Dépenses fiscales : 439 milliards de FCFA concédés aux entreprises et ménages
Dans un rapport annexé à la loi de finances 2023, le ministère des Finances révèle l’ampleur des avantages fiscaux que l’Etat a accordés aux contribuables en 2021. Bien qu’en baisse de 13 milliards, le coût budgétaire de ces dérogations fiscales reste au-delà des attentes. Le président de la République a instruit une réduction de 100 milliards depuis 2019.
Objectif non atteint. C’est le premier constat qui se dégage à la lecture du dernier rapport sur les dépenses fiscales. C’est la septième étude du genre. Produit par le ministère des Finances, ce document est un annexe du projet de loi de finances 2023 adopté en décembre 2022 par le Parlement. Exonérations totales, partielles ou temporaires, déductions, abattements, provisions en franchise d’impôts, taux préférentiels, etc. l’on apprend que le gouvernement continue de se comporter en « père noël » avec les contribuables, multipliant à tour de bras, les mesures dérogatoires constitutives de dépenses fiscales. En tout, 461 ont été recensées. Pour un coût budgétaire de 439,6 milliards de FCFA. Plus de 67,5% des mesures incitatives portent sur les activités économiques et environ 32,5% sont relatives aux activités socioculturelles. En termes comptables, le coût global des dépenses fiscales (439,6 milliards) représente 15,5% des recettes fiscales non pétrolières de l’année, qui sont de 2 844,8 milliards. Par rapport au PIB de 2021 estimé à 25 157,8 milliards, la dépense fiscale globale représente 1,7% contre 1,9% en 2020. Les dépenses fiscales les plus importantes concernent les DDI qui ont entraîné des pertes de recettes de 194,8 milliards. Celles sur la TVA ont fait perdre 165,24 milliards. Les facilités diverses sur les droits d’accises ont fait perdre 38 milliards. Les pertes liées à l’impôt sur le revenu s’élèvent à 36,5 milliards contre 33,7 milliards pour l’impôt sur les sociétés, 4,96 pour les droits d’enregistrement et 2,79 milliards pour l’Irpp.
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Ce « sacrifice » de l’Etat a profité aux ménages à hauteur de 60,9% (267,5 milliards) contre 39,1% pour les entreprises (172,1 milliards). 53,3% de la dépense fiscale vise des objectifs sociaux (234 milliards) contre 46,1% pour des objectifs économiques et 0,6% pour des objectifs environnementaux. Par catégorie de biens, les biens de première nécessité ont capté 192,3 milliards des dépenses fiscales dont la farine (41,4 milliards), le riz (37,2 milliards), le poisson (27,5 milliards), le lait et crème de lait (19 milliards), les froments, blés et méteils (18,8 milliards), les produits pétroliers et gaziers (8,6 milliards), le pain et assimilé (5,4 milliards). La tranche sociale d›eau et d›électricité est une dépense fiscale de 15,8 milliards. Les intrants, équipements et matériels agropastoraux ont capté 27,6 milliards. Les biens d›équipement, immobiliers et matériels liés au programme d’investissement ont capté 79,9 milliards. Dans le cadre du programme économique et financier conclu avec le FMI en juin 2017, le gouvernement s’est engagé à effectuer un meilleur ciblage des dépenses fiscales destinées aux ménages les plus défavorisés étant entendu que le poste « alimentation, boisson non alcoolisées » qui bénéficie de 46% des dépenses fiscales en matière de TVA profite à hauteur de 5,8% seulement aux ménages défavorisés contre 40,8% pour les ménages les plus riches ;les dépenses de consommation des ménages étant fonction du niveau de consommation. Par rapport à l’exercice 2020, le coût global des dépenses fiscales recule de 12,7 milliards FCFA « dû en partie à la révision de la méthodologie », précise le ministre des Finances Louis Paul Motaze.
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Ce détail peut apparaître comme un facteur «aggravant » puisque depuis la circulaire préparatoire à la loi des Finances 2019, le président de la République prescrit chaque année «la réduction de la dépense fiscale à travers la suppression progressive des exonérations relatives aux impôts indirects à hauteur de 100 milliards FCFA». Quand on sait que les dépenses fiscales étaient 452,272 milliards en 2020 contre 584,694 milliards en 2019 et 545,144 milliards en 2018. Une application stricte de la directive présidentielle aurait ramené les dépenses fiscales autour de 445 milliards en 2019, 345 milliards en 2020 et 245 milliards en 2021! Bien plus, alors qu’elles sont tombées à 380 en 2019, les mesures dérogatoires ont bondi à 461 en 2021.
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