Grand dialogue national : les propositions du secteur bancaire camerounais
L’Association professionnelle des établissements de crédit du Cameroun (Appecam), en tant que représentant des acteurs de la finance a choisi de s’exprimer sur le volet reconstruction et le développement des zones sinistrées.
Le secteur bancaire a produit un rapport sur sa contribution au Grand dialogue national sur la crise dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest qui se déroule du 30 septembre au 04 octobre 2019. Ledit document est intitulé : « Grand Dialogue : Au-delà du débat, quelles propositions de la profession bancaire ? ». L’Association professionnelle des établissements de crédit du Cameroun (Apeccam) indique que, dans le cadre du débat créé autour de la reconstruction et le développement des zones touchées par le conflit, voire la décentralisation et le développement local, elle considère important de souligner quelques éléments au regard de l’enjeu que représente le bon fonctionnement de la profession bancaire au service du financement de l’économie, de la couverture des risques ainsi que de l’allocation de l’épargne.
Pour reconstruire le Cameroun, notamment les régions du Nord-Ouest, du Sud-Ouest et de l’Extrême-Nord, la profession bancaire veut participer pleinement à la reconstruction des régions sinistrées et au développement des collectivités territoriales, œuvrer en faveur de la relance des activités économiques et de la croissance à moyen terme du pays en finançant les particuliers et les collectivités, favoriser le processus de diversification compatible avec les besoins de création d’emplois, d’amélioration de la compétitivité et de renforcement du degré d’intégration de l’économie.
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Au de-là de ces mesures immédiates et concrètes, la conviction de la profession bancaire est que le lien de confiance entre les citoyens et les pouvoirs publics ne pourra se reconstruire qu’en développant plusieurs grandes ambitions. La première est d’entreprendre, en synergie avec les banques des actions axées sur le financement de l’économie dans le but de dynamiser la compétitivité des unités de production, d’accroître la contribution du secteur secondaire du PIB et d’améliorer l’accessibilité des produits manufacturiers des régions sinistrées à l’ensemble du Cameroun, aux marchés sous-régionaux et internationaux.
Dans un second temps, il faudra procéder à l’élaboration d’une politique nationale de développement bancaire prenant en compte les chaînes de valeur internationales, la stratégie commune d’amélioration de la compétitivité bancaire intégrant les chaînes de valeur transfrontalières comme un support essentiel au développement de l’activité économique.
Pour y parvenir, l’Apeccam souhaite vivement la mise en place de l’Observatoire du climat des affaires au Cameroun. Maintes fois réitéré, notamment dans le cadre du Cameroon Business Forum (CBF), son opérationnalisation devrait permettre un meilleur suivi de la dynamique du système productif. Il serait utile que cet observatoire puisse centraliser l’information, de manière à pallier les éventuels retards dans la transmission des données statistiques.
Les autres points qui préoccupent l’Apeccam
Sur la problématique des prêts non-performants et des créances mobilisées dans les zones sinistrées, l’Apeccam propose la création d’un cadre de concertation. Par ailleurs, il serait indiqué de prendre en compte la délicate situation des entreprises opérant dans les zones dites économiquement sinistrées.
« En effet, beaucoup d’entreprises installées dans les zones sinistrées ont vu leur outil de production détruit ou vandalisé. Il serait de bon ton de leur apporter une assistance directe en vue de faciliter le démarrage de leurs activités », propose la profession bancaire. Pour ce qui concerne l’inclusion financière, l’Apeccam propose au gouvernement de faciliter l’accès aux services financiers afin de résoudre les inégalités. Pour ce faire, il faudra un comité technique en charge de l’inclusion financière. L’instance aurait pour mission d’assurer le monitoring de l’implémentation des politiques décidées par notre pays à travers un reporting systématique et périodique pour mesurer l’évolution de l’inclusion.
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Au plan institutionnel et politique, le Cameroun est interpellé d’autant plus qu’il s’agit d’accélérer le processus de réduction de la masse monétaire en circulation sous forme fiduciaire et encadrer le processus d’insertion des populations démunies ou à faibles revenus dans le système financier global. L’une des retombées des mesures sus évoquées serait de rendre effective l’initiative pour un accès universel aux services financiers à l’horizon 2020, auquel les pays de la sous-région Afrique centrale ont souscrit.
