Entrée en bourse des entreprises : l’Union monétaire fait pression sur les Etats de la Cemac
Alors que plusieurs tardent encore à mettre en œuvre cette disposition réglementaire qui rentre dans le cadre de la deuxième phase du processus d’unification du marché commun, le comité ministériel de l’Union Monétaire de l’Afrique Centrale appellent les Etats à se conformer.
C’était pourtant l’une des recommandations forte de l’acte additionnel portant unification du marché financier de la Cemac et mesures d’accompagnements signé le 19 avril 2018. En vue de renforcer le rôle du marché financier régional dans le financement des économies de la sous-région, les Etats de la Cemac s’étaient fixés jusqu’au 19 février 2020 pour « procéder à la cession partielle ou total en bourse de leurs participations dans le capital d’entreprises publiques, parapubliques, ou issus de partenariats publics privé notamment dans le cadre de programmes de privatisations » précise l’article 8 de l’acte additionnel. Conformément à cette convention, les membres du comité ministériel de l’Union monétaire d’Afrique centrale(Umac) avaient adopté 02 octobre 2019 à Yaoundé, le règlement relatif à « l’introduction en bourse des participations de l’Etat et de leurs démembrements, dans les entreprises exerçant dans la Cemac ». Sauf que 04 mois après, la forclusion du délai, les Etats ne se bousculent pas le pas pour se conformer à cette exigence réglementaire.
La sonnette d’alarme a une fois de plus été tirée le 03 juillet 2020 au cours de la session ordinaire du comité ministériel de l’Umac tenue par visioconférence. A l’issus de la concertation, le comité a appelé les Etats retardataires « n’ayant pas encore transmis la liste des entreprises dont une partie du capital est à introduire en bourse, à le faire dans les meilleurs délais en vue de l’application effective du règlement Cemac relatif à l’introduction en bourse des participations de l’Etat et de leurs démembrements » peut-on lire dans le communiqué officiel ayant sanctionné les travaux.
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Difficile accommodation
De manière concrète, l’entrée en bourse consiste pour les Etats de la Sous-région et leurs démembrements à vendre à des investisseurs sur le marché financier unifié une partie ou la totalité de leurs actions détenus dans les entreprises en activité dans la sous-région. Cette pratique qui rentre dans le cadre de la deuxième phase du processus d’unification vise à dynamiser la bourse conformément à l’article 8 de l’acte additionnel. Jusqu’ici, la Guinée Equatoriale semble être la seule à avoir transmis la liste de trois entreprises Equato-guinéennes à introduire en bourse. Dans les autres pays (dont le Cameroun) le cadre législatif rendant obligatoire cette entrée n’a pas encore été adopté en violation, ainsi, de l’article susmentionné qui prévoyait « l’adoption des cadres législatifs rendant obligatoire la cotation ou l’ouverture en bourse du capital d’entreprises multinationales ou filiales de multinationales exerçant leurs activités sur le territoire des Etats membres ».
Dans son édition No 318 du 16 mars 2020, EcoMatin posait déjà la réflexion sur les raisons d’une telle réticence des Etats vis à vis de cette mesure qui concourt pourtant à l’amélioration des performances des structures relevant totalement ou partiellement du portefeuille de l’Etat. L’une des raisons, et pas des moindres, évoquée par un haut responsable de la banque des Etats de l’Afrique centrale(Beac) dans les colonnes de votre journal, était la rigidité des conditions d’entrée en bourse. Pour lui, l’accès en bourse est conditionnée par la rentabilité, la disponibilité de l’information financière, des bénéfices dégagés au cours des 3 précédents exercices et une distribution des dividendes au cours de ces exercices. « Dans tous les pays de la sous-région, les entreprises publiques remplissent rarement ces critères. Il y en a seulement quelques-unes, notamment celles qui ont des capitaux étrangers qui peuvent atteindre un tel niveau de transparence » nous confiait notre source sous anonymat.
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Au sujet de la rentabilité un ancien directeur général adjoint d’entreprise parapublique au Cameroun confie : « mon expérience de ces entreprises m’a appris une chose : ce n’est pas la rentabilité économique qui constitue le « mindset » de leur gestion. Tant que le dirigeant d’une entreprise parapublique remplit les objectifs politiques et sociaux qui lui sont discrètement et même secrètement assignés, il a de bonnes chances de rester secrètement à la tête de cette entreprise même si celle-ci perd de l’argent chaque année ». Autre élément qui explique le fait que cette règlementation soit foulée au pied, c’est son caractère non contraignant. « On ne peut pas demander aux Etats d’amener leurs entreprises en bourse sans les y contraindre aux moyens de sanction. » commente le responsable de la Beac cité plus haut.
Le Cameroun sur les starting blocks
Avec la crise sanitaire actuelle et son impact sur l’économie, le Cameroun a, plus que jamais, besoin de mobiliser toutes les ressources disponibles pour impulser son plan de relance. Lors du conseil de cabinet spécial tenu le 02 juillet dernier et relatif à l’examen du document de programmation économique et budgétaire à moyen terme pour la période 2021-2023, le premier Ministre Joseph Dion Ngute a prescrit à son gouvernement de « privilégier l’ingénierie du partenariat, en identifiant celle des entreprises publiques dont le capital peut être ouvert au secteur privé dans la perspective de soulager le trésor public et d’accroître leurs performances ». Au cours de la présentation, aux députés, des grandes lignes dudit document aux parlementaires, le ministre des finances louis Paul Motaze a insisté sur cet aspect des choses. « les entreprises publiques peuvent faire l’objet de mesures susceptibles d’améliorer leur productivité et leur rentabilité, l’assainissement du portefeuille de ces dernières pouvant permettre à l’Etat d’augmenter ses recettes budgétaires, d’améliorer ses performances sur le front de l’emploi et de booster l’activité économique dans les secteurs où elles interviennent ». Si les détails liés aux délais d’implémentation de cette mesure n’ont pas été précisés, il n’en demeure pas moins que la pandémie du coronavirus et ses effets pervers sur l’économie devraient lui donner un coup d’accélérateur.
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