Exploitation minière : seulement 10% de l’or passe par le circuit formel
Selon les investigations de l’Ong Foder, les revenus collectés par l’Etat auprès des exploitants miniers sont très en deçà du niveau d’exploitation observé sur le terrain.
Les communautés riveraines et l’Etat ne bénéficie pas véritablement des retombées de l’expansion de la semi-mécanisation dans le sous-secteur artisanal minier. Tel est le constat dressé par l’Ong Forêts et développement rural (Foder). Selon les investigations menées par Foder, nombre d’acteurs s’accordent à dire que les revenus collectés par l’Etat auprès des exploitants miniers sont très en deçà du niveau d’exploitation observé sur le terrain. « Plusieurs entreprises actives dans l’exploitation des carrières ne reversent la taxe à l’extraction auprès de l’administration fiscale », souligne l’Ong. La quantité d’or et de diamant collectée par le Cadre d’appui et de promotion de l’artisanat minier (Capam) et le Secrétariat permanent du processus de Kimberly (KPCS) pour le compte de l’Etat auprès des entreprises de la semi-mécanisation et des artisans miniers est très faible. Résultat des courses, selon Foder, c’est seulement à peine 10% de la production d’or des artisans miniers qui sont canalisés dans le circuit formel.
Une situation qui entraîne une faible contribution de ce secteur à l’économie nationale. D’après le dernier rapport de conciliation d’Initiative de transparence dans les industries extractives (Itie Cameroun) publié en 2016, la contribution du secteur minier dans le PIB reste marginale, soit moins de 1%. Les revenus générés par le secteur minier en 2014 s’élèvent à 1,768 milliards de Fcfa, précise le même rapport. Ces revenus proviennent de l’exploitation des granulats et sable des entreprises Razel et Gracam et la production artisanale semi-mécanisée d’or déclarée par le Capam. Environ 98% de ces revenus sont générés par l’or déclarée par le Capam, précise le rapport d’Itie. Foder s’alarme aussi des méfaits de la semi-mécanisation sur l’environnement, contrairement à l’artisanat minier traditionnel réalisé à l’aide d’outils rudimentaires, pelles, pioches, tamis traditionnel et la force des bras des artisans miniers.
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« Avec l’avènement de la semi-mécanisation qui en réalité pourrait être comparée à la petite mine, de nombreux problèmes, aussi bien environnementaux, sociaux, sanitaires et même sécuritaires, sont apparus », insiste Foder qui note par ailleurs qu’en dehors de l’exploitation des carrières, aucune étude d’impact environnemental n’a été réalisée dans l’exploitation semi-mécanisée de l’or. Pourtant au moins 40 entreprises sont actives dans ce secteur dans les régions de l’Est et Adamaoua. Ce qui a pour conséquence de nombreux puits miniers non réhabilités, la pollution des cours d’eau, la destruction des plantations sans compensation, l’acquisition des espaces sans consultation des populations, des conflits réguliers entre communautés riveraines et entreprises minières, etc.
Si l’industrie minière tarde à prendre son envol au Cameroun, le sous-secteur artisanal lui a connu un développement important, attribuable en partie au projet de mise en eau du barrage de Lom-Pangar qui a fait intervenir la semi-mécanisation. Des partenariats technico-financiers avec des opérateurs étrangers (chinois pour la plupart) ont permis de faire un saut technologique qui a facilité l’excavation et le lavage des minerais. Cette intervention a pu certes être salutaire pour le sauvetage de l’or dans la zone d’ennoiement du barrage, mais l’expansion de ces entreprises semi-mécanisées hors de la zone circonscrite pour le sauvetage cause aujourd’hui de nombreux problèmes aussi bien pour les communautés riveraines que pour l’Etat, conclut l’étude de Foder.
La transparence du secteur minier au centre d’un forum
Le forum national sur la gouvernance minière est annoncé du 10 au 11 octobre 2018 à Yaoundé sous le thème « transparence et surveillance du secteur minier : bilan, défi s et perspectives ».
Faire un état de lieux de la transparence et de la surveillance dans le secteur minier, identifier les freins à la surveillance et au contrôle du secteur minier, identifier les pistes d’interventions des acteurs non étatiques et des collectivités territoriales décentralisées dans le renforcement du contrôle du secteur minier à travers la surveillance, et proposer des pistes de solutions pour un meilleur contrôle dans le secteur minier sur la base des expériences du contrôle du secteur forestier qui seront capitalisées. Tels sont les objectifs du forum national sur la gouvernance minière qui s’ouvre du 10 au 11 octobre 2018 à Yaoundé sous le thème « transparence et surveillance du secteur minier: bilan, défi s et perspectives ». Environ une centaine de participants représentant différentes parties prenantes intervenant dans le secteur minier sont attendus à cette rencontre qui sera articulée autour des sessions plénières et des sessions de groupe et ponctuée de projections cinématographiques pour davantage édifier les participants sur les enjeux du secteur minier au Cameroun.
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Un cadre de dialogue et d’échanges structurés entre tous les acteurs concernés par les thèmes du forum. Les présentations par thématique et les échanges qui en résulteront permettront de formuler des recommandations concrètes pour améliorer la transparence et la surveillance dans le secteur minier. Les groupes de travail vont se pencher sur les thématiques abordées en plénière et proposer des recommandations concrètes pour leur mise en œuvre (plans d’actions tout en prenant en compte les dimensions politiques, juridiques, financières, opérationnelles, etc.).
Ce forum intervient dans un contexte marqué par un regain d’intérêt pour l’activité minière, même si la contribution de ce secteur dans l’économie est encore très faible. Les activités exploratoires menées au Cameroun de 1960 à 1990 sur 40% du territoire national ont permis de relever que le Cameroun est doté d’un fort potentiel minier, entre autres le minerai de fer à Mbalam et Kribi, la bauxite de Minim-Martap et Ngaoundal, le diamant de Mobilong, le nickel et cobalt de Lomié. Malgré cet important gisement de minerais aussi divers que riche, le Cameroun tarde à réaliser la construction de sa première mine industrielle.