Gaz à usage industriel : aux sources de l’augmentation des prix de 20% décidée par la société Gaz du Cameroun
Annoncée depuis le 15 mai 2023, avec effet à partir du 1er juin dernier, la hausse des tarifs décidée par la filiale camerounaise du groupe britannique Victoria Oil & Gas (VOG) la divise avec le gouvernement et ses clients. Décryptage d’une décision qui a été au centre d’une récente réunion au ministère du Commerce.
Les relations entre la société Gaz du Cameroun (GDC), qui alimente en gaz naturel une trentaine d’entreprises dans les zones industrielles de la ville de Douala, et ses clients ne sont pas des plus stables ces dernières semaines. Et pour cause, depuis le 15 mai 2023, cette filiale du groupe britannique Victoria Oil & Gas (VOG) a annoncé à ses clients sa décision d’augmenter de 20% les prix de son produit à compter du 1er juin 2023. Dans la lettre à ses clients, GDC, qui fait remarquer qu’il procède à sa toute « première augmentation des prix en 10 ans », explique sa décision par « la hausse significative de ses coûts opérationnels », à cause de la conjoncture internationale.
En effet, selon l’Indice des prix à la production industrielle (IPPI) publié par l’Institut national de la statistique (INS), la hausse des coûts de production dans le secteur extractif au Cameroun, notamment en matière d’extraction des hydrocarbures tels que le pétrole et le gaz naturel, a été de 16% au quatrième trimestre 2022. Malgré cette progression déjà significative, la hausse des coûts de production enregistrée dans le secteur extractif au quatrième trimestre est d’ailleurs moins importante, puisqu’elle est ressortie à 29% sur l’ensemble de l’année 2022, selon l’INS. Ce qui fait de l’industrie pétrolière et gazière le principal catalyseur de la hausse des coûts dans les entreprises industrielles au Cameroun, au cours de l’année 2022.
Mais, malgré cet argument de GDC, que confortent les chiffres de l’INS, le ministère du Commerce et les clients du principal producteur de gaz à usage industriel au Cameroun ne souscrivent pas à la hausse des tarifs entrée en vigueur, en principe, depuis le 1er juin dernier. « Aux termes des dispositions pertinentes du décret no 2023/232 du 4 mai 2023 fixant les modalités d’application de la loi no 2019/008 du 25 avril 2019 portant Code pétrolier, le prix du gaz naturel commercialisé sur le marché domestique est soumis à la procédure d’homologation préalable. Vous voudrez bien, par conséquent, surseoir à votre décision d’augmentation de vos prix et me faire tenir, aux fins d’instruction, le dossier technique y relatif », somme le ministre du Commerce, Luc Magloire Mbarga Atangana, dans une lettre envoyée le 30 mai au directeur général de GDC, Eric Friend.
Confusion de texte réglementaire ?
Mais avant la sortie du ministre du Commerce, le Groupement des consommateurs de gaz à usage industriel était déjà monté au créneau. Le 29 mai 2023, par la voix de leur président, Dieudonné Kamdem, ils ont adressé une lettre à GDC pour rejeter l’augmentation des prix du gaz naturel. « Nous nous référons à votre lettre du 29 mai 2023, dans laquelle vous exprimez tous votre rejet de la hausse des prix annoncée récemment. Nous prenons note de vos préoccupations et y sommes sensibles. Cependant, GDC maintient ladite augmentation des prix, en raison de l’augmentation des coûts opérationnels soulignée dans notre lettre du 15 mai 2023. Nous apprécierions grandement votre soutien sur cette question et espérons continuer à vous fournir de l’énergie d’origine camerounaise, à faible coût, propre et fiable », leur répondra Eric Friend, le DG de Gaz du Cameroun, dans une lettre datée du 6 juin 2023.
Cette réponse aura pour conséquence une nouvelle sortie aux allures de rappel à l’ordre du ministre du Commerce, qui, le 14 juin, fait une nouvelle fois injonction à la société gazière de prendre l’attache de la direction de la métrologie du ministère, avant toute augmentation effective des prix du gaz naturel. Selon nos sources, une délégation de GDC conduite par son DG, Eric Friend, a rencontré les responsables du ministère du Commerce le 21 juin 2023. « Les problèmes ont été résolus. Plus précisément, la délégation de Gaz du Cameroun a expliqué que, sur la base des dispositions du contrat de concession de GDC conclu avec l’État du Cameroun, GDC est lié par les dispositions du Code pétrolier de 1999 et de son décret d’application du 30 juin 2000 », et non par le Code pétrolier de 2019 et son décret d’application du 4 mai 2023, sur lesquels s’appuie le ministre du Commerce pour exiger l’homologation préalable des prix, explique une source ayant participé à la rencontre.
Un investissement à amortir
« En ce qui concerne principalement le prix du gaz naturel, tant le contrat de concession que la réglementation pétrolière applicable prévoient que le contractant est censé commercialiser le gaz naturel au meilleur prix possible, sur la base des prix du marché prévalant à l’époque pour les combustibles alternatifs au gaz naturel. Après un examen des prix comparatifs des carburants, même avec une augmentation de 20% du prix du gaz naturel de GDC, le nouveau prix suggéré est encore bien inférieur aux prix du marché des carburants alternatifs tels que le HFO (Hydrofluoroléfine), le diesel ou l’essence. Cela signifie que l’augmentation du prix du gaz naturel est tout à fait conforme aux exigences légales applicables, et bien inférieure au prix initial du gaz de 2012 (date du début des ventes du gaz naturel par GDC) », poursuit notre source.
Du coup, pour un responsable de GDC contacté par Ecomatin, la hausse des prix décidée par cette entreprise est d’autant plus opportune que, soutient-il, « depuis sa création jusqu’à ce jour, GDC et ses investisseurs n’ont récupéré qu’un peu moins de 70% de leur investissement dans l’industrie pétrolière et gazière au Cameroun ». Ces investissements à amortir ont principalement permis de construire 52 Km de gazoduc pour alimenter les clients, l’entretien et la maintenance des compteurs, etc. Sans compter des investissements réalisés dans le cadre de la politique RSE (Responsabilité sociétale des entreprises), à l’instar de la construction et l’équipement d’une nouvelle aile à l’hôpital de district de Logbaba, l’assistance aux écoles de Douala et le soutien multiforme aux communautés locales.