Extrême-nord : les consommateurs se plaignent de la hausse des prix des céréales
En cause, la grande surface financière des grands commerçants et des sociétés brassicoles qui leur permet de parfois acheter à l’avance, et sur un an, les récoltes pour constituer des stocks de sécurité en période de soudure.
C’est une véritable flambée de prix à Maroua, le chef-lieu de la région de l’Extrême-nord. En l’espace de six mois, on observe une tendance haussière généralisée. Aucun commerçant ne livre ses produits à moins de 28 000 FCFA le sac de 100 kg. Ainsi, au marché Para, réputé pour l’accessibilité de ses prix, en ce qui concerne le mil, ce sac est passé de 15 000 FCFA à la veille des fêtes de fin d’année à 28 000 FCFA. Au cours de la même période, c’est en double détente que le prix du sac de 100 kg de maïs a connu une augmentation. Initialement taxé à 18 000 FCFA à en novembre 2021, il est d’abord passé à 23 500 en janvier 2022, puis, à 25 000 FCFA depuis le 3 avril 2022.
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Du coup, devant ces prix prohibitifs, les populations locales pensent de plus en plus à l’alternative du riz. Surtout que l’on ne comprend pas pourquoi les prix grimpent alors que, selon un habitant de Maroua, « nous sommes en fin de campagne agricole et que les prix devraient chuter du fait de l’abondance des produits céréaliers sur le marché ». Seulement, des sources locales dénoncent le comportement de certains producteurs qui ont vendu leurs récoltes avant la fin de la saison. « Il devient alors difficile de se procurer les produits auprès d’eux et ils ne peuvent plus fixer les prix bord champs ».
A l’origine de cette situation qui frôle l’insécurité alimentaire, et selon les habitués du milieu et des habitudes, « la voracité des sociétés brassicoles mais aussi leur surface financière qui les autorise à acheter à coûts élevés de grandes quantités de productions à même de leur garantir des stocks de sécurité en période de soudure ». Une information confirmée par les concernés qui admettent que « c’est pendant les récoltes que nous faisons de bonnes affaires afin de stabiliser nos stocks ».
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Outre les sociétés brassicoles, l’on indexe également « les commerçants qui ont les gros moyens ». Ceux-ci sont accusés d’« acheter toute la production dans nos villages ». Des consommateurs en quête de produits céréaliers révèlent que « régulièrement, il arrive que les récoltes soient achetées un an à l’avance par ces commerçants ». C’est ainsi que des producteurs des départements du Mayo-Kani et du Mayo-Tsanaga ont vendu leurs productions de cette campagne agricole depuis mai 2021. « Et le tout, à vil prix », éructe un client qui a cherché en vain le mil dans ces deux départements de l’Extrême-nord. « Ce sont ces gens qui provoquent la pénurie alors que, s’ils s’étaient comportés de manière vertueuses, le marché des céréales ne connaîtrait jamais d’inflation parce que les récoltes peuvent largement suffire aux populations locales », poursuit notre interlocuteur.
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Pour rappel, les constats faits une fois de plus dans le secteur de la production céréalière avaient déjà attiré l’attention de la représentation locale Bureau des Nations unies pour la coordination des affaires humanitaires (Ocha) et de l’ONG Action contre la faim (ACF). Début mars 2022, les deux entités avaient tiré la sonnette d’alarme sur « environ 901 042 personnes qui auront beaucoup de mal à s’alimenter dans les prochains mois dans la région de l’Extrême-nord. » Si à l’époque, elles excipaient des raisons « sécuritaires et climatiques », l’on observe qu’aujourd’hui, la menace d’une famine à l’Extrême-nord est également la cause de pénuries causées par la cupidité de certains producteurs.