Entreprises à capitaux Publics: un gouffre net de 1148,3 milliards pour le contribuable camerounais
Même si elles étaient en baisse en 2016 les établissements publics ont reçu en trois ans 1174 milliards de FCFA de subventions directes et indirectes, pour seulement 36,3 milliards de FCFA de dividendes perçus par le gouvernement soit une perte financière nette de 1 148,3 milliards de FCFA.
En 2017, le parlement camerounais a adopté une nouvelle loi portant sur le statut général des établissements publics, qui a fait peut l’objet de discussions au sein de l’opinion publique nationale. Pourtant, cette catégorie d’organisations qui sont gérées par le ministère des finances, mérite que lui soit portée une certaine attention. La cours des comptes a très souvent rappelé des incohérences dans la gestion de ces établissements à capitaux publics. Il ressort aujourd’hui de document officiel, que les fonds que leurs donnent les contribuables via le budget de l’Etat, ne sont pas rentabilisé proprement. Entre 2014 et 2016, près de 752,1 milliards de subventions ont été accordés aux 84 sociétés à capitaux publics, pour un dividende global de seulement 36 milliards de FCFA. Sur un plan purement financier, on parlera d’un rendement de 4,7%. Une rémunération qui est très en deçà de ce que tire les investisseurs de la zone CEMAC qui oscille autour de 13%.
750 milliards de subventions et 2225 milliards de dette toutes financées par les contribuables
Le gros de ces subventions est allé à des entreprises ou organisations, qui techniquement n’ont pas vocation à générer des bénéfices, mais plutôt à rendre le service public. Mais lorsqu’on rapporte le niveau des subventions aux sociétés publiques mais ayant des activités commerciales, on en retrouve près de 25 qui sur la période, ont reçu 433,5 milliards de FCFA sur la période pour un dividende de seulement 4,18 milliards de FCFA, soit un rendement de moins de 1%. Le surplus de dividendes collectés par le gouvernement sur la période est le fait de sociétés d’économie mixtes, où l’Etat a une participation significative, mais qui sont gérés par des partenaires privées. En plus de coûter directement cher sur le budget de l’Etat, les sociétés purement publiques sont aussi un problème pour l’équilibre budgétaire, en raison des dettes qu’elles génèrent. A la fin de l’année 2016, l’encours global de leurs dettes était de 2225 milliards de FCFA, dont 422,6 milliards de FCFA de dette fiscale. Cela porte à 1 174 milliards de FCFA, l’encours global des subventions directes et indirectes reçus par ces organisations.
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Les entreprises publiques se plaignent aussi de ce que l’Etat leur doit de l’argent, Mais même en prenant en compte les 560 milliards de créances qu’elles revendiquent sur le gouvernement, la subvention effective est de 674 milliards de FCFA sur les trois ans pour un dividende global de 4 milliards de FCFA soit une rentabilité de 0,6%.
Le défi majeur c’est que plusieurs de ces organisations qui sont devenues totalement inopérantes, continuent de recevoir des subventions publiques pour des fins de restructuration. Au total 30 milliards ont été dépensés pour cette cause rien qu’en 2016
Le niveau de 36 milliards de dividende a été atteint surtout grâce aux sociétés d’économie mixtes, comme la Société Camerounaises des Banques filiale du groupe marocain Attijariwafa Bank. Cette dernière a contribué pour près de 15 milliards de FCFA aux dividendes récoltés par l’Etat du Cameroun sur la période. Le constat devient donc évident, les entreprises publiques sont un gouffre à sous pour les contribuables camerounais. Le défi majeur c’est que plusieurs de ces organisations qui sont devenues totalement inopérantes, continuent de recevoir des subventions publiques pour des fins de restructuration. Au total 30 milliards ont été dépensés pour cette cause rien qu’en 2016.
A l’exception du Palais des Congrès qui a fait peau neuve, on voit très peu à quoi a servi cet argent. Certains organismes rapprochés par EcoMatin, se plaignent de ce que ces subventions de relèvement qui leurs a été accordées par le budget, ne sont toujours pas versées jusqu’ici, et qu’au ministère des finances on leur a toujours dit qu’il y a des priorités.
Des résultats aussi mauvais que ne l’est la gouvernance des sociétés publiques.
À la fin de 2016, le pays comptait 54 entreprises publiques (EP) commerciales, dont les Sociétés à capitaux publics (SCP) et les Sociétés semi-publiques, ou Sociétés d’économie mixte (SEM), dans lesquelles l’État est actionnaire majoritaire ou minoritaire. Le secteur agro-industriel et de la transformation compte le plus grand nombre d’entreprises publiques, suivi des secteurs de la fabrication, de la banque et de la finance, des services publics d’électricité, des médias et des transports. Au cours de la période 2011-2015, la moyenne des chiffres d’affaires annuels combinés des EP commerciales s’élevait à 18 % du PIB, donc au-dessus de celle de 14 % de l’Afrique subsaharienne (ASS).
