Don de blé russe à la Centrafrique : face à la polémique, Touadera sollicite l’intervention de Paul Biya
La ministre centrafricaine des Affaires étrangères Sylvie Baïpo-Temon a été reçue mardi par le chef de l’Etat camerounais, au cours d’une audience au Palais de l’Unité de Yaoundé. Au cœur des échanges, l’intervention de Paul Biya dans cette affaire de blé offert par la Russie à la Centrafrique qui divise l’industrie meunière camerounaise alimentée par des soupçons de détournement programmé de ce produit.
L’affaire du don de blé russe à la Centrafrique était au centre des discussions mardi, au sommet de l’Etat camerounais. Alors que la polémique enfle au sein de l’industrie meunière où des voix s’élèvent pour mettre en garde contre un éventuel détournement de cette cargaison de 50 000 tonnes de blé, le président centrafricain Faustin-Archange Touadera a dépêché un émissaire chez son homologue camerounais. Sylvie Baïpo-Temon, la ministre centrafricaine des Affaires étrangères a été reçue le 16 janvier par Paul Biya, au cours d’une audience au Palais de l’Unité de Yaoundé.
Les deux personnalités ont abordé divers sujets, notamment l’intervention personnelle du chef de l’État camerounais en décembre 2023. Cette intervention visait à faciliter le transit de la cargaison de blé de la République centrafricaine (RCA) par le port de Douala. Selon plusieurs sources consultées par EcoMatin, cette démarche aurait été rendue nécessaire en raison de la controverse suscitée par les meuniers camerounais. «L’implication personnelle de S.E Paul Biya a été importante pour permettre à la transaction d’aller à son terme, notamment en ce qui concerne le transit de ce don en céréales et en blé», a déclaré Sylvie Baïpo-Temon au sortir de l’audience à elle accordée.
Le Cameroun accusé par une certaine opinion centrafricaine
Toujours selon nos sources, le président camerounais aurait assuré à son invitée son plein appui pour assurer l’acheminement intégral de la farine issue de la transformation de cette cargaison de blé en RCA, en vue de l’objectif humanitaire qui lui est dédié.
Quelques jours auparavant, EcoMatin a reçu copie d’une correspondance adressée le 10 janvier par l’ambassadeur du Cameroun en RCA au ministre camerounais des Relations extérieures. La lettre qui a pour objet «Affaire du don de blé russe à la RCA», révèle qu’une partie de l’opinion centrafricaine «est montée aux créneaux pour dénoncer et condamner notre pays [le Cameroun] qui selon elle se serait prêté au jeu du détournement du don de blé russe, privant ainsi, selon elle, de nombreux Centrafricains des retombées de ce don destiné à certaines couches défavorisées du pays».
Une situation qui a nécessité des clarifications du directeur général des douanes centrafricaines Frédéric Theodore Inamo, dont les propos rapportés par Médiasplus dans son édition N°3133du lundi 8 janvier 2024 sont en annexe de la lettre de l’ambassadeur camerounais. Le journal rappelle que c’est en raison du manque de minoterie en RCA et du caractère périssable de la cargaison de blé, que les autorités centrafricaines ont décidé de transformer le produit brut en farine sur place au Cameroun, avant de le transporter à Bangui. «Il n’y a donc ni fraude ni intention de détourner un don à caractère humanitaire», a laissé entendre Frédéric Theodore Inamo. De quoi rassurer les meuniers camerounais ? Pas pour autant.
Les meuniers camerounais pas rassurés
Des membres du Groupement des industries meunières du Cameroun (Gimc) craignent qu’une fois transformée, une grande partie de la farine de blé destinée à la Centrafrique soit finalement vendue sur le marché camerounais à un prix relativement bas. «Au moment où l’on apprend que le blé destiné à la Centrafrique a été vendu à deux entreprises camerounaises pour sa transformation, la position de l’interprofession reste la même car elle est pleine de responsabilités, d’humanisme, de solidarité entre peuples, soutient un industriel camerounais. Nous proposons de mettre à disposition nos installations de transformation de ce blé au profit de la Centrafrique, moyennant une rétribution à convenir avec Bangui, en nous engageant à restituer l’intégralité de cette cargaison destinée au peuple centrafricain».
Pour rappel, cette cargaison de blé destiné à la RCA est une promesse faite par la Russie qui s’était engagée lors du Sommet Russie-Afrique de juillet 2023 à partager gracieusement 200 000 tonnes de blé entre 6 pays africains, dont la RCA qui demeure l’un des pays les plus pauvres au monde. D’après les estimations publiées par la Banque mondiale en 2020, environ 71 % de la population centrafricaine vit en dessous du seuil de pauvreté international (1,90 dollar par jour, en parité de pouvoir d’achat). Alors que les Nations Unies estiment que 56% de la population a besoin d’une assistance humanitaire et d’une protection en 2023, soit une augmentation de 10 % par rapport à 2022.
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