Crise anglophone, Agoa, aide militaire… : ces dossiers qui emmènent Paul Biya aux États-Unis
Annoncé au sommet des dirigeants Usa-Afrique, le président de la République espère arracher un premier tête-à-tête avec son homologue américain Joe Biden, pour discuter de quelques sujets qui les divisent.
Le président de la République, Paul Biya, quitte le Cameroun cet après-midi du 09 décembre pour Washington, où il devrait prendre part au sommet des dirigeants des États-Unis-Afrique, du 13 au 15 décembre. Le Cameroun a tant besoin d’investissements étrangers sur son territoire et de financements pour ses grands projets. Et aucune opportunité n’est à bouder. La rencontre annoncée vise le renforcement des liens économiques, diplomatiques, culturelles, entre autres questions qui vont meubler les travaux entre les milieux politiques et d’affaires américains et africains, dans un contexte mondial marqué par de lourdes incertitudes. Mais, au-delà, le chef de l’État qui voyage très peu ces dernières années sort certainement de son hyper confinement dans l’espoir de décrocher un premier tête-à-tête avec son homologue américain, Joe Biden, en marge de ce sommet. Notamment, pour discuter des sujets qui divisent.
Ce rendez-vous intervient quelques jours seulement après que, par un certain soft power, la diplomatie camerounaise a obtenu de la justice américaine, l’inculpation de quatre Américains d’origine camerounaise, impliqués dans le financement de la sécession dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest, et l’exportation illégale d’armes vers le Cameroun. Paul Biya devrait sans doute plaider auprès de Joe Biden, pour que la justice américaine accentue la traque contre les donneurs d’ordres des groupes séparatistes camerounais, en très grand nombre aux États-Unis. La crise en cours dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest constitue depuis 2017 la lame de fond des relations entre le Cameroun et les États-Unis. Un certain nombre de sanctions prises à l’encontre du Cameroun par l’administration américaine ont un lien direct avec ce conflit.
Par exemple, en 2018, les États-Unis avaient suspendu un programme de formation destiné à certains corps d’élite de l’armée nationale et à annuler la livraison au pays de quatre bateaux de patrouille. Le Congrès américains s’était également fondé sur des allégations de violations des droits de l’homme impliquant des éléments des forces de défense et de sécurité camerounaises dans la guerre contre des groupes sécessionnistes anglophones, pour obtenir en février 2019, une réduction de l’aide militaire apportée par l’administration Trump au Cameroun, pour un montant cumulé d’environ 9 milliards Fcfa.
Système préférentiel
Plus important, le 1er novembre de la même année, le Cameroun avait été exclu du système commercial préférentiel accordé par les États-Unis aux pays africains, dans le cadre de l’African Growth and Opportunity Act (Agoa) par l’ex-président Donald Trump, sous le prétexte de violation massive des droits de l’homme par l’armée camerounaise dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest. Outre le plaidoyer pour le rétablissement de l’aide militaire réduite considérablement depuis 2018, Paul Biya ne devrait pas manquer de renégocier la réintégration du Cameroun dans ce dispositif qui avait permis au pays d’exporter en franchise de douane pour 1,6 milliard de dollars vers le marché américain entre 2001 et 2018. Le sommet qui s’ouvre en début de semaine prochaine pourrait donc marquer un tournant décisif, sur la perception que les dirigeants américains ont sur ce conflit armé. Pour mémoire, depuis juin 2019, le gouvernement américain a aidé à conclure plus de 800 accords de commerce et d’investissement bilatéraux concernant 45 pays africains, d’une valeur estimée à 50 milliards de dollars en exportations et en investissements. Ces accords ont été mis en œuvre dans le cadre de Prosper Africa, une initiative du gouvernement des États-Unis qui tire parti des services et des ressources de 17 agences gouvernementales américaines pour accroître le commerce et les investissements bilatéraux entre les États-Unis et les pays africains.