En 2015, les sociétés à capitaux publics constituaient la plus petite catégorie des EP avec un chiffre d’affaires de 400 milliards FCFA (2 % du PIB), alors que celui des SEM à participation publique majoritaire et minoritaire s’élevait respectivement à 1000 milliards de FCFA (6 % du PIB) et à 1600 milliards de FCFA (10 % du PIB). En ce qui concerne les actifs immobilisés, en 2015, les SCP en détiennent la plus grande part, soit 1400 milliards de FCFA (8,3 % du PIB), alors que ceux des SEM à participation publique majoritaire et à participation publique minoritaire totalisent respectivement environ 550 milliards FCFA (3,2 % du PIB) et 1200 milliards de FCFA (7,4 % du PIB). Enfin, plus de 80 organismes gouvernementaux autonomes ou Établissements publics administratifs (EPA) sont comptés parmi les EP camerounaises et offrent des services publics dans les domaines de la santé (hôpitaux et centres de santé), de l’assainissement (collecte des ordures) et de l’éducation (universités).
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En plus de capter des ressources budgétaires importantes qui auraient servi à des dépenses sur les infrastructures et services sociaux, de nombreuses entreprises publiques font preuve de mauvaise gouvernance. Une pratique qui finalement semble soutenue par l’Etat central. Normalement, il est prévu qu’elles rendent compte trimestriellement à une structure centrale dédiée à cet effet. Les données financières des entreprises publiques camerounaises sont insuffisamment divulguées et transparentes. Or, en l’absence d’informations financières détaillées et fiables, les autorités peinent à évaluer la performance d’une entreprise et de son conseil d’administration, fixer des objectifs et procéder à une allocation efficace des capitaux.
Bien que la plupart des entreprises publiques camerounaises ne soient pas cotées en bourse, elles sont cependant financées par des taxes et devraient donc être encore plus transparentes que les sociétés cotées. En outre, elles doivent publier une note récapitulative de leur performance financière et opérationnelle dans une revue juridique et dans la presse nationale. En pratique, le respect de ces exigences est très inégal et les rapports sont souvent incomplets ou soumis avec d’importants retards. Très peu d’entreprises publiques publient leurs rapports financiers sur leurs sites Web. Elles sont aussi légalement tenues de faire l’objet d’un audit annuel et de soumettre une copie du rapport d’audit au ministère des Finances. La chambre des comptes a souvent relevé ces violations qui se passent en toute impunités. Au Parlement, les questions politiques, et l’arrivée tardive des textes de budget ne permet pas toujours à des députés versés dans la discipline partisane de répondre aux bonnes questions. La Banque mondiale en collaboration avec le gouvernement, s’est saisi du problème et a fait des recommandations.
Des pistes d’amélioration et de plaidoyer pour le suivi budgétaire.
Au premier plan, il est question d’adopter une règlementation spécifique concernant les obligations d’information et de transparence. Les rapports annuels seuls ne permettent de contrôler les entreprises publiques. Pour assurer une présentation plus régulière de rapports et un suivi des risques budgétaires, les EP doivent être tenues d’envoyer des états financiers trimestriels non audités à l’unité des EP, en plus des rapports financiers annuels audités. Il est également nécessaire de définir clairement ce qui devrait être inclus dans les rapports opérationnels et de performance annuels, et le gouvernement comme actionnaire public, devrait définir le type de rapports que l’unité des EP devrait produire, ainsi que le niveau d’accès du public à l’information financière des EP.
Idéalement, les entreprises publiques devraient publier en ligne leurs états financiers audités et leurs rapports annuels, et, de même, pour l’unité des EP en ce qui concerne ses rapports analytiques annuels sur les EP. En plus de l’information financière, les EP doivent produire des rapports sur les principales opérations survenues au cours de l’exercice fiscal (investissements, désinvestissements et événements majeurs) et les principaux indicateurs opérationnels, dont la composition du conseil d’administration, la rémunération de ses membres et les progrès réalisés vers l’atteinte de ses objectifs sociaux, le cas échéant.
Ensuite il serait bon de renforcer l’appropriation et la supervision des EP et avancer vers la création d’une unité centralisée. Le modèle de supervision des EP au Cameroun est assez complexe, avec un chevauchement de mandats et un manque de clarté. Par conséquent, il serait bon de centraliser la supervision au sein d’une seule unité. Grâce à ses outils et ses capacités, cette unité préparera des rapports réguliers sur la performance et le risque budgétaire des EP, en mettant l’accent sur leur performance financière et opérationnelle, leurs niveaux d’endettement et leurs pratiques en matière de gouvernance d’entreprise.
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Enfin il est recommandé de renforcer les audits et les contrôles des entreprises publiques. Le GdC devrait assurer la fiabilité de l’information financière et la redevabilité de la direction des EP. Les pratiques non conformes doivent être sanctionnées et remplacées, en temps opportun, par de bonnes pratiques de gestion financière. Les entreprises publiques doivent faire l’objet d’audits financiers annuels indépendants et publier les rapports audités, en plus des contrôles financiers effectués par les commissaires aux comptes. Les EP ne disposant pas de comité d’audit devraient les mettre en place de toute urgence.