Crevettes : après 19 ans de suspension, le Cameroun prépare la relance de ses exportations vers l’UE en 2032
Selon un récent rapport de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), le pays vient de s’engager à remplir les critères visant à garantir la durabilité des chaînes de valeur de la pêche et de l’aquaculture.
Dans son rapport intitulé « Chaîne de valeur des crevettes de grande taille au Cameroun », le FAO, organisme onusien en charge de l’alimentation, informe que le Cameroun, suspendu depuis 19 ans, prépare la relance de ses exportations vers l’Union européenne (UE) en 2032. Pour ce faire, le pays s’est engagé à remplir des critères d’un programme du FAO baptisé « FISH4ACP » visant à garantir la durabilité des chaînes de valeur de la pêche et de l’aquaculture.
Ainsi, ce programme vise notamment à corriger les lacunes dans le contrôle de la qualité sanitaire qui ont valu l’auto-suspension des exportations de produits halieutiques vers l’Union européenne depuis 2004 et empêchent plus généralement de vendre les crevettes là où elles se vendraient le plus cher. En effet, le Cameroun a suspendu les exportations vers l’Union européenne il y a 19 ans suite aux éléments de non-conformité en matière d’hygiène lors de la manipulation des produits de pêche mis en évidence par l’Office alimentaire et vétérinaire de l’Union européenne.
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L’Union européenne a officiellement suspendu les importations de produits halieutiques en provenance du Cameroun en 2009 en raison de la capacité insuffisante des autorités à effectuer des contrôles fiables sur ces produits. Plus récemment, en 2021, ce défi s’est vu aggravé par l’attribution d’un carton jaune par l’Union européenne dénonçant les défaillances du pays pour contrôler la pêche illicite, non déclarée et non réglementée (INN).
Selon le FAO, le Cameroun produit annuellement près de 5 300 tonnes de crevettes issues de la pêche commerciale maritime. Les principaux marchés sont, par ordre d’importance en volume, le marché national (près de 4 200 tonnes de crevettes de grande taille par an), le marché régional (Gabon, Guinée équatoriale, Nigéria, République centrafricaine et Tchad, avec environ 590 tonnes par an) et les exportations vers l’Asie (Chine, Chine – RAS [Région Administrative Spéciale] de Hong Kong, Viet Nam, Malaisie, estimées à 290 tonnes par an.) Environ 126 tonnes seraient autoconsommées et à peu près autant seraient perdues. La valeur totale des exportations de crevettes (formelles et informelles) du Cameroun serait comprise entre 1,6 de dollars (996,7 millions de FCFA) et 4,6 millions d’USD (2,8 milliards de FCFA).
Manque à gagner
Mais frappé d’une suspension, le Cameroun se situe en retrait sur le marché international. En 2019, la valeur de ses exportations de crevettes était de 950 000 USD (moins de 0,01% de la valeur des exportations mondiales) pour un volume de 143 tonnes, ce qui lui a valu la soixante-dix-neuvième position parmi les pays exportateurs. Les douanes camerounaises enregistrent des valeurs encore moins importantes (environ 360 000 USD pour 134 tonnes en 2019). En comparaison, le Nigéria arrivait à la trente-septième place des exportateurs dans le classement de l’Organisation mondiale du commerce, avec 4 400 tonnes de crevettes exportées vers des pays de l’Union européenne (Belgique, Pays-Bas, France, Allemagne, Portugal, Espagne) pour près de 30 millions d’USD en 2019.
Pourtant, indique le FAO, la crevette camerounaise a un potentiel inexploité vers plusieurs pays qui pourrait accroître la valeur des exportations de presque 70%. Les marchés les plus porteurs sont ceux de la France, du Vietnam, de la Chine, des États-Unis et de l’Espagne. En France et en Espagne ainsi qu’aux États-Unis, les crevettes camerounaises de grande taille pourraient pénétrer le marché avec un produit certifié conforme aux normes de qualité de l’Union européenne, voire à un cahier des charges de durabilité.
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Mais, indique l’organisme onusien, les principaux défis pour accéder à ces marchés sont l’obtention de l’agrément d’exportation à destination de l’Union européenne et l’effectivité renforcée des dispositifs d’exclusion des tortues sur les navires de pêche industrielle afin d’accéder légalement au marché américain. La Chine et le Vietnam présentent un avantage puisque certains canaux existent déjà. Le Gabon et la République centrafricaine apparaissent comme des pays vers lesquels il est facile de commercialiser le produit en raison de leur proximité géographique et de leur appartenance à la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale.
De leur côté, les principaux défis évoqués par les armateurs camerounais sont : le coût élevé du carburant ; la réduction des zones de pêche au profit des zones d’activité pétrolière; la piraterie maritime, qui requiert l’embarquement de militaires armés (du Bataillon d’intervention rapide ou de la Marine nationale) tous les trois jours pour assurer la sécurité de l’équipage ce qui génère un coût supplémentaire partiellement pris en charge par l’État.