Emprunt obligataire 2023 : face aux conditions du marché, le Cameroun réduit l’enveloppe à 150 milliards de Fcfa
Au cours d’une séance de travail organisée le 25 mai 2023 à Yaoundé, le ministre des Finances et le consortium d’arrangeurs retenu pour le 7ème appel public à l’épargne du Cameroun ont finalement arrêté les conditions de l’opération, dont l’enveloppe initiale a été réduite de 50 milliards FCfa, soit 25%. Seul le montant de la prise ferme divise encore les parties.
Face à des investisseurs un peu trop exigeants sur les taux d’intérêt, au regard de la politique monétaire restrictive mise en place par la banque centrale pour restreindre l’accès aux financements afin de combattre l’inflation galopante dans la Cemac, le ministre des Finances a résisté jusqu’au bout. Au lieu d’un emprunt obligataire de 200 milliards de Fcfa, avec un taux d’intérêt élevé dicté par la météo sur le marché des capitaux, Louis Paul Motazé et ses collaborateurs ont finalement décidé de lancer un appel public à l’épargne de 150 milliards de Fcfa à taux et maturités variables. Selon les sources d’Ecomatin, l’hypothèse de deux emprunts distincts en 2023 a même été sérieusement envisagée face à la rigidité des arrangeurs sur les taux d’intérêt et le montant de la prise ferme, avant d’être finalement abandonnée.
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Au final, le Cameroun se prépare à lancer, plus précisément ce 12 juin, le tout premier emprunt obligataire à taux d’intérêt et maturités multiples dans la Cemac, communauté économique au sein de laquelle sont rassemblés le Cameroun, le Congo, le Gabon, le Tchad, la République centrafricaine et la Guinée équatoriale. De façon détaillée, révèlent les sources d’Ecomatin, sur le même titre dont la fin de la période de souscription est prévu au 28 juin, le Cameroun va proposer aux investisseurs trois taux d’intérêts et trois maturités différentes. Sur une première tranche pour laquelle les investisseurs seront appelés à souscrire à hauteur de 80 milliards de Fcfa, le taux d’intérêt qui sera servi est de 6,75%, pour une maturité de 6 ans. Sur une seconde tranche de 50 milliards de Fcfa, pour une maturité de 4 ans, les souscripteurs seront rémunérés à 6%. Enfin, une troisième tranche de 20 milliards de Fcfa sera proposée aux investisseurs à un taux d’intérêt de 7,25%, pour une maturité de 8 ans.
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De l’avis des habitués des milieux de la finance, à travers cette stratégie qui consiste à rémunérer plus les souscripteurs qui ciblent des maturités longues, et un peu moins ceux qui parient sur des courtes maturités, le Cameroun reste fidèle à sa politique de maîtrise des coûts des opérations de recherche des financements sur le marché des capitaux, et contente en même temps les investisseurs devenus friands des taux d’intérêts élevés. Cependant, au regard de la situation actuellement tendue du marché, cette stratégie garantit-elle le succès de l’emprunt obligataire que le Cameroun se prépare à lancer ? La question est d’autant plus d’actualité que, selon les sources d’Ecomatin, le gouvernement et les arrangeurs ne parviennent toujours pas à s’accorder sur le volume de la prise ferme, qui est le montant que les arrangeurs garantissent déjà à l’emprunteur avant même l’ouverture des souscriptions pour compléter l’enveloppe sollicitée.
En effet, alors que le Cameroun tablait encore sur un emprunt de 200 milliards de Fcfa, le consortium d’arrangeurs constitué d’Afriland Bourse & Investissement, Société Générale Capital Securities Central Africa, Attijari Securities Central Africa (Asca), Upline Securities Central Africa (Usca) et Financia Capital n’a fait au ministre des Finances qu’une offre de prise ferme d’un montant de 45 milliards de Fcfa. Avec une telle enveloppe de prise ferme, le Cameroun devait se présenter sur le marché avec un besoin de 155 milliards de Fcfa, ce qui aurait été suicidaire, puisque le pays peine déjà depuis le début de cette année à mobiliser des enveloppes de moins de 50 milliards de Fcfa sur le marché des titres publics de la Beac, par exemple. Conscient de cette réalité, « le ministre Motazé a dû convoquer les directeurs généraux des banques et sociétés affidées, pour taper du poing sur la table », confie une source ayant participé aux négociations.
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Face à l’interpellation du ministre des Finances, les arrangeurs vont revoir leur enveloppe à la hausse. Une prise ferme de 102 milliards de Fcfa est finalement proposée au gouvernement. Mais, cette offre, qui valait pour un emprunt de 200 milliards de Fcfa, sera ramenée à 85 milliards de Fcfa, avec la décision du gouvernement de réduire l’appel public à l’épargne à 150 milliards de Fcfa. Ce montant a été maintenu par les arrangeurs jusqu’à la fin de la séance de travail du 25 mai 2023. Ce qui signifie qu’il faudra aller chercher 65 milliards de Fcfa sur le marché. « Pour ne prendre aucun risque au regard des conditions du marché, le ministre des Finances a placé la barre de la prise ferme à 120 milliards de Fcfa. Une dernière séance de négociation est prévue mardi prochain (30 mai 2023) », informe une source d’Ecomatin.
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