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Fuite des capitaux : le Gicam et la Beac à couteaux tirés

Les opérateurs économiques camerounais accusés d’être à l’origine du déficit de 390 milliards sur les réserves de change de la Beac en 2020.

C’est un nouveau front de bataille qui s’ouvre entre la Beac et les assujettis à la nouvelle réglementation des changes et dont les braises sont les plus ardentes au Cameroun. Comme annoncé par EcoMatin dans son édition N° 418, l’institut d’émission a lancé depuis le début du mois de mars 2021 un processus d’apurement de domiciliation des importations de biens et services. Concrètement, la banque centrale demande à tous les agents économiques résidents ayant induit une sortie des devises hors de la Cemac, d’apporter la preuve que les biens et services y rattachés ont effectivement été importés. A travers cette opération, la Beac espérait mettre la main sur les opérateurs économiques véreux qui sont à l’origine d’un déficit de près de 400 milliards de FCFA enregistré au cours de l’année 2020 dans les réserves de change de la sous-région.

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Au Cameroun, les opérateurs économiques, réunis au sein du Groupement Interpatronal du Cameroun(Gicam), ont adressé le 16 avril dernier au Ministre des finances(Minfi) une correspondance pour relever les écueils de cette démarche du gouvernement de la Beac. Pour Célestin Tawamba, signataire de cette lettre, cette opération « aura un impact négatif sur l’activité économique du pays ». Le président du Gicam ajoute à cela la morosité de l’activité économique occasionnée par la pandémie du coronavirus. Le plus important groupement patronal du pays espère que l’autorité monétaire pourra porter son plaidoyer auprès de la réunion des ministres des finances de la sous-région à l’effet d’amener la Beac à assouplir sa décision. Pour mieux s’enquérir du problème, Louis Paul Motaze a convoqué le 27 avril une réunion tripartite avec la Beac, le Gicam et l’Association professionnelle des établissements de crédits(Apeccam). 

Réformes brutale

Catastrophe économique, économicide, risques de pénurie, lenteurs administratives, frein à la production… devant le ministre des finances, les opérateurs économiques ne tarissent pas de qualificatifs pour peindre en noir le processus d’apurement lancé par la Beac, et plus globalement la nouvelle règlementation des changes. S’ils disent ne pas être à l’origine de ce déficit sur les réserves de changes, ils estiment néanmoins que le délai de 3 mois impartis aux opérateurs pour réunir la documentation nécessaire à la clôture des opérations d’importations est impossible à respecter. La raison, certaines entreprises auraient effectué de multiples opérations d’importations et demandent plus de temps pour réunir les justificatifs. De même, renchérit le Gicam, l’importation de certains outils de production prend beaucoup de temps pour l’assemblage par le concessionnaire, ce qui ne permet pas de produire dans les délais la documentation demandée.

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Consacré, par l’instruction n°007/GR/2019, l’apurement des dossiers de domiciliation consiste pour les opérateurs à réunir dans les délais (03 mois pour l’importation des biens et 1 mois pour les services), les différents documents nécessaires à la clôture des opérations d’importations. Il s’agit entre autres de la quittance de paiement des droits et taxes de douanes, la facture définitive, le connaissement, le procès-verbal de recettes provisoires, etc. Des documents mis à la disposition des banques commerciales auprès desquels sont domiciliés les comptes des opérateurs. 

Allant dans le même sens, l’Apeccam estime que cette réforme est « brutale » et mérite d’être assouplie. Sa requête adressée auprès de la banque centrale pour obtenir un assouplissement n’avait pas trouvé un écho favorable auprès d’Abbas Mahamat Tolli. «La régulation est importante pour la soutenabilité de notre monnaie. Mais fort est de constater aujourd’hui que trop de réglementation est un obstacle à l’activité économique. Il est important d’obtenir de la Beac des mesures d’assouplissement pour accompagner l’activité économique, faire bénéficier aux entreprises des mesures de soutien mises en place par la Beac pour les entreprises sinistrées, à changer les mesures prudentielles au niveau de la Beac » déclarait Célestin Tawamba, le 14 avril dernier lors d’une rencontre entre le Gicam et l’Apeccam.

Economie de la fraude

Selon les responsables de la Beac présents à cette rencontre, les récriminations des patrons camerounais ne sont en réalité qu’une pirouette pour échapper à la règlementation en vigueur et faire sortir en toute illégalité des devises de la Cemac. Selon la Beac, le Cameroun est le seul pays de la Cemac dont les sorties de devises sont supérieures aux entrées. « Il se développe au Cameroun une économie de la fraude par le biais des importations de biens et services» explique un cadre de la Beac. « Les agents économiques sont des champions dans cette fraude et développent à travers les organisations patronales des logiques de chantage à la pénurie pour qu’on les laisse continuer à évoluer dans l’opacité » poursuit-il.

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Sur la prolongation de délai sollicitée, la banque centrale n’en voit pas l’utilité, sinon, un moyen de mieux dissimuler les preuves de ces fuites de capitaux. En effet, renchérissent les représentants de la Beac, les seuls documents demandés sont : la facture définitive, le connaissement(ou document de transport) et la quittance en douane. « Ce sont des documents dont ils disposent logiquement quand ils importent des marchandises. Nous ne comprenons pas pourquoi il faut un moratoire pour nous les fournir », réagit la Beac.

Par ailleurs, la banque centrale déplore le laxisme des établissements de crédits qui ne jouent pas véritablement leur rôle d’intermédiaire agrée en obligeant les agents économiques à apporter la documentation nécessaire. « A première vue, ce ne sont pas elles qui sont visées. Elles savent tout de même que ces fuites de capitaux peuvent avoir été le fait d’une légèreté de leur part et donc elles sont responsables de la situation» Explique une source à la Beac.
Selon l’Apeccam, certains de leurs clients sont dans l’incapacité d’apurer. La Beac leur a suggéré de transmettre le dossier et que les sanctions soient prises. « En dehors des sanctions, la Beac va prélever ces devises sur les comptes de ces entreprises lors de leurs prochaines opérations. S’il y’a récidive, ils seront tout simplement interdits d’importer dans la sous-région » explique notre source.

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Cette nouvelle opposition vient s’ajouter à la kyrielle de récriminations des agents économiques et financiers depuis l’entrée en vigueur, en 2018 de la nouvelle réglementation des changes.

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