L’Apeccam suggère d’assurer l’éducation financière, la sensibilisation et les politiques d’incitation comme des moyens d’accompagner les populations à faibles revenus dans différents modes d’appropriation des services et produits financiers de base. Il ne s’agit pas d’une mission à abandonner aux seules institutions financières. Les entreprises du secteur des communications électroniques et les Fintechs doivent contribuer à coordonner les actions loin des « joutes concurrentielles inutiles ». L’enjeu pour ces entreprises est également de tirer profit du cadre réglementaire de la Beac qui est favorable à l’émergence de nouveaux acteurs non bancaires pour accroître leur chiffre d’affaires et rentabiliser leurs activités.
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Les banquiers proposent la mise sur pied d’un Crédit-bureau et l’élargissement de son périmètre aux fournisseurs de données non financières, notamment les opérateurs télécoms, les régies eau/électricité. Cette stratégie permettra d’établir une meilleure évaluation du profil risque des personnes bancarisées et non bancarisées prétendant à un emprunt. Un dispositif qui permettra également au Cameroun de gagner quelques places au Doing Business et attirer davantage d’investisseurs.
De même, indique l’Apeccam, la mise sur pied d’un tel instrument permettra à la profession bancaire et au régulateur de s’inspirer des meilleures pratiques internationales pour exploiter des données provenant de multiples sources afin de surveiller, entre autres, le risque systémique du pays, tout en répondant à l’évolution de la réglementation financière imposée par les nouvelles normes internationales. Il est à noter que la gestion occupe une place centrale dans le processus de détermination de la solvabilité des clients. Il faut dire que, dans de nombreux pays, l’information est devenue une denrée à forte valeur ajoutée, et le secteur financier intègre désormais cette «variable ».
Zones économiquement sinistrées
Dans son étude relative à l’impact économique de la crise sécuritaire au Nord-Ouest et Sud-Ouest, publiée en août 2018, le Groupement inter-patronal du Cameroun (Gicam) propose des solutions pour amortir ce choc interne.
Le Gicam suggère que, « dans le climat d’incertitude actuel, il est nécessaire de doper l’activité économique dans les autres régions afin d’amortir le choc du ralentissement observé dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest ». De fait, indique le Groupement, la réalisation des objectifs de croissance convenus avec les partenaires internationaux dépend désormais de la capacité à éviter la propagation des effets de la crise et à assurer un rythme d’activité plus important dans les autres régions. Le mouvement patronal pense, entre autres, qu’il convient d’octroyer des autorisations spéciales d’importations de matières premières aux industries éprouvant des difficultés d’accès à ces régions anglophones en crise sécuritaire depuis octobre 2017; le cas notamment des unités de transformation locale de cacao.
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En outre, le Gicam propose de tout mettre en œuvre pour préserver l’organisation de la Coupe d’Afrique des nations de football en 2021, dont la tenue pourrait être hypothéquée par le climat d’insécurité et veiller à impliquer autant que possible les entreprises locales dans cet évènement. Aussi, il faudrait observer une véritable pause fiscale en s’assurant notamment que la Loi de finances 2019 n’introduise pas de contraintes et de pressions fiscales supplémentaires pour les entreprises. Sans oublier d’instaurer des incitations spécifiques pour permettre aux entreprises des secteurs les plus sinistrés d’accélérer leur redéploiement dans les autres régions du Cameroun. « La phase post-crise nécessitera un véritable « Plan Marshall » pour le relèvement économique des régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest », préconise le Gicam.
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Entre 60 et 80% des industries agroalimentaires sont désormais inaccessibles dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest du Cameroun, à cause des violences qui ont cours dans ces régions depuis octobre 2016. Selon les révélations du Gicam, plusieurs entreprises dans ces deux régions du Cameroun ont été contraintes au démantèlement des infrastructures logistiques et de commercialisation, lorsque celles-ci ont pu échapper aux vandalismes et destructions.
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Les entreprises de fabrication des boissons observent notamment des pertes de chiffres d’affaires allant jusqu’à 40 milliards FCFA. Les actes de vol et de vandalisme ont déjà coûté à ces dernières plus de 500 millions FCFA en pertes matérielles, sans compter les sommes déboursées par leurs employés pour échapper aux rackets et autres menaces.
Les industries meunières, bien que n’ayant pas une minoterie installée dans ces régions, voient également leurs activités souffrir de ce climat d’insécurité. Des camions de livraison leur appartenant ou à des tiers travaillant directement ou indirectement pour leur compte, ont été incendiés. Les livraisons auprès des clients ont baissé, même si l’intensité diffère d’une entreprise à une autre. Elles vont notamment de 5% à 40% pour les entreprises les plus impactées. Le manque à gagner pour l’ensemble de la filière pourrait ainsi avoisiner 4,9 milliards FCFA.
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