La Sodecao menacée de disparition
Depuis plusieurs années déjà, l’Etat prépare la fusion des structures d’appui à la production et à la commercialisation des produits de base, notamment le cacao et les cafés. Ce projet qui devrait aboutir à la création d’une société publique unique est actuellement en étude à la présidence de la République.
C’est désormais un secret de polichinelle. La Société de Développement du cacao (SODECAO), le Fonds national de développement des filières cacao et cafés (Fodecc) et l’Office national du cacao et du café (ONCC), entre autres, pourraient bientôt disparaître pour laisser la place à une structure unique. L’Etat du Cameroun prépare en effet une importante réforme concernant les filières des produits de rente. Même si le comité interministériel mis en place à cet effet a travaillé dans le secret absolu et transmis ce dossier à la présidence de la République, il ne fait l’ombre d’aucun doute que le Cameroun s’achemine vers une fusion de toutes les structures d’appui à la production et à la commercialisation des produits de base, notamment le cacao et les cafés.
Une source proche du dossier indique que cette réforme vise à booster la compétitivité de ces filières porteuses de croissance, mais qui, dans la configuration actuelle, ne jouent pas véritablement ce rôle dans l’économie camerounaise. « Il y a comme une dispersion d’énergie et des ressources qui ne permet pas d’atteindre des résultats escomptés. L’Etat voudrait corriger cela par un regroupement, même si l’on ne sait encore rien de la forme que prendra la structure en gestation», confie notre informateur.
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Selon les spécialistes de ces filières, c’est l’inefficacité des structures actuelles qui a conduit à cette situation. L’Etat a mis en place de nombreuses structures ayant des missions similaires, ce qui a conduit à une stagnation de la production sous-tendue par des stratégies inadaptées. Auparavant, l’Etat apportait un encadrement gratuit aux planteurs sur toute la chaine allant de la production à la commercialisation, en passant par le financement. Les planteurs bénéficiaient de l’assistance technique des agents de vulgarisation de la Sodecao, dont le rôle est d’offrir des services en vue de garantir la qualité de la production. Aujourd’hui, non seulement la Sodécao existe toujours, bien que plus proche de la mort, mais également certains projets du portefeuille du Fodecc sont chargés d’accomplir exactement les mêmes missions. Paradoxalement, les résultats ne suivent pas en termes de dynamisme de ces filières. « Il est question de la rationalisation des ressources et des structures. L’Etat voudrait mettre un terme à l’émiettement des structures et au chevauchement des compétences qu’on observe dans ce secteur », confie notre source.
Malgré la multitude de structures intervenant dans l’encadrement des filières cacao et cafés, le Cameroun semble encore loin d’atteindre les objectifs de production qu’il s’est fixé à l’horizon 2020, c’est-à-dire es 600 000 tonnes de cacao de production annuelle et 160 000 t de cafés dont 125 000 t de robusta et 35 000 t d’arabica. Lors de la campagne 2015-2016, la production nationale commercialisée du cacao était de 269 495 t, soit moins de la moitié de la moitié de l’objectif, alors que celle du café se situe en deçà de 25 000 t. Selon les données de la cellule technique de suivi et de coordination des filières cacao et café du secrétariat général des services du Premier ministre (SGPM), les secteurs cacao et café au Cameroun représentent environ 3% du Produit intérieur brut (PIB) national et 15% du PIB du secteur primaire. Cette contribution au PIB reste marginale par rapport aux énormes potentialités du pays et aux ressources que l’Etat du Cameroun mobilise en faveur de ces filières.
La nécessité de cette rationalisation des structures avait déjà été évoquée par certains pour justifier les problèmes qui ont été observés lors de la transition au Fodecc. En 2015, Louis Paul Motaze avait laissé transparaître cette issue, lorsqu’il était SGPM. Répondant à une lettre de Théodore Ebobo, président du comité de gestion du Fodecc, relative au remplacement de Jean Marc Dieudonné Oyono, alors administrateur du Fodecc arrivé en fin de mandat, il aurait demandé, suite aux instructions du PM, de « suspendre tout processus de recrutement d’un nouvel administrateur jusqu’à l’aboutissement de la relecture, en cours, des textes relatifs à la restructuration du Fodecc, de la Sodécao et de l’ONCC», confie la source citant la correspondance du SGPM de l’époque, adressée au ministre du Commerce, au président du comité de gestion, aux autres ordonnateurs techniques du Fodecc.