Eugène Nsom reconduit pour 6 mois à la tête de la Beac Cameroun
Officiellement, le moratoire de la Beac vise à donner à l’Etat du Cameroun le temps nécessaire pour désigner un représentant à la tête de cette institution.
Au siège de la Beac nationale à Yaoundé, la journée mardi 1er février 2022 a démarrée comme toutes les autres excepté une fraîcheur inhabituelle en cette matinée de saison sèche. Pourtant, c’est bien ce jour que devait se tenir la cérémonie de passation de service entre Eugène Blaise Nsom, actuel Directeur National de la Beac, et ses intérimaires nommés par le Gouverneur. Le camerounais frappé par la limite d’âge continue pourtant d’exercer ses fonctions après de légères frictions entre le gouvernement et la Beac sur son cas. « Sans interférer ni ignorer vos prérogatives, et en toute conformité avec les hautes directives reçues des autorités camerounaises, nous avions souhaité une prorogation additionnelle, pour une durée d’un an des activités de Monsieur Blaise Eugène Nsom. Par conséquent, je regrette que votre décision ait été diffusée et finalisée sans concertation préalables comme celà est d’usage, pour des fonctions de ce rang » écrivait Louis Paul Motaze au gouverneur de la Beac dans une correspondance datant du 11 janvier dernier.
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Si Abbas Mahamat Tolli était décidé à ne pas accorder de dérogation sur ce dossier, le gouverneur de la banque centrale est finalement revenu sur sa décision en accordant 6 mois supplémentaires non renouvelables au Directeur de la Beac Cameroun. Officiellement, Louis Paul Motaze, qui demandait un rallongement d’un an, n’a pas réagi à cette décision ; preuve que la logique belliqueuse reste de mise. L’entourage du Ministre camerounais des finances célèbre pourtant cela comme une « victoire à la Pyrrhus ». Mais à la Beac, ce report est considéré comme une période transitoire pour permettre aux dirigeants camerounais de désigner un représentant à ce poste.
Deux poids deux mesures
Pouvait-il en être autrement? En nommant, le 06 janvier dernier, un intérimaire à la Direction nationale de la Beac, le Gouverneur était dans ses prérogatives car le dirigeant ayant atteint l’âge de départ à la retraite (60 ans) au sens des statuts du personnel de la Beac. Seulement, l’exception sollicitée par le Minfi s’appuyait sur une série de précédents. Car au sein de l’institut d’émission « certains cadres de haut niveau avaient bénéficié des périodes de prorogation supérieures à trois ans, certains étant toujours en fonction » relevait Louis Paul Motaze. « Si on appliquait systématiquement les mises en retraite, la Beac n’aurait pas de difficulté à rejeter la sollicitation du Cameroun. Le problème qu’elle a accordé à certains cadres des prorogations de mandats sur plusieurs années et cela devient très difficile à gérer. Du coup, obliger un haut cadre à aller en retraite contre le gré de son pays serait un peu comme du deux poids deux mesures », commente un responsable au cabinet du ministre. La pratique ne date pas cependant d’aujourd’hui. Au terme du Sommet de N’Djamena en 2008, les chefs d’Etat avaient décidé de mettre fin à cette pratique. Successeur de son compatriote Jean-Félix Mamalepot à la tête de l’institut d’émission cette même année, Philibert Andzembe s’était plié à cette décision, et les personnes admises à faire valoir leurs droits à la retraite étaient désormais libérées par un processus automatique. Il en a été de même de son successeur, l’Equatoguinéen Lucas Abaga Nchama. Mais vers la fin de son mandat, entre 2015 et 2016, ce dernier instituera « des prorogations de confort ».
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C’est sans doute la gestion de ce dilemme qui a conduit le gouverneur de la banque centrale à faire partir brutalement une dizaine de cadres qui étaient en prorogation et toujours dans les renouvellements permanents.
L’indépendance de la banque centrale en question
La prorogation du bail d’Eugène Nsom a provoqué des vents de divisions au sein du gouvernement de la Beac. De bonne source, le vice-gouverneur Dieudonné Evou Mekou aurait fermement refusé de s’associer à la démarche de nomination d’un nouveau pensionnaire à la tête de cette instance, préférant s’aligner sur la décision du Cameroun. Au sens de l’article 55 des statuts de la Beac, « Les directeurs nationaux sont nommés et révoqués par le conseil d’Administration après agrément de l’Etat membre concerné. L’agrément en vue de la nomination est obtenu sur une liste de trois noms proposés par le gouvernement de le Banque centrale. Si l’Etat en question ne juge qu’aucune de ses propositions pertinentes il peut proposer lui-même à la Beac un autre profil, même issu de son administration ».
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« Les détachements de fonctionnaires et de personnalités extérieures, auprès de la Banque Centrale, pour occuper les fonctions de Directeurs Nationaux, sont subordonnés à l‘approbation préalable du Conseil d’Administration. Celui-ci vérifie qu’ils justifient de compétences dans les domaines économique, juridiques, monétaire ou financier » précise l’article 55.