Fcfa-Uemoa : tout change pour que rien ne change
Conformément à l’engagement pris le 21 décembre 2019, la France a annoncé il y a quelques jours, qu’elle prenait acte de la décision des Etats de l’Uemoa, de changer, entre autres, le nom de leur monnaie commune dès 2020.
Le 20 mai 2020, le gouvernement français a annoncé qu’il actait la mort du franc CFA d’Afrique de l’Ouest. Il s’agit de la suite logique et attendue de l’annonce faite à Abidjan le 21 décembre 2019, par le Président ivoirien, Alassane Ouattara, au sujet de la monnaie commune des huit pays de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa) que sont le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, la Guinée-Bissau, le Mali, le Niger, le Sénégal et le Togo.
Le 21 décembre 2020 donc, en compagnie de son homologue français, Emmanuel Macron, le Président de la Côte d’Ivoire, annonçait que le FCFA changerait de nom dès 2020 pour s’appeler «Eco». Avant cette annonce, Emmanuel Macron avait déjà assuré, face à la vive polémique qui a flambé au sujet de cette monnaie dénoncée par les organisations de la société civile ouest-africaines comme l’un des symboles de la tutelle française sur les économies des pays francophones, qu’il appartenait aux chefs des Etats africains, de prendre les décisions qui leur paraissaient conformes aux intérêts de leurs pays et de leurs peuples, et que la France ne se contenterait que d’accompagner ces décisions.
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En prenant «acte» de ce changement de nom, la France officielle tente de démontrer qu’elle a tenu parole. «Tente de démontrer» car la réalité est plus prosaïque, plus subtile : «C’est comme si, accusé de tenir en laisse un esclave, un esclavagiste décidait, au lieu de lui rendre sa liberté purement et simplement, de dissimuler la laisse», pointe, incisif un observateur. Le 21 décembre 2020, les pays-membres de l’Uemoa et la France ne s’étaient pas contentés d’annoncer le changement de dénomination du FCFA. Ils avaient surtout signé, à travers les présidents ivoiriens et français, un nouvel accord de Coopération monétaire qui «réformait» les instruments juridiques de portée monétaire et financière qui liaient les deux parties depuis la décennie 70, que sont l’accord de coopération monétaire signé le 4 décembre 1973 et la convention de compte d’opération signée par les deux parties quelques temps plus tard (cette convention de compte d’opération a depuis été modifiée deux fois en 2005 et 2014).
Intuitu Personae
Contrairement à ces deux instruments, particulièrement dénoncés ces dernières années, et selon le projet de loi présenté au Parlement français par le gouvernement français y relativement, l’accord du 21 décembre 2020 «pose les axes de la réforme (mention dans le préambule du changement du nom de la monnaie, de la suppression du compte d’opérations (les Etats partageant l’ «Eco» comme monnaie ne seraient plus tenus, comme le stipule la convention de compte d’opérations, de déposer, au trésor français, la moitié de leurs avoirs en devises, ndlr) et du retrait de la France des instances de gouvernance, dans le contexte de la création progressive d’une monnaie unique à l’échelle de la Cedeao (Communauté des Etats d’Afrique de l’Ouest, ndlr)), tout en conservant explicitement le régime de change fixe vis-à-vis de l’Euro et la garantie illimité de la France».
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Selon le même projet de loi, cet accord «fixe le principe de la présence au Comité de politique monétaire (CPM) de la BCEAO (Banque centrale des Etats d’Afrique de l’Ouest ndlr) d’une personnalité indépendante et qualifiée dénommée intuitu personae par le Conseil des ministres de l’Uemoa, en concertation avec la France. Cette personnalité, qui prendra part aux délibérations, sera choisie en fonction de son expérience dans les domaines monétaire, financier ou économique». Réforme administrative Plus important, l’accord du 21 décembre 2020 prévoit surtout «qu’en cas de situation de crise sévère (taux de couverture de la monnaie, soit le rapport entre le montant moyen des avoirs extérieurs de la BCEAO et le montant moyen de ses engagements à vue, inférieur à 20%), la France pourra désigner, à titre exceptionnel et pour la durée nécessaire à la gestion de la crise, un représentant au CPM».
Une réforme administrative en clair, censée expurger de la relation monétaire et financière qui lie les deux parties, les aspects incommodants les plus visibles mais pas les plus nocifs au développement des pays africains. L’accord du 21 décembre 2019 ne s’attaque en effet pas à des points fondamentaux notamment la question de la parité fixe entre l’«Eco» et l’Euro (1 euro = 655,96 francs CFA=655,96 Ecos), jugée préjudiciable au développement des pays africains par plusieurs économistes. Mais il s’agit déjà d’une avancée, dont ne peux se prévaloir la Communauté Économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac), qui a elle aussi son propre franc CFA.
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