se justifie généralement pour des raisons de prise en charge de la participation des équipes nationales du Cameroun aux compétitions internationales.
Le ministère des Enseignements secondaires arrive en troisième place avec 2,9 milliards, en légère hausse de près de 100 millions de francs CFA. Le ministère de l’Agriculture est dépassé par le ministère délégué à la Défense. Le Mindef affiche 2,8 milliards, lui aussi en très légère augmentation. Le Minader descend avec un montant de 2,2 milliards (contre 2,1 milliards en 2016), là où il s’en sortait avec 3,4 milliards en 2015.
35,5 milliards pour le carburant
Ce sont exactement 35,5 milliards que l’Etat a consacré aux « carburants et lubrifiants » en 2017. Ce montant est en hausse de deux milliards et demi par rapport à l’année précédente, où ce chapitre s’établissait à 33 milliards. Cette augmentation est une petite surprise car les allocations de carburant sont une rubrique de largesses budgétaires où une plus grande rigueur n’aurait pas été inutile. Ici, le ministère de la Défense remporte la palme d’or avec 9,4 milliards pour ses soutes à carburant. Ce montant reste statique par rapport à l’année dernière. Au demeurant, le Mindef doit assumer les dépenses liées à la mobilité des moyens de transport dans la lutte contre Boko Haram et pour la sécurisation de la Région de l’Est.
La présidence de la République s’accroche à la deuxième place avec 3,9 milliards, en hausse de 300 millions de FCFA. Cette année, comme l’année dernière et les autres avant, l’enveloppe de la présidence est supérieure à celle de la police, qui n’affiche que 2,9 milliards, bien qu’en hausse de 500 millions. La différence est d’un milliard de FCFA. On se demande par quelle gymnastique budgétaire la présidence de la République peut disposer pour sa consommation plus de frais de carburant que la police nationale et son parc automobile associé à ses interventions. C’est un vrai mystère au regard de la taille de garage de la police et de ses missions de sécurité publique.
Dans la suite de ce top 5, on trouve le ministère de l’Agriculture, qui descend à la 4ème place avec 2,6 milliards. Contrairement à l’année dernière le budget carburant du Minader se situe après celui de la DGSN. Le ministère des Finances, avec plus de 1,5 milliard, entre dans ce cercle fermé grâce à une augmentation de 200 millions de son budget carburant. Avec 1,4 milliard de frais de carburant en 2017, le ministère de la Santé publique se rapproche du peloton de tête et se classe devant le ministère des Marchés publics et son enveloppe de 1,3 milliards de FCFA.
Plus de 42 milliards de primes et gratifications
Pour l’année 2017, l’Etat a provisionné exactement 42,1 milliards pour couvrir les dépenses de primes et gratifications, soit une importante baisse de plus de 8 milliards par rapport à 2016. Cette baisse de primes n’a pas d’explications officielles, au regard des autres allocations qui ont soit progressé soit légèrement baissé. Paul Biya aurait-il demandé un resserrement de la vis à ce niveau ? Impossible à dire, mais ses plaintes récurrentes vis-à-vis d’une fonction publique caractérisée par l’inertie sont peut-être en train de trouver un prolongement.
Dans ce chapitre, l’Assemblée nationale s’en sort avec une enveloppe de 5,9 milliards contre 9,2 milliards en 2016, soit une forte baisse de 3,3 milliards. Ce chiffre malgré tout élevé s’explique par un jeu d’écriture. Les députés sont réputés ne pas percevoir de salaires, mais une rémunération classée dans le registre des indemnités hors solde. Ils perçoivent donc une indemnité mensuelle, qui s’élève à 1,3 million par député et des frais de session qui sont de 1,2 par session. Régulièrement première de cette rubrique, l’Assemblée nationale largement dominée en 2017 par le ministère des Finances, avec une enveloppe de 8,4 milliards, le même montant que l’année dernière. Le total des primes du Minfi est supérieur à l’ensemble des ressources du budget d’investissement public du Minfi qui s’élèvent à 7,1 milliards F CFA. On peut aussi simplement dire que le Minfi ne peut pas être à la cuisine et manger comme à l’orphelinat.
Le ministère des Marchés publics stagne à la troisième place avec les 4,2 milliards de francs, soit 500 millions de moins que ce qui lui étaient dévolus en 2016. Le montant des primes et gratifications laisse dubitatif au regard de la taille de ce ministère. On peut constater que ces allocations sont supérieures aux salaires des personnels toutes catégories confondues du Minmap, qui s’élèvent à un peu plus de 4,1 milliards.
Le ministère de l’Administration territoriale est quatrième du classement avec une provision de deux milliards, quasi-identique à celle de l’année d’avant. La présidence (et ses services rattachés) clôt cette liste avec une enveloppe de deux milliards.
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