Ecotourisme : une vingtaine de sites touristiques en détresse à l’Est
Dotée d’une immense richesse écologique, dominée par les grands arbres, 1500 essences végétales, plus de 500 espèces animales et située au carrefour d’Afrique Centrale, propice à l’écotourisme, cette activité, source d’emploi et de richesse n’est pas développée dans la région du soleil levant. Les lieux historiques et de loisir demeurent sous exploités et abandonnés. Pour cause, des nombreuses difficultés dans le secteur notamment l’enclavement et le manque d’investisseurs pour aménager les sites.
La grotte du Roi Mbartoua, lieu où le fondateur de la ville de Bertoua habitait pendant la période de la colonisation pour fuir l’agression des colons est à Gounté. Une localité de l’arrondissement de Mandjou, située à 25 kilomètres de Bertoua, chef-lieu de la région de l’Est. Selon le témoignage des patriarches Gbaya comme Ousmanou Gomna, aujourd’hui âgé de 80 ans, « c’est dans cette grotte que le Roi Mbartoua se cachait et planifiait ses attaques contre les allemands qui voulaient occuper son territoire ». Malheureusement, ce site touristique de résistance n’est pas viabilisé et il est très peu connu des populations du Cameroun en général et celles de la région de l’Est en particulier. La dernière fois qu’une excursion a été organisée dans ces lieux par la délégation régionale du Tourisme et des loisirs date de 2016. « L’unique raison qui avait milité pour l’organisation d’une excursion sur ce site par la délégation régionale du Tourisme et des loisirs en 2016, était sa proximité avec la ville de Bertoua. Le choix même de Gounté vient du fait que ce site touristique est situé à 25 kilomètres de Bertoua. Dont compte tenu de nos moyens nous avons choisi ces lieux. Nous sommes limités quant aux moyens d’organiser les excursions sur les autres sites touristiques parce que l’accès à ces sites est difficile à cause de l’enclavement et ces sites ne sont pas aménagés », indique Agnès Kemjio, alors chef service de la promotion du Tourisme à la délégation régionale pour qui, « il faut aménager les pistes d’accès et les sites. Voire par exemple le lac Letta qu’on a aussi visité, c’est un grand site qui n’est pas aménagé. On a fait plus de 4 kilomètres dans la voiture et 3 kilomètres en brousse pour accéder à ce site parce qu’il n’y a pas une voie d’accès ». Cette dernière précise qu’ « on dit généralement que le Cameroun c’est l’Afrique en miniature mais moi entant qu’ancien chef service régional chargé de la promotion du Tourisme, j’estime que l’Est c’est le Cameroun en miniature parce qu’on retrouve tous ce que le Cameroun regorge en terme de potentiel touristique. Bref, l’Est est une aire écologique dominée par les grands arbres et on y identifie près de 1500 essences végétales dont certains sont entièrement protégées, plus de 500 espaces animales qui peuplent surtout la réserve du Dja déclarée patrimoine mondiale de l’humanité entre autres par l’UNESCO»
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Comme la grotte de Mbartoua inconnue du grand public, celles de Mvanda et d’Esseng dans l’arrondissement de Nguélémendouka, département du Haut-Nyong, qui figurent dans la liste des sites touristiques répertoriés par la délégation régionale de Tourisme et des loisirs, ne sont pas connus du grand public. De l’autre côté, les chutes de Mali Limboka et de Moniï dans l’arrondissement de Bétaré-Oya, le lac Letta, les chantiers d’or de Bétaré-Oya, le lac Batouri, les lacs Mokounounou formés par un bras mort de la Ngoko, les chutes de Boumba dans l’arrondissement de Yokadouma et le paysage de Wasangué entre autres, qui auraient dû être des lieux d’attraction et de plaisir sont aussi inconnus et abandonnés à eux-mêmes.
Potentialités
De façon générale, l’Est entant que région de forêt dense s’impose comme destination phare au Cameroun pour l’écotourisme. Conscients de cette opportunité, le gouvernement camerounais et de nombreuses ONG comme le Fonds mondial pour la nature (WWF), s’activent pour protéger l’écosystème afin de préserver ce patrimoine naturel de toute influence urbaine. Dans cette perspective, tout est mis en œuvre pour éviter la pollution dans la réserve du Dja remarquée pour sa riche biodiversité et pour la grande variété des primates qui y vivent (gorille des plaines de l’ouest, chimpanzé, éléphant de forêt….». Grace à ces efforts, près de 90% de la superficie de la réserve de Dja est resté inviolée. Ce patrimoine mondial de l’humanité, fait partie des forêts denses humides qui constituent le bassin de Congo. Au même titre que la réserve de Dja, le parc national de Lobéké, situé dans le département de la Boumba-et-Ngoko est un royaume de nombreux oiseaux, gorilles et autres mammifères tels les éléphants, buffles, antilopes et bien d’autres animaux qui peuvent être observés à partir des miradors construits dans les clairières de Bolo, Djangui, Ndangaye, Ngoa, de Djaloumbe et la Petite savane. Ses rivières poissonneuses et les fêtes traditionnelles des pygmées Baka sont autant d’attrait pour des potentiels touristes. Toujours au niveau des réserves, il y a le parc de Boumba Bek dans l’arrondissement de Moloundou, la réserve de Mbam-Djerem à cheval entre les régions de l’Est et l’Adamaoua, le sous-bois de Madouma abritant la vielle demeure du Dr Jamot et le parc de Nki dans l’arrondissement de Ngoyla.
