Crise du pain : l’implacable hausse du prix que réfute le Gouvernement
Officiellement, le prix de la baguette de pain n’a pas augmenté, soutient le ministère du Commerce, qui semble se trouver à des années lumières de la réalité de terrain. Depuis une semaine, cette denrée est commercialisée à 150 FCFA au lieu de 125 FCFA, en raison d’une conjugaison de facteurs imputables à différents acteurs de la chaîne.
Le gouvernement du Cameroun a beau claironner que le prix de la baguette de pain de 200g, la plus prisée des consommateurs, n’a pas augmenté, mais la réalité qui se vit sur le terrain est tout autre. Depuis près d’une semaine, le pain correspondant au grammage susmentionné est vendu dans les échoppes à 150 FCFA, soit une hausse de 25 FCFA. Cette hausse s’est opérée en catimini, sans doute à l’insu du gouvernement, qui soutient qu’aucun renchérissement n’est déjà applicable sur le prix du pain. Dans une note d’information publiée mardi dernier sur sa page Facebook, le ministère du Commerce déclare : « Jusqu’à nouvel avis, le prix de la baguette de 200 grammes reste inchangé à 125 FCFA, de même que celui du sac de farine de 50 kg qui continue de coûter 19.000 FCFA au stade du consommateur final ».
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Une sortie qui contraste avec la réalité du terrain, et qui laisse même songeur sur la régulation des prix sur le marché, otage des fluctuations au gré des secteurs d’activité. Le sac de farine de 50kg justement, connait des variations de prix depuis le début de l’année, et se vend désormais entre 20 000 et 23 000 FCFA, à en croire certains commerçants au détail. « On achète présentement un sac de farine SGMC à 23 000 FCFA chez les grossistes et on vend le kilo à 500 FCFA, alors que ça coûtait 450 FCFA », a confié une revendeuse de Yaoundé à EcoMatin. Le gouvernement, autant que les acteurs de l’industrie meunière et de la pâtisserie, feignent d’ignorer cette évidence. Ils abondent dans le même sens que les pouvoirs publics, et feignent d’admettre que cette hausse de fait résulte d’une conjugaison de facteurs qui leur sont préalablement imputables.
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Livraison de la farine de blé
Tout est parti des menaces brandies par les meuniers, pour revendiquer des mesures d’accompagnement du gouvernement visant à faire face à la hausse des prix des matières premières sur le marché international, et à une explosion jusqu’à 400% des coûts du fret maritime à cause de la pandémie de la Covid-19. Le gouvernement a certes pris des allègements fiscaux, jugés faméliques et insatisfaisants par les meuniers, lesquels ont entrepris dans un premier temps, le 8 février dernier, de suspendre les livraisons de blé sur l’ensemble du territoire, avant de revenir sur cette décision le 9 février à en croire le ministère du Commerce.
« A l’issue de la concertation entre le Groupement des industries meunières du Cameroun (GIMC) et le gouverneur de la région du Littoral le 9 février 2022, les livraisons de la farine de blé ont continué sur toute l’étendue du territoire. Selon Alfred Momo Ebongue, le secrétaire général du GIMC, les livraisons sont effectives en attendant les concertations avec le gouvernement pour « sortir de cet état de crise ». Et de poursuivre que jusqu’ici les prix du pain et autres produits dérivés ne sont pas impactés », indique le Mincommerce.
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Le Ponce-pilatisme des boulangers
A l’image du gouvernement et des meuniers, les boulangers sont dans le déni de cette réalité. Le Syndicat patronal des boulangers du Cameroun (SPBC) soutient également que les prix sont inchangés, mais reconnaît que les marges sur les prix de livraison de la baguette ont évolué, sans pour autant en donner les raisons véritables. « Les boulangers ont diminué les marges des revendeurs (ceux qui s’approvisionnent auprès des boulangeries pour ensuite revendre dans les quartiers, ndlr). Vous savez que dans notre métier il y a une branche qui est indépendante, c’est celle des revendeurs indépendants. Comme nous ne voulons pas augmenter le prix du pain pour menacer la paix dans notre pays, les boulangers ont plutôt diminué leurs marges. Ce sont eux qui font le chantage partout où on vend le pain dans les quartiers », argumente Jean Claude Yiepmou Kapwa, le président du SPBC, dans un de nos récents articles. Il renchérit : « La baguette de pain qui leur était livrée au prix unitaire de 100 F, leur est désormais fournie à 110F». Il va sans dire que les revendeurs et tenanciers des échoppes, ainsi impactés par cette conjonction de facteurs, n’ont eu d’autre choix que d’imputer les manques à gagner dans le portefeuille du consommateur. Sans doute le Mincommerce devra-t-il se déployer à travers sa Brigade nationale de répression et de contrôle des fraudes pour veiller à l’applicabilité des prix homologués dans ce secteur ? Mais en attendant, la baguette coûte désormais 150 FCFA chez Diallo !
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