Décentralisation : le Minepat à couteaux tirés avec les Mairies
Il reproche aux Collectivités Territoriales Décentralisées de présenter des projets immatures. Pourtant, les chefs des exécutifs municipaux accusent l'Etat central de leur imposer des projets loin des réalités des populations. Ces désaccords ont refait surface lors des ateliers de formation organisés par le Minepat au profit des CTD du Cameroun, dans le cadre global des activités préparatoires de la réforme des finances publiques 2019/2021.
15 ans après la mise en œuvre officielle de la décentralisation au Cameroun, de nombreuses faiblesses et manquements plombent ce processus lancé à la faveur des lois d’orientation de la décentralisation et celle fixant les règles applicables aux communes. D’où la tenue de la première session ordinaire du conseil national de la décentralisation au titre de l’année 2018, le 7 août 2018. Officiellement «pour remédier aux problèmes de transfert des compétences et des ressources de l’Etat central vers les CTD», justifie Gabriel Amougou, le sous-directeur de suivi des projets au ministère de l’Economie, de la planification et de l’Aménagement du Territoire (Minepat).
En effet, toujours d’après l’expert «il a été observé que les administrations transféraient des projets aux CTD au lieu des dotations leur permettant d’exercer pleinement les compétences qui leur ont été transférées». Le Gouvernement a ainsi engagé depuis 2018, une importante réforme du mécanisme de budgétisation des ressources d’investissement public transférées aux CTD. Réforme traduite par l’élaboration d’un nouveau «mode opératoire de budgétisation et de suivi des ressources d’investissement public transférées aux CTD », suite au Conseil national de la décentralisation de 2018.
C’est dans ce cadre global des activités préparatoires de la réforme des finances publiques 2019/2021, qu’en collaboration avec le ministère de la Décentralisation et du Développement local (Minddevel), le Minepat organise au profit des CTD, des ateliers de formation des administrations sur ce nouveau mode opératoire de budgétisation. Celles du département du Wouri était réuni autour des thèmes: «Fondement de la réforme sur la budgétisation, l’exécution et le suivi des ressources d’investissement public transférées aux CTD», «Acteurs et rôles dans le dispositif rénové de budgétisation des ressources transférées en investissement transférées aux CTD».
La concertation a laissé éclater au grand jour les divergences entre l’Etat central et les mairies du Cameroun : transfert des compétences sans ressources, insuffisance et lenteur des ressources transférées, projets inscrits ne reflétant pas les besoins des populations, faible maturation des projets des CTD, absence ou manque de ressources humaines compétentes au sein des CTD, etc., un véritable chassé-croisé entre ces deux groupes d’acteurs de la décentralisation. D’après Gabriel Amougou, «4/10 maires modifient leurs projets lorsqu’ils sont déjà inscrits dans le journal des projets». Gustave Ebanda, maire de Douala 5, justifie cet état de fait: «il peut arriver en effet que des projets subissent des modifications. Ceci n’est pas dû aux projets non-matures venant des CTD. Mais parfois parce que certains projets sont inscrits sans consultation à la base». Sur le banc des accusés, «des ministres qui envoient des projets depuis la capitale au mépris des réalités des populations », accuse Francois Soman, le maire de Pouma.
« L’ambition de cette réforme a été de changer le mécanisme de transfert des ressources d’investissement public aux CTD, en privilégiant l’approche dotation plutôt que l’approche projet qui prévalait jusqu’en 2018». Dans la pratique, les innovations induites par ce dispositif rénové sont l’octroi à toutes les communes de la Dotation générale de la Décentralisation (DGD), volet Investissement, sous forme de dotation, le transfert par compétence et sous forme de dotation des ressources du Bip des administrations sectorielles aux CTD, ainsi qu’une plus grande responsabilisation des CTD dans l’élaboration du Journal des projets. Au terme de débats houleux, plusieurs recommandations seront formulées dont celle portant sur la convocation par chaque mairie, d’une session extraordinaire de leur conseil municipal, d’après Gabriel Amougou, à l’effet «d’ajuster la liste des projets en fonction des contraintes budgétaires qui seront examinés au cours de ladite session».