Difficultés
Malgré ce fort potentiel touristique de la région de l’Est, ce secteur de l’économie, source de richesse et d’emploi est restée à l’étape primitive à cause des nombreuses difficultés et manque d’investisseurs. « Pour viabiliser un site touristique, il faut l’aménager, il faut les voix d’accès, il faut construire les infrastructures d’accueil, il faut un personnel qualifié, il faut les plaques de signalisation. Ce qui n’est pas le cas avec les nombreux sites touristiques actuels », indique-t-on à la délégation régionale de Tourisme et des loisirs de l’Est.
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Dans le même chapitre, Magloire Tamto, président du syndicat patronal des industries de tourisme, hôtellerie et loisirs de l’Est (SPITHL) a également diagnostiqué d’autres problèmes. Il s’agit de « l’incapacité de la Camwater de fournir l’eau dans les établissement hôteliers, le manque d’énergie, l’excès de contrôle, le harcèlement fiscal et l’enclavement ». Pour sortir de cette situation, le président de ce syndicat patronal sollicite des pouvoirs publics, « le bitumage de la route Bertoua-Batouri-Yokadouma (dont les travaux sur l’axe Bertoua-Batouri sont cours; ndlr), l’ouverture des routes qui mènent sur des sites touristiques, la création d’une banque touristique et que le syndicat soit associé à toutes les missions de contrôle dans les établissements touristiques ». En attendant, les conséquences de cette sous-exploitation des ressources touristiques sont visibles dans le déclin des activités et des recettes touristiques. Selon les chiffres de la délégation du tourisme « la plupart de ceux qu’on peut qualifier de touristes d’après les fichiers des hôtels, ne sont que les chauffeurs grumiers généralement en transit pour le Tchad, la RCA et le Congo-Brazzaville ».
Les recettes du tourisme d’aventure quant à elles sont presque inexistantes. La chasse sportives et les prises de photos dans des clairières ont connu une chute drastique depuis la pandémie du coronavirus en 2020.
« Les communes doivent aménager et promouvoir les sites touristiques »
Maxime Ntsene, Chef service des sites touristiques à la délégation régional du Tourisme
Dans le cadre de la décentralisation, l’aménagement des sites touristiques revient aux communes. C’est dans ce sens que depuis quelques années, le ministère alloue des fonds aux communes. Il y a deux ans, des fonds ont été accordés à la commune de Mandjou pour l’aménagement de la grotte de Mbartoua à Gounté. Ces travaux sont en cours. On a aussi accordé des moyens pour équiper le bâtiment « Gite d’étape » du village Nika à Diang. Cet endroit avait servi d’escale aux soldats français de retour de la Centrafrique pour Douala pendant la deuxième guerre mondiale. Au niveau de Lala par Kétté, le ministère a financé la construction d’un mirador pour permettre aux visiteurs de bien observer la mare à hippopotame mais il faut que le site soit entretenu. En général, le ministère fait beaucoup d’efforts mais il faut que les communs prennent le relai. Dans le cadre des compétences transférées, elles doivent aménager, valoriser et promouvoir l’image de marque de ces sites touristiques pour attirer les touristes car c’est une activité qui génère les emplois et le développement local.
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Quelques sites touristiques répertoriés
Réserves
La réserve du Dja (526.000ha) ; la réserve de Boumba Bek ; la réserve de Mbam Djerem ; le sous-bois de Madouma abritant la vieille demeure du Dr Jamot ; la réserve de Nki
Chutes, cascades et lacs
Les chutes de Boden, les cascades de Ndong (arrondissement de Ndélélé) ; le lac Batouri
Le lac Mokounounou (Boumba-et-Ngoko) ; les chutes de Boumba ; les chutes de Mali (Bétaré-Oya) ; le Berges de la Sanaga (Belabo).
Monts, Grottes et Pic
Les monts Pandi (Batouri) ; le sanctuaire marial ; les grottes de Mbartoua ; le rocher Bindia ; la grotte de Mvanda et d’Esseng (NguélémendoukaLa grotte de Timbé (Doumé).
Autres sites
La mare aux hippopotames (Ndélélé) ; la mare aux hippopotames (Lala, Kétté) ; les mines d’or exploité artisanalement ; les gites d’étapes de Nka ; le campement des pygmées de Mayos ; la forteresse allemande (Doumé) ; la ville de Lomié avec son architecture coloniale reflétant le passage des Allemands.