Relance de l’économie : Celestin Tawamba poursuit son plaidoyer auprès du Premier ministre.
Le Président du Gicam, la plus importante organisation patronale du pays, qui a eu un nouvel entretient avec le Premier ministre, Chef du gouvernement, appelle ce dernier à une action plus résolue, plus claire, plus forte et plus courageuse pour aider les entreprises, durement affectées par la crise, à se relever.
En moins d’une semaine, ils se seront parlé deux fois. La première, à la demande du Président du Groupement Inter patronal du Cameroun (Gicam), la plus grande et la plus puissante des organisations patronales du pays, venu alors présenter à son hôte les conclusions particulièrement anxiogènes de la deuxième étude menée par le Gicam sur l’impact de la Covid-19 sur les entreprises camerounaises. Le Premier ministre, Chef du gouvernement, qui conduit la riposte gouvernementale face à la crise sanitaire et ses débordements socio-économiques, laquelle riposte a été consolidée sur la base des conclusions de l’étude menée par le gouvernement et l’administration publique camerounais à ce sujet, avait promis à Célestin Tawamba, de le recontacter «rapidement». Il a donc tenue parole ce 27 juillet 2020, certes par visio-conférence, et le Président du Gicam dit y voir une «grande preuve de (sa) volonté d’un dialogue public-privé respectueux car équitable et partagé».
Mais cet homme que l’on dit pragmatique et peu à l’aise avec les interminables prévenances des diplomates, n’a pas tardé, dès l’entame de cette visio-conférence, à aller «droit au but» : «l’oxygène dont manquent les malades de la Covid-19 est un symptôme identique à celui des entreprises dont l’air financier se raréfie avec un marché qui se contracte sous la conjonction de plusieurs crises», assure gravement Célestin Tawamba, qui peint aussitôt le portrait d’une économie nationale aux couleurs sombres.
«Nos entreprises de l’économie formelle, et largement regroupées au sein du Gicam, vivent en effet des moments particulièrement difficiles. À l’évidence du fait de l’impact de cette crise sanitaire mondiale mais aussi parce que nos entreprises vivent depuis plusieurs années déjà, les effets d’autres crises sécuritaires et de devises. À cela s’ajoutent une baisse de pouvoir d’achat et l’informalisation croissante de notre économie au sein d’une sous-région en détresse car dépendante d’une économie pétrolière et gazière totalement en panne et volatile», constate le Président du Gicam, en écho aux conclusions de la deuxième enquête menée auprès des patrons camerounais, dont les résultats, pire que ceux de la première étude effectuée en avril 2020, priveraient de sommeil même le plus distrait des dirigeants : entre avril et juin 2020, 96,6% d’entreprises camerounaises ont été impactées négativement par la Covid-19 ; les estimations de pertes de chiffre d’affaires se montent à 310,1 milliards Fcfa pour le seul mois d’avril 2020, soit une baisse de 31% en glissement annuel, ce qui représente une réduction de la contribution fiscale de ces entreprises d’un montant de 51,5 milliards Fcfa ; quant aux pertes de chiffre d’affaires sur l’année 2020, celles-ci se chiffrent 3139 milliards Fcfa par rapport à l’année 2019 ; sur le volet de l’emploi, 53 346 employés auraient déjà été mis en chômage technique selon l’étude, tandis que 13 834 employés auraient purement et simplement été licenciés du fait de cette crise. (Consultez ecomatin.net pour avoir les détails des conclusions de cette étude).
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Esprit combattif
Mais ce qui peuple et enserre les nuits et l’esprit des patrons camerounais selon le Président du Gicam, c’est avant tout l’option du gouvernement d’appliquer les recettes de la médecine douce à un patient qui lui, relève de la thérapie de choc. De quoi réveiller l’esprit combattif de l’industriel, qui refuse de se résoudre à «accepter, qu’avec les évolutions actuelles, tout soit perdu !». «En effet tout ne sera pas perdu si nous agissons d’une part la main dans la main, et d’autre part, rapidement. Agir là est la clé et surtout, agir ensemble et autrement, car toutes ces menaces sont autant d’opportunités d’améliorer et donc finalement de réinventer notre économie pour accroître sa résilience et son dynamisme et affirmer son rôle majeur de locomotive de l’Afrique centrale», assure ce patron construit à la conception anglo-saxonne des affaires, qui cherche en chaque menace, une occasion de «Take a chance».
«Agir là», dit Célestin Tawamba au Premier ministre, c’est mettre un terme à ce «système fiscal inadapté, car basé sur le chiffre d’affaires», un système fiscal «unique au monde (et) terriblement injuste». Sans doute par souci de ménager son interlocuteur, n’a-t-il pas qualifié ce système fiscal de «confiscatoire», comme en d’autres circonstances, mais à l’évidence, il ne le pensait pas moins. «Agir là» c’est donc passer à une fiscalité fondée sur la création des richesses, et procéder à un élargissement de l’assiette fiscale, qui constituent, avec d’autres critères (création d’emplois, montant d’investissements directs étrangers et privés…) les aunes plus objectives d’évaluation d’une politique fiscale, en tout cas plus objectives que la simple arithmétique positive des recettes fiscales collectées, mesure que tente d’imposer l’administration fiscale camerounaise pour évaluer tout aussi positivement la politique fiscale actuelle et interdire tout débat constructif sur sa pertinence (voir enquête page 8).
Accueil favorable
«Agir là», selon Tawamba c’est procéder à la «formalisation des filières prioritaires et des champions nationaux, (à) la consécration de la notion du Local content et de la souveraineté nationale, pour les inscrire dans un processus de protection et de stabilité de la part de l’Etat» ; c’est «(étendre) la validité des mesures de soutien fixée au 30 juin sur l’ensemble de l’année» ; c’est aussi «(suspendre) jusqu’en fin d’année 2020 (les) contrôles fiscaux, douaniers, (la) CNPS ainsi que ainsi que tous les autres contrôles diligentés par les autres administrations »; c’est poursuivre le remboursement «systématique des crédits de TVA» ; c’est prendre des «mesures de soutien à la trésorerie des entreprises notamment par l’aménagement des règles de provision de la COBAC afin de permettre aux banques d’accorder les reports d’échéances de paiement, la mise en place de fonds de soutiens aux GE (Grandes entreprises, ndlr) et PME(Petites et moyennes entreprises, ndlr) avec des emprunts garantis par l’Etat-ce qui permettrait en sus de bénéficier des taux bonifiés, l’octroi de subventions à certaines filières et secteurs touchés par la pandémie». Le détail, en somme, d’un véritable Plan de relance économique, que le Président du Gicam appelle de tous ses vœux, et dont les contours devraient arrêtés d’accord partie avec le gouvernement dans le cadre d’une concertation franche.
«Le temps est venu de rompre avec la tentation bien établie dans notre pays de différer l’engagement de réformes économiques structurelles d’envergure, qui nous auraient mieux préparé à faire face aux déséquilibres et ruptures nés de la pandémie de la Covid-19. Le temps est venu de mettre l’entreprise au centre des politiques économiques et sociales. Ne l’oublions jamais, l’entreprise est le principal créateur de richesses et des emplois, et le principal contributeur aux recettes budgétaires de l’Etat», a martelé le Président du Gicam au Premier ministre chef du gouvernement.
Joseph Dion Ngute aurait, sur la base des recoupements effectués par EcoMatin, accueilli favorablement cet appel à une action plus résolue et aurait même instruit les ministres compétents, aux premiers rangs desquels ceux en charge de l’Économie et des Finances, d’examiner ces propositions. Mais Célestin Tawamba le dit bien : l’heure est à «l’agir là».
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