Décentralisation : le recouvrement des impôts par les prestataires privés locaux est interdit
Dans la perspective d’une optimisation de leurs recettes fiscales, certaines municipalités ont opté pour la concession du recouvrement des impôts et taxes locaux. Si l’intention est noble, cette démarche est cependant illégale. Le ministre de tutelle vient d’adresser un rappel à l’ordre aux maires.
« Affaire nkap, affaire très sérieuse ». Pas la peine de force votre intelligence pour comprendre puisque c’est de l’argot. C’est une expression populaire au Cameroun pour dire qu’il ne faut pas prendre les questions liées aux finances avec légèreté. Il est difficile de croire que tel est le cas dans l’esprit des magistrats municipaux. Néanmoins et même si les édiles sont animés par les intentions les plus nobles, la tutelle vient dire stop ! Le 25 juin 2021, le ministre de la Décentralisation et du Développement local (Minddevel) a lancé un rappel à l’ordre aux maires quant au respect des règles de compétences en matière de fiscalité.
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Dans une correspondance que EcoMatin a pu consulter, Georges Elanga Obam indique que son attention a été appelée sur le fait que de nombreuses municipalités procèdent à la contractualisation au bénéfice des prestataires privés, des missions d’immatriculation, reclassement et recouvrement des impôts et taxes locaux, dans une perspective d’optimisation des recettes fiscales attendues. Pour le Minddevel, « le recours aux tels partenariats est contraire aux dispositions combinées de l’article C6 alinéa 3 du Code général des impôts et le point 22 de la Lettre-Circulaire n°003/LC/MINFI du 15 février 2021 relative à l’exécution, au suivi et au contrôle de l’exécution des budgets des CTD pour l’exercice 2021, qui ne confère aux collectivités territoriales décentralisées que la gestion des seules taxes communales ou régionales. »
Privilège du Trésor
En effet, l’article C 6, alinéa 4 stipule que « En matière de recouvrement des impôts et taxes, les collectivités territoriales bénéficient du privilège du Trésor ». Une prérogative qui est incessible. De même, le point 22 de la Lettre-Circulaire du ministre des Finances précise que « (…) pour ce qui est des taxes communales ou régionales à gestion propre, leur émission sera assurée par les chefs des exécutifs des CTD ». Par ailleurs, poursuit le Minddevel, l’article C121 proscrit toute forme de concession relativement à la gestion de la fiscalité locale. Il précise à cet effet que : « Les opérations d’émission, de recouvrement des taxes communales ne peuvent faire l’objet de concession, sous peine de nullité ». Voilà qui a le mérite d’être claire.
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Dans la ville de Yaoundé par exemple, c’est une véritable course poursuite entre les équipes de la Communauté urbaine et celles des communes d’arrondissement pour la collecte des impôts et taxes communales au point où les assujettis sont dans la confusion. Selon l’article 62 de la loi du 15 décembre 2009 portant fiscalité locale, les taxes communales comprennent : la taxe d’abattage du bétail, la taxe communale sur le bétail, la taxe sur les armes à feu, la taxe d’hygiène et de salubrité, les droits de fourrière, les droits de place sur les marchés, les droits sur les permis de bâtir ou d’implanter, les droits d’occupation temporaire de la voie publique, la taxe de stationnement, les droits d’occupation des parcs de stationnement, les tickets de quai, les droits de stade, la taxe sur les spectacles, la taxe sur la publicité, le droit de timbre communal, la redevance pour dégradation de la chaussée, la taxe communale de transit ou de transhumance, la taxe sur le transport des produits de carrières, les droits de parkings, la taxe sur les produits de récupération, etc.
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